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«La partie construite du REM, notamment le long de l’autoroute 10, est remarquable de laideur», estime Luc Ferrandez.
La partie construite du REM, notamment le long de l’autoroute 10, est remarquable de laideur.
Dans une rencontre qu’il a eue hier avec la nouvelle mairesse de Longueuil, le premier ministre a promis un « beau » REM pour Longueuil, en déclarant notamment qu’il n’y aurait pas de système d’alimentation électrique (les caténaires) au-dessus des voies.
Il n’est pas allé jusqu’à dire que la phase 1 du REM est une horreur, mais la rumeur veut que le gouvernement ait lui-même été surpris de constater la lourdeur du système d’alimentation électrique au-dessus de la partie déjà construite du REM (de l’ouest).
L’enchevêtrement de barrières, de poteaux et de fils ne correspondait pas du tout aux images léchées des trains aériens que la Caisse a fait circuler pour vanter son projet, soit des trains roulant sur des structures hyper légères et architecturales soutenues par des poteaux effilés et sans alimentation électrique.
Lorsque la Caisse a fait circuler ces photos, les experts ont statué que ces aménagements esthétiques étaient impossibles sous nos latitudes. Parce que la neige et la glace alourdissent les structures et parce que les trains qui rouleront sous notre latitude seront plus lourds pour faire face aux intempéries. Le tablier et les poteaux qui supporteront les rames du REM doivent être beaucoup plus massifs.
On ne peut pas non plus mettre de modules par-dessus la voie (par exemple en alvéoles comme à La Haye) où pourraient se former des glaçons. Mais surtout, il semble impossible de concevoir une alimentation électrique au niveau des rails, puisque la neige, le verglas et le grésil pourraient empêcher tout contact électrique. Qui plus est, puisque le train doit dégager lui-même la voie lors d'intempéries, il lui faut une puissance suffisante de moteur qui exige des fils de fort calibre et donc un système de poteaux suffisamment résistants (et donc beaucoup moins discrets) pour les soutenir.
Tout cela aurait donc changé depuis l’automne ? Il est dorénavant possible de faire un REM léger et délicat ? Je comprends la mairesse de Montréal de réagir et d’exiger immédiatement la même chose. Je me demande aussi pourquoi la Caisse n’y a pas pensé plus tôt pour les 36 km déjà construits ou en construction.
Mais même si nous acceptons que les ingénieurs aient tort et que monsieur Legault puisse avoir raison, il reste bien d’autres inconvénients à surmonter avant d’en faire un équipement urbain de qualité.
En effet, le REM est un système de train sans conducteur. Il ne peut s’arrêter aux intersections et il doit donc être construit en hauteur. Qui plus est, comme il s’agit d’un réseau qui permet la circulation des rames dans les deux directions simultanément, il doit y avoir une certaine distance entre les voies ferrées. On comprendra que ce choix rend l’emprise aérienne du tablier considérablement plus large (au moins l’équivalent de trois voies de circulation) qu'un système à une voie ferrée bidirectionnelle.
Lorsqu’il est au niveau du sol, le REM se doit d'être protégé par des clôtures de béton et d’acier pour garantir que des piétons ou véhicules ne puissent pas traverser les voies. Un peu comme le TGV. Lorsqu’il y a une station, la largeur de l’édicule dans les airs correspond pratiquement à toute la largeur d’un boulevard traditionnel comme le boulevard Taschereau. Et disons-le tout de go, le REM n’est pas silencieux. Sa motricité l’est, mais pas le roulement lui, ne l'est pas. Comme il passe toutes les dix minutes, on peut difficilement le faire passer au centre d’une rue bordée d’édifices à logement, un peu comme le train aérien de Chicago.
Alors posons-nous la question : est-ce que c’est vraiment de cet équipement dont une ville qui veut réinventer son centre-ville, notamment en y attirant des immeubles où viendraient s’installer des familles, a besoin ? Je ne crois pas.
Afin que les familles viennent s’installer à proximité des transports en commun (et ainsi diminuer leurs besoins de transport en véhicules individuels), il faut imaginer des immeubles bordés de grands balcons, des rez-de-chaussée commerciaux avec de larges trottoirs et de grandes terrasses ; beaucoup de verdissement — notamment par la plantation de milliers d’arbres. Au centre du boulevard Taschereau, on peut penser à un tramway au sol déposé sur une emprise gazonnée, comme c’est le cas à Paris.
Longueuil a beaucoup souffert d’être coupée par des infrastructures de transport lourdes : la 132 qui la coupe de l’eau, la 116 qui la coupe en deux, la 20, la 10. Il est temps de penser l’avenir en termes de beauté, de verdure et de calme. Si le REM peut servir cet objectif, tant mieux. Sinon, il faut exiger un plan d’abord construit pour les gens qui habitent la ville. Le transport doit s’insérer dans ce plan.
Faire l’inverse, c'est à dire choisir en premier l’infrastructure de transport et pour ensuite se poser la question de son intégration dans un milieu de vie est une garantie de médiocrité.