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En gestion de crise, les événements les plus dramatiques sont ceux durant lesquels les porte-paroles doivent exceller et répondre adéquatement aux besoins des citoyennes et des citoyens.
Il y a 10 ans déjà, la nuit s’est transformée en film d’horreur pour les gens de Lac-Mégantic : 47 victimes, des milliers d’habitants frappés de plein fouet et une nation au complet sous le choc. Comme le dit Michel Bherer dans sa lettre sur le 6 juillet 2013, « dans mon métier, les grands moments professionnels sont très souvent les grands drames des autres ».
C’est aussi vrai en gestion de crise, alors que les événements les plus dramatiques sont ceux durant lesquels les porte-paroles doivent exceller et répondre adéquatement aux besoins des citoyennes et des citoyens.
C’est aussi dans ces moments de drame que l’on est capable de voir le véritable leadership se déployer. En 2013, deux femmes ont profondément marqué les esprits par leur humanisme, leur empathie, leur dévouement et leur engagement envers les gens.
Tout d’abord, Colette Roy-Laroche, mairesse de Lac-Mégantic de 2002 à 2015 et porte-parole des gens de sa ville durant cette tragédie. Grâce à son authenticité, son empathie et son courage, la mairesse a réconforté ses citoyens, elle les a accompagnés durant les mois qui ont suivi et a servi d’appui à cette communauté qui était profondément affectée par les événements.
Elle a aussi pris des décisions difficiles, notamment en demandant la démolition de plusieurs bâtiments du centre-ville, mais toujours en le faisant pour le bien de ses concitoyens. Elle n’avait pas l’expérience des grandes crises et sa ville n’avait pas les ressources pour faire face à une tragédie de cette ampleur, mais elle a réussi à gérer la situation de façon admirable, car elle savait ce dont les gens avaient besoin et elle était dévouée à les aider.
La seconde est aussi une femme de cœur. Madame Marois était première ministre du Québec depuis moins d’un an quand la tragédie a eu lieu. Comme elle le raconte à l’époque, elle apprend la situation en ouvrant la télévision tôt le samedi matin. Peu de temps après, elle rejoint Lac-Mégantic et elle partage alors la détresse, la tristesse et la colère des gens.
Bien entendu, comme tout gouvernement, elle a, avec son équipe, octroyé de l’aide aux citoyens, contribué à reconstruire et accompagné la municipalité. Mais la différence pour moi, c’est le temps qu’elle a pris, elle aussi, avec tous les gens affectés. Ces images que l’on a vues d’elle avec les proches des victimes, avec chacun et chacun des citoyens qui venaient la voir durant ses visites.
Elle aussi avec beaucoup d’empathie et d’authenticité, elle a accompagné les gens dans leur souffrance, sans essayer de la régler, mais simplement en les écoutant, en prêtant son épaule et en étant là pour eux.
Madame Marois et madame Roy-Laroche ont géré cette crise avec humanité et empathie et elles nous ont alors rappelé que ce sont les deux ingrédients principaux pour être une bonne « leader », une bonne élue et gérer adéquatement une crise.
De l’autre côté du spectre, nous avons aussi été choqués par le silence, l’absence et le désintérêt de l’entreprise propriétaire du train qui a déraillé à Lac-Mégantic. À l’époque, La Presse m’avait invité à faire une analyse de la gestion de crise de la Montreal, Maine and Atlantic Railways (MMA).
Dans ce texte, j’exprimais alors mon incompréhension face au silence de l’entreprise et à son incapacité à prendre ses responsabilités durant cette crise. 10 ans plus tard, je ne comprends toujours pas qu’une entreprise ait pu être aussi insensible au drame qui se déroulait.
Ne rien dire, ne pas se présenter sur place, ne pas avoir de porte-parole en français, se déresponsabiliser, ce sont les pires gestes qu’une entreprise puisse faire en gestion de crise.
La bonne nouvelle, c’est que leur incompétence a servi de leçon et qu’il m’apparaît improbable aujourd’hui, qu’une compagnie fasse preuve d’autant de négligence dans le traitement de leurs communications à la suite à une tragédie de la sorte.
Aujourd’hui, nous avons l’occasion de nous souvenir de cette tragédie. D’abord, pour les victimes et pour leur entourage. Durant les 10 dernières années, ils ont pensé tous les jours à cette nuit du 6 juillet 2013. C’est d’abord pour eux qu’il est important de prendre le temps de se souvenir de ceux qui ont payé de leur vie et de leurs familles qui ont eu à vivre avec cette immense peine. D’ailleurs, toutes mes pensées sont avec eux.
Nous devons aussi garder en mémoire les causes de ce drame pour éviter que cela se reproduise et il y a urgence en la matière. En 2013, tous s’entendaient pour dire qu’une voie de contournement était essentielle dans le secteur et qu’il était inacceptable que des trains de 250 wagons de matières dangereuses traversent un centre-ville.
Pourtant, 10 ans plus tard, non seulement la voie de contournement n’existe pas, mais tous s’entendent pour dire que le dossier a été tellement mal géré par Transport Canada, qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour un trajet que les autorités semblent vouloir imposer aux collectivités touchées.
Malheureusement, quand l’attention publique s’éloigne, la bureaucratie prend plus de place et la gestion des priorités s’effrite rapidement. Il me semble que le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux victimes, à leurs proches et à tous ceux qui ont souffert de ce drame, c’est de construire cette voie de contournement en collaboration avec les collectivités touchées.
10 ans après, il est tard, mais il est surtout temps.