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«La peur de perdre génère en elle-même une perte: celle de ne pas faire d’autres gains.»
Un des plus grands fléaux de la vie financière? La peur de perdre. En théorie, on utilise l’expression «l’aversion aux pertes». C’est un biais cognitif.
On a si peur de perdre un investissement ou une partie de celui-ci que ça vient complètement annuler la lumière dirigée vers les gains éventuels. On a peur de perdre quitte à «refuser de gagner». La perte éventuelle est donc plus douloureuse pour l’esprit que le bonheur lié aux possibles gains. On n’ose pas changer de carrière, parce qu’on craint de perdre. On n’ose pas être travailleur autonome, quand on craint de perdre la sécurité financière que nous procure un travail salarié. Pourtant, la peur de perdre génère aussi en elle-même une perte: celle de ne pas faire d’autres gains.
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Ici, je ne parle pas de quitter un emploi de 100 000$ par année pour lancer un café 7e vague sur une artère non passante d’un village en région éloignée. Je parle de l’anxiété irrationnelle de perdre. Pourquoi? Parce que si on ne risque pas de gagner, on a 100% des chances de perdre.
Il n’en demeure pas moins qu’il est facile de parler d’investissements une fois qu’on a quitté la précarité financière. Quand je regarde des extraits vidéos de podcasts sur l’investissement, je roule souvent des yeux. Un homme favorisé qui parle de risquer 1 million de dollars, quand il en a 30 en banque, c’est moins spectaculaire qu’un travailleur moyen «risquant» d’investir 10 000$.
Mais, on se laisse ébahir. On l’écoute quand même beugler sur son épreuve passée avec l’assurance du vainqueur. Pourtant, il a risqué ce qu’il pouvait perdre. Voilà pourquoi la peur de perdre touche souvent davantage ceux et celles qui n’ont pas les moyens de la ressentir.
Paradoxalement, ces derniers sont condamnés à devoir risquer plus. Si l’aversion aux pertes empêche un quidam d’investir, le manque d’investissements le confine à l’appauvrissement. Pourquoi?
Parce que l’inflation joue contre lui. La retraite implique de facto que l’investissement remplace le revenu lié aux heures travaillées. Ironiquement, l’aversion aux pertes sert parfois de mécanisme de justification des dépenses. On veut se payer un bien avant d’investir. Le tangible actuel outrepasse alors l’avenir imprévisible dans l’esprit.
Avec le recul, on regarde les succès passés de certains individus comme une évidence. Il est chanceux, dit-on. N’empêche, à l’époque où Kenny G a investi dans Starbucks, rien ne laissait présager le futur de la compagnie.
Quand mon collègue a investi dans un plex sur une rue passante de Montréal en 2001, personne ne pariait sur un gain rapide. Il y a plus de 20 ans, l’action d’Amazon valait 100 fois moins qu’aujourd’hui (en fonction du nombre d’actions en circulation). Le temps donne raison à ceux qui osent investir. Il faut un jour ou l’autre oser où d’autres n’osent pas.
Si je vous demandais, dans quelle compagnie investiriez-vous l’entièreté de vos 100 000$ pour 10 ans? Que répondriez-vous? Trop de risques et trop d’incertitudes pour investir?
Pourtant, dans 10 ans vous serez peut-être les premiers à dire «j’aurais dû». N’empêche, fractionner le 100 000 $ en 10 investissements distincts ou plus s’avère plus logique. Ce n’est pas que l’aversion aux pertes qui parle, mais aussi la saine diversification.
Ce qui donne la patience à l’investisseur de ne pas faire d’argent immédiatement avec un placement, c’est la constatation d’en faire ailleurs. Voilà pourquoi on accepte de dormir sur un terrain acheté en 2005, de ne pas toucher de dividendes sur un investissement privé ou de croire en l’avenir d’une entreprise à la croisée des chemins en bourse.
La diversification et l’importance relative d’un placement dans une série de placements rendent le risque «tolérable» pour l’esprit. N’empêche qu’il faut un jour ou l’autre investir une première fois pour atteindre un jour ou l’autre cette réalité.
Alors, vous avez investi dans quoi aujourd’hui? Dans rien?! La fameuse peur de perdre, quand tu nous tiens.