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«Oui, c’est vrai, elles me fascinent. Mais elles m’inquiètent aussi.»
Je ne serai jamais une «tradwife». Vous savez ces femmes qui embrassent le mode de vie des femmes au foyer des années 1950 et se dévouent exclusivement aux affaires de la maison: cuisine, ménage, rangement, éducation des enfants et décoration.
Elles popularisent de nouveau l’expression «tenir maison», car c’est ce qu’elles font; en plus, bien sûr, de s’entretenir elles-mêmes. Elles ont souvent ce petit look rétro parfait, elles sont bien coiffées, bien maquillées et manucurées, avec le tablier noué à la taille inclus (oui, oui, un tablier!).
L’image projetée est lisse, nette, propre, léchée, rien n’accroche. Les enfants sont parfaits, la maison brille et les biscuits sortent du four. Vous voyez le genre?
Depuis plus d’un an, j’en suis quelques-unes sur les réseaux sociaux. Oui, c’est vrai, elles me fascinent. Mais elles m’inquiètent aussi.
En fait, c’est ce qu’elles incarnent qui m’inquiète: le retour du patriarcat avec un grand P.
Dans cette équation, les deux membres du couple ne sont pas du tout égalitaires. L’homme travaille, il gagne de l’argent (et en économise), il s’occupe de toutes les choses «à l’extérieur» de la maisonnée comme tondre le gazon une fois par semaine ou déblayer l’entrée l’hiver. Et j’oublie le lavage de la voiture!
Bien sûr, le mari a une vie professionnelle et donc, une vie sociale en-dehors de la maison. Elle? Non.
Si on en croit le brillant joueur de la NFL Harrison Butker, dont le discours devant des finissants d’une école du Texas enflamme les réseaux sociaux depuis une semaine, les femmes sont bonnes pour ça. C’est là qu’elles s’épanouissent le mieux: en devenant épouse et mère.
Lors d’un passage, Butker devient même ému en parlant des sacrifices de sa douce conjointe. En gros, il dit que oui, il a du talent, mais il a toujours été appuyé par son amour de jeunesse, Isabelle. Par chance qu’elle était son numéro deux.
Je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer?
Hurler, plutôt!
Ce n’est pas fascinant qu’on ne pense jamais aux hommes de cette façon? Je fais un parallèle avec les questions que l’on pose souvent aux femmes entrepreneures ou professionnelles, celles qui ont gravi les échelons et fait éclater les plafonds de verre à coup de talons: comment font-elles pour concilier?
Ne parle-t-on jamais de la conciliation travail-famille pour les hommes? Eh bien, non. Pourquoi? Poser la question, c’est y répondre.
Parce qu’il va de soi que c’est la femme, la mère, qui pallie. Cela change — mais si peu. Si peu.
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Je rêve du jour où à l’annonce d’une grossesse, on pose cette question en premier aux futurs parents (au lieu de l’insipide «garçon ou fille?») : comment vous diviserez-vous les semaines de congé parental? J’ai hâte qu’on quitte la logique du fait que c’est automatiquement la femme qui prend une année de congé.
Je suis tout à fait pour le libre choix — mais j’aimerais que les paradigmes changent. Qu’on cesse de croire que c’est biologique ou inné.
Nenni!
Le rôle est appris et attendu. Depuis des millénaires. Les femmes ont envahi le marché du travail depuis quelques décennies seulement. On l’oublie: c’est récent dans l’histoire du monde…
Des discours comme celui de Butker, arriéré, fermé et condescendant, renvoient à nouveau à cette fatigante manie : on va dire aux femmes quoi faire. Et même, comment se sentir dans ce rôle? Rien de moins.
J’hallucine.
Ce qu’on ne dit pas, aux tradwives de ce monde, et qu’on évacue beaucoup trop vite selon moi, c’est qu’elles ne s’enrichissent pas, contrairement à leur époux. Si elles sont mariées, d’accord, elles ramassent une partie financière en cas de séparation.
Au Québec, champions de l’union libre, certaines femmes choisissent de rester à la maison ou de travailler à temps partiel. Si les raisons derrière ce choix sont nobles (concilier, cesser de courir entre le boulot et la maison) et compréhensibles, il n’en demeure pas moins que les femmes s’appauvrissent.
Elles travaillent gratuitement pour la famille, conjoint inclus.
En cas de séparation, sans être marié, qu’adviendra-t-il? Ont-elles un arrangement monétaire ? J’en doute.
Au fond, je devrais peut-être remercier le joueur de la NFL. Grâce à son discours de droite, il secoue, bouleverse et fait réfléchir bien des femmes et des hommes.
L’égalité, l’équité et la parité sont en recul. Il faut se méfier. Et en parler.