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Société
Chronique |

Yara El-Soueidi | Dans la chaleur de la nuit

Gros sujet de discussion cette semaine : la vie nocturne montréalaise.

Gros sujet de discussion cette semaine : la vie nocturne montréalaise.
Gros sujet de discussion cette semaine : la vie nocturne montréalaise.

Gros sujet de discussion cette semaine : la vie nocturne montréalaise. Au cas où vous ne le saviez pas, cette semaine se tenait le Sommet de la Nuit, une conférence de 2 jours qui couvre tous les enjeux reliés à la vie nocturne à Montréal.

On s’en doute, les sujets sont variés, ils sont intéressants et surtout, ils illustrent les discussions qui entourent la vie nocturne dans le monde. Des intervenants divers viennent discuter des solutions et des projets pilotes qui s’organisent dans leurs villes. Ça foisonne d’idées, c’est super stimulant, la Société des arts technologiques sera même ouverte 24/24 durant 3 jours !

Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça m’enchante. Jusqu’à ce que je réalise que… en fait, il n’y a pas grande prise de décision qui se fait lors de ces journées de conférences.

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Je parlais avec une amie DJ récemment (elle m’a demandé de rester anonyme.) Quand elle a su le sujet de la conférence, elle a roulé des yeux. Elle n’y participe pas. Je lui ai demandé pourquoi.

« Il manque de diversité. They don’t really care about us, les travailleurs. C’est beau de parler, mais il n’y a pas d’action. Et personnellement, nous, les travailleurs, on est épuisés ! »

Elle n’est pas la seule à soulever cette problématique. Dans un article de CTV News paru cette semaine, le propriétaire du bar Brutopia sur Crescent, Jeff Picard, se moque des idées avancées dans un rapport rendu public cette semaine sur la vie nocturne. Un last call plus tard que 3 h ne l’intéresse pas, ce qu’il veut c’est du zonage qui protège la vie nocturne, qui protège son entreprise.

Ce rapport, je l’ai lu. Ça m’intéresse réellement la vie nocturne de Montréal, alors oui. J’ai lu les 57 pages du rapport. Il faut noter que ce n’est pas un rapport issu de la Ville de Montréal, loin de là. Les grandes lignes de cette étude sont signées MTL2424, avec des recommandations de MTL2424. C’est la ville qui décidera si elle les appliquera ou non.

Le rapport est bien fait, soit. On y fait des comparaisons avec Austin, Berlin, Amsterdam, New York, Londres, Edmonton, Washington et Sydney ! On y apprend des choses qu’on ne savait même pas. J’ai trouvé la recherche intéressante, avec des citations d’acteurs importants de la scène culturelle de la ville.

Mais ce sont sur les recommandations que je me suis vraiment attardée. Vous voyez, la ville donne 2,1 millions pour accomplir une feuille de route basée sur les recommandations du rapport. La Ville voudrait commencer à mettre en place une politique de la vie nocturne à partir de 2023. J’ai hâte, mais en même temps je suis un peu perplexe.

2.1 millions, ça me semble peu pour changer le zonage, refaire l’insonorisation des salles de spectacles, mettre en place un projet pilote d’ouverture tardive des bars et des clubs, s’assurer qu’il y a des intervenants. Bien sûr, on pourrait dire que la ville fera ça petits pas à petits pas, mais il y a comme un doute que 2,1 millions n’aident pas vraiment, que cette faible somme limite en fait la réussite des projets pilotes, surtout après la pandémie. Les habitudes ont changé, mais aussi les gens qui composent la communauté de la nuit.

Puis il y a d’autres enjeux dont on ne parle pas. Comme mon amie DJ continue de le souligner quand nous nous sommes parlé, la nuit est ancrée dans la diversité.

« Montréal était l’endroit où faire la fête durant la prohibition ! Il y avait des clubs de jazz noirs, une scène disco noire, la musique issue de ce nightlife est une forme de résistance, de mémoire que les communautés afrodescendantes ont créé au courant des décennies. Et pourtant, la communauté noire continue de se faire annuler des événements nocturnes parce que le rap est associé aux gangs de rues. C’est une partie du nightlife que l’on doit discuter ! Il y a du racisme dans la façon dont on aborde la culture de nuit ! » me dit-elle.

Pour d’autres, comme Philippe Larocque de Mothland (et aussi un de mes bons amis), c’est un petit pas dans la bonne direction, malgré certains manques.

« J’espère que ça va démontrer que les gens sont capables de sortir des limites actuelles qu’on a pour faire la fête et vivre la nuit. On pourrait alors briser le stigma qu’il y a autour de la culture nocturne. »

Je l’espère aussi. Montréal n’a pas besoin de plus de consultations, de conférences. On a besoin d’une réglementation qui protège nos institutions culturelles de nuit. Nous avons besoin d’une institution de nuit qui représente l’histoire et la diversité riche de Montréal. Et nous avons besoin de nous donner les moyens que cette vie de nuit réussisse et se renouvelle. Ce n’est pas le temps d’être cheap dans la façon dont nous pensons nos projets-pilotes.

Au risque de me répéter, Montréal ne mérite pas de devenir une ville-dortoir de condos.