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Sylvain Duclos est enseignant en mathématiques au secondaire, tout comme Sylvain Dancause, qui enseigne pour sa part les sciences. François-Olivier Loignon est un spécialiste, il enseigne la musique au secondaire. Marie-Michelle Roy est une enseignante non légalement qualifiée en français au secondaire, elle est d’ailleurs titulaire d’une maîtrise en langue française. Quant à Marie-Sophie Guillemette, elle est enseignante au primaire, mais a fait le choix de quitter le secteur public pour fonder son entreprise: Entre Guillemets.
Ces cinq enseignants ont accepté d’aborder quatre thèmes récurrents dans l’actualité.
«Pour moi, la pénurie est vraiment en lien avec les conditions d’apprentissage des élèves. Les enseignants ont l’impression qu’ils ne réussissent pas à faire progresser leurs élèves», a lancé Sylvain Duclos.
Pour Sylvain Dancause, la difficulté de retenir les profs pose problème.
«Des enseignants au Québec, on en forme suffisamment depuis au moins 20 ans», a-t-il affirmé. «Le problème, c'est qu'on les perd en cours de route. Le taux de rétention est plutôt faible.»
Marie-Sophie Guillemette fait partie de ces enseignants qui ont quitté le navire, découragée du manque de ressources pour ses élèves.
Marie-Michelle Roy fait partie des enseignants non légalement qualifiés qui défraient la manchette depuis plusieurs mois. Elle déplore le parcours du combattant qui se dresse devant des aspirants enseignants compétents, mais qui n’ont pas le diplôme.
«Moi, ce que je trouverais important, ça serait de reconnaître les acquis des enseignants non légalement qualifiés. Il faudrait d’abord rassurer la population que les profs non légalement qualifiés, on n’est pas des illettrés», a-t-elle dit.
La taille des classes dépend du contexte, selon les enseignants qui se sont confiés à Noovo Info.
«En chimie de 5e secondaire, en maths enrichies de 4e secondaire, on pourrait avoir des ratios qui sont plus élevés, mais dans d'autres classes, des ratios qui sont moins élevés. Mais là, c'est du one size fits all», a critiqué Sylvain Dancause.
François-Olivier Loignon abonde dans le même sens.
«Il y a des profs qui vont dire qu’ils ont besoin de moins d'élèves pour donner plus de temps», a-t-il expliqué. «Et d’autres vont dire qu’ils vont en prendre plus, mais avec du soutien, et qu'on soit deux à travailler dans une classe.»
Ce sont les besoins des élèves qui devraient déterminer la taille des classes selon Marie-Sophie Guillemette. «Selon les plans d’intervention, les soutiens supplémentaires dont les élèves ont besoin: c’est à partir de là qu’on devrait composer le nombre d’élèves.»
On a parfois l’impression qu’il y davantage d’élèves en difficulté dans les classes du Québec. C’est plutôt leur dépistage et l’encadrement qu’on leur accorde qui fait la différence.
«Dans le temps, quand t’étais poche à l'école, c'est plate, mais t'étais poche à l'école et on te laissait un petit peu tomber. Mais là, on les voit et on veut les aider, les jeunes, mais on n'a pas les moyens de le faire», a expliqué Sylvain Duclos.
Marie-Michelle Roy met l’accent sur la détresse que peuvent éprouver les élèves en difficulté.
«Je crois qu'il y a un petit bout qui nous manque de psychologie, d'intervention auprès ces jeunes-là, croit-elle. Quand ils vieillissent, on ne pense pas à la stigmatisation que ça leur amène.»
Et ce sentiment est partagé par les enseignants, estime Sylvain Dancause.
«On manque de ressources, d’orthopédagogues, de psychoéducateurs, de techniciennes d'éducation spécialisée… Ces enfants-là sont livrés à eux-mêmes, puis ça va chercher notre sentiment d'efficacité personnelle», a-t-il dit. Tu as l'impression que t’es poche comme enseignant. Tu as l'impression que tu n’es pas capable d'aider des jeunes…»
Bien que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, affirme que l’école à trois vitesses (privée, publique à programmes particuliers et publique régulière) est une vue de l’esprit, Sylvain Dancause croit tout le contraire.
«C'est un choix social rendu là, et le débat, on ne l'a jamais vraiment eu parce que la plupart des gens qui sont au Parlement, la plupart ou presque la totalité envoient leurs enfants au privé.»
Comme enseignant de musique, François-Olivier Loignon est bien placé pour observer la situation dans différents milieux sociaux, puisqu’il a autant enseigné au privé qu’en milieu défavorisé.
«J'ai déjà eu un élève qui m'a fait une crise parce qu'il n'avait pas la bonne grosseur de IPad au privé, raconte-t-il. En milieu défavorisé, moi, dans mon bureau, j'ai des chocolats que je donne à des élèves qui viennent pratiquer. Quand j'en ai donné à un élève, il m'a dit qu’il allait le mettre dans sa collection, dans sa réserve parce qu'à la fin du mois, c'est rare qu’il a des collations.»
De son côté, Marie-Michelle Roy s’interroge.
«Je pense à des élèves en particulier dans mes classes, où je me dis, si dès le départ on ne les avait pas privés d'aller dans des concentrations parce qu'ils ont des difficultés, probablement qu'aujourd'hui ça ne serait pas des doubleurs.»
Que manque-t-il donc au système d’éducation? «De l’humanité», conclut Marie-Sophie Guillemette en s’adressant directement à Bernard Drainville.
Noovo Info a sollicité une entrevue auprès du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, qui a décliné l'invitation.
Voyez le reportage de Jean-Simon Bui dans la vidéo.