La dame a reçu une lettre recommandée de la compagnie de gestion de son propriétaire, la veille du jour de l'An. On lui a demandé de céder temporairement les lieux à partir d'avril pour une période de trois mois, le temps que soient effectuées des rénovations. Par la suite, on lui a annoncé une augmentation de loyer substantielle à venir, moyennant des rénovations de 70 000$.
«Il aurait pu faire une réunion avec les locataires et parler avec nous», s'est désolé la septuagénaire en entrevue avec Noovo Info. «Il nous a donné un coup de couteau dans le dos, c’est un coup de poignard.»
Cette femme et son fils ont contacté Noovo Info parce qu’ils ne voient pas comment ils peuvent se trouver un appartement temporaire. Ceci dit, le propriétaire en question respecte les règles de l’art, du moins en vertu des règles du Tribunal administratif du logement (TAL), c’est-à-dire qu’il offre une compensation à ses locataires pour les aider à payer la différence pour un logement temporaire, à hauteur de 1300$ par mois.
La mère et son fils ont eu beau chercher, mais n’ont rien trouvé à ce prix sur le marché temporaire. Selon le propriétaire, il y aurait pourtant une centaine d’offres qui correspondent à leurs besoins sur les plateformes Facebook, Kiijiji et Marketplace.
Pendant quelques heures, Noovo Info a fait l’exercice en écrivant à quelques propriétaires pour connaître la disponibilité de leurs logements entre avril et juillet 2025. Tous ont répondu que le bail était d’une durée d’un an.
«C’est David contre Goliath», affirme le fils, qui envisageait un déménagement définitif lors du passage de Noovo Info.
«Ce qu’il propose, c’est totalement dérisoire. Un loyer temporaire, je m’excuse, il n’y en aura pas.»
La femme de 77 ans fait aussi remarquer que, normalement, à son âge et après 10 ans d’occupation d’un logement, elle est à l’abri des expulsions, mais pense que la loi ne la protège pas contre de telles rénovations. «Louer un appartement pour trois mois, faire des boîtes, partir et revenir... Ça n’a pas de bon sens», déplore-t-elle. Elle aurait souhaité pouvoir rester dans son appartement le temps des rénos de la cuisine et de la salle de bain.
Une entente aurait-elle dû être conclue?
Selon la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), l’enjeu est important et le sera au cours des prochains mois. Le porte-parole Éric Sansoucy explique que les rénovations sont toujours très dérangeantes pour les locataires, mais nécessaires; rénover une cuisine et une salle de bain prend du temps, et les locataires ne peuvent rester pendant ces travaux.
«On est dans un contexte où on a une transition écologique à faire au niveau de notre vieux parc immobilier», justifie M. Sansoucy.
Reste que, comment le prévoit la loi, les propriétaires ont l’obligation de payer la différence entre le loyer qu’ils louent et ceux que les locataires trouveront. «Parfois, le propriétaire a peut-être d’autres logements, donc ça c’est une bonne idée pour relocaliser», ajoute le porte-parole de la CORPIQ.
Mais il est préférable, selon l'organisation, d’en venir avec une entente avec les locataires plutôt que de leur imposer des rénovations à dates fixes. Selon le porte-parole Éric Sansoucy, il faudrait que le gouvernement prévoie des incitatifs permettant aux locataires de mieux se reloger temporairement, et pour que les rénovations se déroulent sans que le tout ne se transforme en départ définitif.
La compagnie de gestion du propriétaire a refusé d'accorder une entrevue à Noovo Info, précisant toutefois dans un courriel comprendre la situation des locataires. L'entreprise assure que la loi est respectée dans ce dossier et promet qu’il ne s’agit pas de rénovictions.
Quelques jours après la visite de Noovo Info, le fils locataire a confirmé qu’ils quitteraient l’endroit à jamais, à contrecœur, pour éviter deux déménagements à sa mère et de mauvaises relations avec le propriétaire.