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«C'est presque comme une invasion.»
Des résidents des régions de l'Outaouais et des Laurentides craignent qu'un projet minier près de la municipalité de Duhamel cause des torts à l'environnement. L'opposition a même pris de l'ampleur après qu'on eut appris l'implication possible du Pentagone américain.
Le mois dernier, la société canadienne Lomiko Metals a annoncé avoir reçu une subvention de 8,35 millions $ US (14,26 millions $ CAN) du ministère de la Défense des États-Unis et un financement de 4,9 M$ CAN de Ressources naturelles Canada pour soutenir des études supplémentaires sur le projet de graphite naturel en paillettes.
Ce minéral pourrait être utilisé dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques.
Selon le Pentagone, l'exploitation d'une mine de graphite pourrait renforcer la chaîne d'approvisionnement énergétique nord-américaine. Le produit pourrait être utilisé «à des fins militaires.»
Cette expression rend mal à l'aise des résidents, comme Louis Saint-Hilaire, un porte-parole de la Coalition québécoise des lacs incompatibles avec l'activité minière.
«Au début, on nous disait qu'il s'agissait d'un projet écologique pour faire des batteries pour les véhicules électriques, mais aujourd'hui, nous avons de sérieux doutes», dit-il
M. Saint-Hilaire craignait que la future mine pollue plusieurs lacs de la région. Aujourd'hui, il est préoccupé par la possibilité que le graphite soit transformé en équipement militaire américain.
Claude Bouffard, coordinateur de l'Association pour la protection de l'environnement du lac des Plages, rappelle que la collectivité n'a pas donné son consentement au projet minier.
«C'est presque comme une invasion. C'est en quelque sorte une trahison de la société minière, du gouvernement du Québec, et pis encore, du gouvernement du Canada», souligne-t-il.
Lomiko Metal dit qu'elle va mener des études de rentabilité et des études de métallurgie au cours des cinq prochaines années. Le tout sera soumis au BAPE. Elle prévoit lancer les travaux de construction d'ici 2027.
La ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, refuse de dire ce qu'elle pense de la subvention du Pentagone, mais le projet devra être accepté par la population locale avant d'aller de l'avant.
«Le projet minier doit aller de pair avec l'acceptabilité sociale», a-t-elle indiqué dans une déclaration écrite.
Le ministère américain de la Défense ou le consulat général des États-Unis n'a pas répondu à une demande d'entrevue.
Jean-François Boulanger, professeur en métallurgie extractive des éléments critiques et stratégiques de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, dit que le type de graphite purifié dont parle Lomiko sert à la fabrication de batteries, mais la version non purifiée de ce minéral peut être utilisée dans la fabrication de l'acier.
Le graphite est un minéral essentiel dans la fabrication d'équipements militaires lourds, comme les avions et les véhicules blindés de combat.
Le Pr Boulanger dit qu'il est inhabituel qu'un gouvernement annonce ouvertement qu'il investit dans un projet minier pour des raisons de défense nationale.
Teresa Kramarz du Environmental Governance Lab de Toronto, dit ne pas être surprise par l'implication du Pentagone. Les gouvernements nord-américains et européens investissent massivement dans l'exploration des minéraux critiques comme le graphite afin d'être moins dépendants des exportations chinoises.
Elle ajoute que les pays alliés cherchent à renforcer leurs relations commerciales pour garantir leurs chaînes d'approvisionnement.
Dans une déclaration, le ministère canadien des Ressources naturelles dit que le financement ne signifie pas que Lomiko Metals donnera un accès privilégié à la production de graphite aux gouvernements américain et canadien.
Le Pr Boulager dit qu'il serait «très supris» si ces gouvernements ne négocient pas à ce sujet avec l'entreprise.
Mme Kramarz rappelle que les collectivités avoisinantes craignent que les activités minières perturbent les écosystèmes et les rendent trop dépendantes économiquement. Elle ajoute que la peur d'être obligée de déménager joue aussi un rôle dans leur opposition.
«Les gens doivent avoir leurs mots à dire sur ce qui se passe chez eux. Ce sont les règles démocratiques.»