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N'en déplaise à certains, les détenteurs de cryptomonnaies sont bel et bien concernés par l'obligation de déclarer leurs revenus.
Les environs du 1er mai sont généralement synonymes de bonheur pour les Québécois, alors que les températures plus clémentes sont d’ordinaire bel et bien installées, tout comme les oiseaux migrateurs.
Malheureusement, comme on ne peut pas tout avoir dans la vie, la date coïncide aussi avec la date butoir pour remettre sa déclaration d’impôts. Et n’en déplaise à certains, les détenteurs de cryptomonnaies sont tout autant concernés par cette obligation.
«C’est très ambigu, la cryptomonnaie, relève la spécialiste de l’impôt supérieur chez H&R Block Josée Cabral. Auparavant, c’était la responsabilité du particulier de reporter ses gains. Quand on achète, on n’a pas besoin de déclarer, c’est quand on vend qu’il faut déclarer.»
La moitié d'un gain en capital est imposable, alors que la moitié d'une perte en capital est déductible, indique de son côté Revenu Québec.
L’Agence du revenu du Canada (ARC) traite d’ailleurs les cryptomonnaies comme des marchandises aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. Incidemment, les revenus provenant d’opérations liées à cette devise sont traités comme des revenus d’entreprise ou comme des gains en capital, selon les circonstances.
«Ma recommandation à mes clients est de se tenir un registre de leurs achats et de leurs ventes, comme si c’était des actions», indique Mme Cabral.
Comparativement à il y a quelques années, il est maintenant plus important que jamais de déclarer ses cryptomonnaies, alors que de plus en plus de compagnies fournissent à l’ARC des rapports sur les achats et les ventes de leurs clients, ajoute la spécialiste de l’impôt supérieur.
Alexandre Ferreira-Silva a fondé la firme Crypto Impôt en 2018 dans le but d’accompagner les particuliers et les entreprises à se conformer fiscalement aux exigences applicables au domaine des cryptomonnaies. C’est après avoir constaté le manque de connaissance des cryptos auprès de la population générale après l’avènement de celles-ci que lui est venue cette idée.
De son côté, celui qui détient une formation comme CPA relève que l’intérêt de ses clients à déclarer leurs cryptomonnaies est variable. «Les gens sont plus ouverts à déclarer quand ils font des profits. Ils ont un peu de difficulté à payer des honoraires professionnels après une perte. Pourtant, une perte est aussi importante à déclarer qu’un gain», explique-t-il.
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Omettre de déclarer une perte n’entraînera pas de pénalité fiscale, indique M. Ferreira-Silva. Par contre, une perte peut être «appliquée comme étant une source de revenus».
Et M. Ferreira-Silva précise que ce n’est pas seulement lorsque l’on retire nos investissements en cryptomonnaies que l’on peut être imposés. «Ce n’est pas le cas. C’est vraiment à chaque transaction qu’il faut calculer un gain ou une perte», indique-t-il.
Les achats de cryptomonnaies à partir de dollars canadiens ne sont cependant pas imposables, précise-t-il.
Josée Cabral précise qu’il est possible d’indiquer dans sa déclaration si on possède de la cryptomonnaie depuis l’année dernière, alors qu’une question à cet effet est apparue dans les rapports d’impôt.
Crypto Impôt a d’ailleurs constaté que ce changement a causé un soubresaut chez ses clients, parmi lesquels figurent des cabinets comptables n’ayant pas d’expertise en cryptomonnaie.
Chez les détenteurs de cryptomonnaies moins conventionnels, qui se sont tournés vers ce type de devises en raison de leur caractère décentralisé, Alexandre Ferreira-Silva note qu’il peut y avoir une différence d’attitude. Certains sont ainsi moins enclins à déclarer leurs cryptos, tandis que d’autres vont opter pour la tranquillité d’esprit en faisant appel à ses services.
Deux profils peuvent également se distinguer parmi les utilisateurs de cryptomonnaie, relève le président de Crypto Impôt.
Il n’y a pas de pénalités spécifiques reliées à l’omission de déclarer ses revenus liés aux cryptomonnaies pour le moment, indique Josée Cabral. Mais il n’est pas judicieux pour autant d’omettre de se plier à ses obligations fiscales.
«S’il y a une fraude et que la personne se fait arrêter dans 10, 15, 20 ans, il n’y a pas de délai de prescription, explique M. Ferreira-Silva. C'est important de savoir que pour ces pénalités, l'intérêt est dû à partir du moment que l'impôt est dû, donc c'est cumulé chaque jour. Ça augmente quand même assez rapidement donc au final, ça peut prendre tout le gain des gens.»
Le président de Crypto Impôt indique surtout œuvrer dans une optique de sensibilisation auprès de ses clients. Sans les forcer à se conformer, il leur expose les conséquences que peuvent avoir leurs choix.
«Est-ce que tout le monde va se faire attraper? Probablement pas. Souvent, je demande aux gens s’ils savent ce que c’est de vivre avec 10 000 ou 20 000 $ cash, souligne-t-il. C’est beaucoup d’argent, que vous ne pouvez [difficilement utiliser hormis] pour aller au restaurant ou faire l’épicerie, vous ne pouvez pas le déposer à la banque.»
Ce genre de comportement peut devenir de l’évasion fiscale ou du blanchiment d’argent, poursuit M. Ferreira-Silva. «Si vous avez déclaré des revenus de 50 000 $ et le gouvernement vient chez vous et vous avez une Ferrari, il y a quelque chose qui ne marche pas. C’est important de ne pas prendre le gouvernement pour des dupes. L’évasion fiscale, ça n’a pas commencé hier.»
«La cryptomonnaie est juste un actif différent, mais tout est retraçable, encore plus que les comptes de banque», conclut-il.