Mort de deux pompiers à Saint-Urbain: la coroner présente ses conclusions

Christopher Lavoie et Régis Lavoie, deux pompiers volontaires, ont perdu la vie le 1er mai 2023 après être tombés à l’eau alors qu’ils tentaient d'aller aider des citoyens dont le terrain était inondé à la suite du débordement de la rivière du Gouffre.

Selon la coroner, la mort des deux pompiers résulte d'un «enchaînement de facteur» et non uniquement du fait que les pompiers ont utilisé un véhicule amphibie pour intervenir dans un champ submergé.

«Tout le monde voulait bien faire, tout le monde voulait aider et les pompiers qui sont intervenus n'ont pas nécessairement mis leur sécurité à l'avant-plan, mais bien d'aller secourir d'autres personnes qui étaient en danger. C'est sûr que leur lecture du cours d'eau n'était pas la meilleure, mais c'est parce qu'ils n'avaient pas les outils pour bien l'évaluer», a expliqué Me Kronström en conférence de presse mercredi.

En mars 2024, la CNESST avait dévoilé un rapport permettant d'en savoir plus sur les décès des deux pompiers. Dans le cadre de leur intervention, les pompiers s'étaient déplacés dans un véhicule amphibie muni de chenilles et d'un moteur hors-bord, mais à mi-chemin du trajet, le véhicule s'est mis à dériver et a été emporté par le courant, se retrouvant coincé contre un arbre.

Selon la CNESST, «l'absence de formation pour effectuer des travaux à proximité et au-dessus de l'eau expose les pompiers à un danger de noyade, alors qu'ils ne disposent pas des compétences, des connaissances et des équipements nécessaires».

Le rapport du coroner met en lumière la mauvaise gestion municipale lors des inondations. «Le plan municipal de sécurité civile n'était pas connu et le déploiement des ressources municipales n'a pas permis de prendre des décisions adaptées à l'urgence de la situation», a-t-on écrit via un communiqué.

«J'ai été très sensible au fait que la mairesse (Claudette Simard) s'est sentie débordée, abandonnée aussi dans des circonstances qui sortaient de l'ordinaire», a reconnu Me Kronström. Ce désemparement des autorités municipales, la coroner l’explique en grande partie par le fait que le Plan municipal de sécurité civile (PMSC) «n'était pas connu par le directeur général, qui avait un poste de coordination, la mairesse et l'ensemble des élus. Donc, c'est à ce niveau que la coordination n'a pas été efficace», a-t-elle expliqué durant la conférence de presse. Cette méconnaissance a fait en sorte que «le déploiement des ressources municipales n’a pas permis de prendre des décisions adaptées à l’urgence de la situation».

Lors d'une audience publique, la coroner avait rappelé que le décès de ces deux pompiers avait choqué la population de Saint-Urbain et celle de Baie-Saint-Paul, mais aussi tout le Québec en entier. «Il faut faire preuve de compassion et d'ouverture, on n'est pas là pour trouver des coupables», avait-elle toutefois prévenu en avril 2024.

Responsable de sa propre sécurité

La coroner ne manque pas, par ailleurs, de souligner que le couple prisonnier de sa résidence entourée d’eau n’avait pas décidé d’évacuer assez rapidement. Elle suggère donc de mener une campagne de sensibilisation publique «soulignant que chaque citoyen (…) doit assurer sa propre sécurité. Je pense que le gens ne sont pas encore conscients de ça.»

Les recommandations de ce rapport, qui a été rédigé à la suite d'audiences publiques, témoignages et dépôt de preuves, visent à ne pas reproduire des décès dans ces circonstances similaires.

Parmi ses 15 recommandations, Me Kronström conseille notamment d'améliorer la coordination des ressources municipale et de renforcer la collaboration entre les municipalités. Pour elle, c'est une démarche «primordiale» pour l’élaboration d’un plan régional de résilience face aux sinistres, et ajoute qu’«une aide financière gouvernementale serait indispensable pour répondre aux exigences croissantes» des besoins d’intervention causés par les événements météorologiques plus fréquents et plus intenses. 

Elle recommande aussi de mieux former les pompiers en intégrant la notion de culture du «pompier héros» de manière équilibrée et sécuritaire et de les informer sur les précautions à prendre lors d'interventions près de l'eau. «Lors de la formation pour devenir pompier, il faut les sensibiliser (au fait) que parfois, ce n'est pas possible d'intervenir», a mentionné la coroner en conférence de presse mercredi.

Parmi ses autres recommandations, elle invite Saint-Urbain à conclure des ententes avec Baie-Saint-Paul pour la mise en œuvre de son PMSC et à garantir une formation continue en matière de mesures d’urgence pour le personnel et les élus municipaux. Devant l’impact de ces événements de météo extrême, elle interpelle le ministère de l’Environnement qui doit, selon elle, jouer «un rôle clé dans la prévision et l’anticipation des risques. La cartographie complète du réseau hydrique devrait être finalisée dans les meilleurs délais» afin, entre autres, de mieux planifier l’aménagement dans les zones inondables des lacs et des cours d’eau.

Avec des informations de Laurence Royer, Émile Bérubé-Lupien pour Noovo Info et de La Presse canadienne