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Le fameux vox pop, lors duquel un journaliste enchaîne les entrevues avec des passants croisés dans la rue, jouit parfois d’une mauvaise réputation, tant au sein des médias que dans la population.
Quoi de pire, après avoir fait son épicerie, que de se faire déranger par un journaliste qui veut connaître votre opinion sur la hausse des prix? Et comme journaliste, quoi de pire que de devoir aller sonder la population dans le stationnement d'une épicerie au sujet de la hausse des prix?
Le fameux vox pop, lors duquel un journaliste enchaîne les entrevues avec des passants croisés dans la rue, jouit parfois d’une mauvaise réputation, tant au sein des médias que dans la population. Mais au fil du temps, il s'est établi dans le monde de la communication comme un moyen essentiel de prendre le pouls du public sur un sujet donné et de lui donner une voix qu'il n'aurait pas autrement.
«Le vox pop c’est une pratique qui est mal-aimée, mais en même temps, elle est omniprésente, parce que c’est une pratique qui sert bien les médias pour leur permettre d’avoir un lien avec le public», résume la docteure en communication Cynthia Noury, qui a consacré sa thèse au vox pop.
Pendant ses années travaillées dans les médias, Mme Noury a mené de nombreux vox pop, ou micros-trottoirs, pour la télé et la radio. Si l’expérience d’aller à la rencontre des gens lui a toujours plu, le résultat qui aboutissait en ondes n’amenait pas le même sentiment positif.
«Je trouvais que le vox pop, c’était vraiment un super beau prétexte d’avoir des conversations avec des gens avec qui je n’aurais jamais parlé autrement», explique-t-elle.
«Ceci étant dit, en particulier comme journaliste, on sait que quand on fait des vox pop, on va garder seulement quelques secondes ou quelques phrases dans nos reportages. Donc souvent, je trouvais que ça ne rendait pas nécessairement justice à la richesse de ces conversations-là.»
Au cours de ses travaux de recherche pour sa thèse, Mme Noury en est venue à observer que «la façon dont on construit et on utilise les vox pop dans les médias, peu importe si c’est en journalisme ou autre, va beaucoup influencer la pertinence qu’on peut en tirer».
Elle croit donc qu’il faut donner un peu d’amour à cette rare occasion de dialogue entre la population et les médias.
«Au final, c’est une des places importantes qu’on a, en tant que public, dans les médias, donc c’est important de le soigner», mentionne-t-elle.
La relation qu’ont les journalistes et la population avec le vox pop est tumultueuse.
D’un côté, on reconnaît l’importance de connaître l’opinion des gens qui sont touchés personnellement par un sujet donné, mais de l’autre, on doute de la pertinence de voir un automobiliste échapper quelques jurons en direct à la télé en commentant le prix de l’essence.
Et cette dichotomie remonte à loin, selon Mme Noury.
«Ça vient du fait que dans l’histoire, on a toujours valorisé plus la voix des gens qui avaient un statut de prestige, plutôt que la voix du peuple ou du public», souligne-t-elle.
«Donc pendant longtemps, cette voix-là était considérée comme vraiment secondaire.»
Mais à une époque où les médias doivent se soucier de ce que vivent les personnes de différents milieux dans leur quotidien, le vox pop est une pratique à chérir.
«Si on parle des dépenses de Noël, je peux vous donner des chiffres, mais d’entendre quelqu’un qui en parle, peut-être que moi je vais me reconnaître dans cette personne-là aussi. On le fait vraiment pour se rapprocher des gens», illustre la docteure en communication.
«Puis si les vox pop sont bien faits, avec un réel intérêt, la personne qui est devant le journaliste ou autre peut vivre aussi une super belle conversation, puis ça peut la rapprocher et (la pousser à) dire: "Ah bien finalement, le journalisme, c’est plus humain que je pensais, je vais aller écouter le bulletin de nouvelles ce soir"».
Autre preuve que le vox pop a démontré sa pertinence dans le milieu médiatique: il s’est adapté aux différentes formes, que ce soit l’écrit, la radio ou la télévision, rappelle Cynthia Noury.
Et aujourd’hui, il connaît un regain de popularité sur les réseaux sociaux, où des créateurs de contenu dits «influenceurs» s’en servent pour montrer à leurs abonnés qu’ils sont près d’eux.
«Si tu es un influenceur qui veut construire son "brand" autour de la musique et que tu vas à Osheaga faire un vox pop avec des gens qui sont des trippeux de musique, c’est bon pour toi comme influenceur, parce que tu mets en scène exactement le public que tu as envie d’avoir», avance Mme Noury.
Les personnes interviewées sur place sont donc d’autant plus enclines à tenter d’aller retrouver le vox pop dans lequel elles apparaissent pour ensuite le faire circuler sur le web, ce qui aide la cause de l’influenceur.
Selon Mme Noury, le vox pop est donc toujours une pratique pertinente, à condition qu’il soit fait avec sérieux et qu’il soit adapté au public qu'il tente d’informer ou divertir.
«Au lieu d’y aller de reculons, l’idée est d’essayer de donner un peu plus d’amour à cette pratique-là, essayer de réimaginer un peu la place qu’on lui donne, puis la faire avec respect et collaboration.»