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«Nos lois doivent suivre l'évolution des connaissances. Par conséquent, la LCPE doit être mise à jour», a déclaré le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault dans un communiqué publié mercredi.
Le projet de loi S-5, qui moderniserait considérablement la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, propose des changements longuement attendus par différents groupes écologistes. Ce projet de loi fait actuellement l'objet d'un examen article par article en comité parlementaire et pourrait bientôt être adopté.
La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) dicte comment le gouvernement fédéral réglemente les produits chimiques toxiques ainsi que d’autres matières polluantes, dans le but de protéger l’environnement et les personnes de leurs effets nocifs.
Par exemple, c’est cette loi qui réglemente la vente et l’utilisation d’amiante, l'exportation et l'importation de déchets dangereux et c’est en vertu de la LCPE que les listes de produits toxiques sont établies.
Mais celle-ci n'a fait l'objet d'aucune mise à jour depuis son adoption en 1999.
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Dans les dernières années, des scientifiques et des écologistes ont demandé aux libéraux de moderniser cette loi — par exemple d’exiger que les évaluations des substances prennent en compte les effets cumulatifs d’expositions répétées.
«Nos lois doivent suivre l'évolution des connaissances. Par conséquent, la LCPE doit être mise à jour», a déclaré le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault dans un communiqué publié mercredi.
Le projet de loi S-5, qui modifierait la LCPE, a été présenté une première fois l’an dernier, mais il est mort au feuilleton, le gouvernement l’a déposé à nouveau et il est actuellement à l'examen en comité à la Chambre des communes.
«Ce projet propose une gestion plus serrée des produits chimiques au Canada, et pour la toute première fois, le droit à un environnement sain sera reconnu dans la législation fédérale», a indiqué le ministre Guilbeault dans un message publié sur les réseaux sociaux mercredi.
L’adoption du projet de loi S-5 serait «un grand pas en avant» pour le Canada, selon Laura Yates de Greenpeace Canada.
Elle a indiqué que les modifications prévues à la loi pourraient par exemple permettre aux scientifiques de Santé Canada d'évaluer la toxicité de certains produits chimiques par «groupes de substances», comme le fait l'Union européenne.
Si tel est le cas, un industriel ne pourrait plus remplacer un produit toxique interdit par un autre produit chimique de la même catégorie, mais tout aussi toxique.
Laura Yates a donné l'exemple du bisphénol A, un perturbateur endocrinien.
Après que le Canada eut interdit le bisphénol A dans la fabrication de certains produits comme les biberons en 2008, «des fabricants ont retiré le bisphénol A de plusieurs de leurs produits, mais l'ont remplacé par du bisphénol S», a expliqué la responsable pour la campagne plastique de Greenpeace Canada.
Mais des études ont montré que le bisphénol S serait également toxique.
Il est donc important de corriger ce type de « défaut » a indiqué Laura Yates, précisant que «l'Union européenne, lorsqu'elle évalue une substance comme le bisphénol A, elle évalue également le bisphénol S et les autres produits chimiques de cette catégorie».
Laura Yates déplore toutefois que l’ébauche du projet de loi ne fasse pas mention du principe de précaution.
« Actuellement, il faut prouver qu’une substance est nocive avant qu'elle ne soit interdite plutôt que d'avoir à prouver qu'elle n'est pas nocive avant d'être autorisée.»
La nouvelle loi intégrerait également le principe de non-régression, qui vise à empêcher les gouvernements d’adopter des mesures qui amoindriraient le niveau de protection de l’environnement.
«Ça veut dire que le niveau de protection de l'environnement, que l'on a atteint dans nos lois, ne doit pas descendre (...) par exemple si on établit une liste de substances toxiques, on ne peut pas réduire cette liste», a indiqué Géraud De Lassus Saint-Geniès, spécialiste du droit de l’environnement et de la santé.
Un principe, qui, selon le professeur adjoint de l’Université Laval, vient de l’idée qu’il doit y avoir une «amélioration constante du niveau de protection de l'environnement» et «c'est un principe qu'on commence à voir apparaître dans certaines législations dans d'autres États comme en France et qu’on voit aussi ça dans certaines conventions internationales».
Au printemps 2022, le rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement à l’ONU, David Boyd, a demandé que les dirigeants du monde mettent en œuvre «des changements constitutionnels et des lois environnementales plus fortes, découlant de la reconnaissance du droit à un environnement sain».
Si le projet de loi S-5 est adopté, la LCPE deviendrait la première loi fédérale à reconnaître le droit à un environnement sain.
«C’est évidemment un aspect positif, mais le diable est dans les détails», selon le professeur Géraud De Lassus Saint-Geniès qui indique que l’extrait suivant du projet de loi le laisse perplexe : «protéger le droit de tout particulier au Canada à un environnement sain, comme le prévoit la présente loi, sous réserve des limites raisonnables.»
«Vous voyez qu'on est tout de suite dans la pondération et que ce droit à la qualité de l'environnement n’est pas quelque chose d'absolu, mais c'est un droit dont la portée va devoir être pondérée par ce qui est défini dans la loi comme des limites raisonnables, comme des facteurs sociaux, économiques, etc.», a expliqué le spécialiste du droit de l’environnement.
Selon lui, la notion de droit à un environnement sain est «une avancée prudente et très encadrée», qui «ne donnera pas forcément plus de droits aux citoyens pour aller devant les tribunaux et demander à ce que des projets ou des situations qui portent atteinte à l'environnement soient arrêtés».
Certains environnementalistes déplorent que le projet de loi S-5 ne prévoie pas de rendre obligatoires les plans de prévention de la pollution pour tous les produits chimiques répertoriés comme toxiques en vertu de la loi.
Il y a plus de 150 substances répertoriées comme toxiques en vertu de la LCPE, mais la loi donne au ministre le pouvoir discrétionnaire d'ordonner un plan de prévention de la pollution pour chacune d'entre elles.
Une telle ordonnance signifierait que toute entreprise qui fabrique ou utilise l'une des substances devrait démontrer comment elle entend empêcher cette substance de pénétrer dans l'environnement.
Selon l'Association canadienne du droit de l'environnement, seulement un sixième des substances répertoriées comme toxiques en vertu de la loi ont un plan de prévention de la pollution.
Les déversements et les éliminations toxiques doivent être signalés au gouvernement fédéral. L'association a analysé les rapports sur 32 substances toxiques cancérigènes, dont l'arsenic, le benzène, le plomb, l'amiante et le mercure. Elle a constaté que dans les dernières années, les entreprises ont fait du bon travail en réduisant la quantité de substances toxiques qui s'échappent dans l'air.
Par exemple, en 2006, 6,2 millions de kilogrammes de ces substances ont été déclarés comme émissions atmosphériques, une quantité qui a descendu à 3,8 millions de kilogrammes en 2020.
Mais lorsqu'il s'agit de déversements et d'éliminations terrestres, c'est tout le contraire. En 2006, 110 millions de kilogrammes de ces 32 substances ont été délibérément ou accidentellement rejetés dans le sol. En 2020, ce chiffre est passé à 154 millions de kilogrammes.
Les modifications apportées à la LCPE viseraient aussi à réduire la dépendance à l’égard des essais sur les animaux pour évaluer les risques que certaines substances peuvent poser pour la santé humaine et l’environnement.
«Ces modifications encourageront les ministères du gouvernement fédéral à promouvoir l’élaboration et l’utilisation opportune de méthodes et de stratégies de rechange» selon Environnement et Changement climatique Canada.
Le projet de loi S-5 vise plusieurs autres aspects qui concernent la protection de l’environnement. Il contient notamment une série de normes qui concernent la santé des « populations vulnérables» et leur protection contre la pollution.
Ces modifications représenteraient la première réforme majeure de la Loi depuis plus de 20 ans, mais selon Environnement et Changement climatique Canada, il ne s’agirait «pas de la dernière».