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En visite au Québec, le premier ministre français, Gabriel Attal, a livré un discours à l’Assemblée nationale.
Le premier ministre français Gabriel Attal a livré jeudi un discours devant l'Assemblée nationale qui avait tout pour plaire au gouvernement caquiste, en moussant à la fois la laïcité et la langue française.
M. Attal, le plus jeune premier ministre de l'histoire de la France, a été accueilli en grande pompe avec tout le cérémonial d'usage: cortège officiel, garde d'honneur, tapis rouge, accueil avec les chefs de partis et signature du livre d'or.
Le dernier premier ministre français à s'être adressé à l'Assemblée nationale du Québec est Laurent Fabius, qui avait été reçu par René Lévesque en 1984, il y a 40 ans.
M. Attal a été chaudement applaudi à son arrivée au Salon bleu, d'où il a livré un discours combatif d'une vingtaine de minutes. S'inspirant du thème de la jeunesse, il a assuré que la France se battrait aux côtés du Québec pour que les jeunes puissent vivre librement, en français.
«Certains pensaient sans doute que le français avait vocation à disparaître de la carte de l'Amérique du Nord. Ils ne connaissaient pas les Québécois», a-t-il déclaré sous les applaudissements.
«Mais je sais aussi que nous devons tous et toutes rester collectivement vigilants. (...) Les contenus en ligne voudraient nous imposer une forme d'uniformité, y compris linguistique.
«Nous devons nous battre. Et le message que je suis venu vous passer ici, c'est que nous nous battrons pour que chaque enfant, chaque jeune puisse avoir accès à des livres, des articles, des jeux vidéo, des films, des séries en français», a-t-il ajouté.
Poursuivant sur cette lancée, M. Attal a indiqué que dès vendredi, le premier ministre du Québec, François Legault, et lui allaient signer une déclaration commune sur la langue française, son développement et sa richesse.
À 35 ans, il a fait savoir qu'il avait lui-même grandi avec des références québécoises: les films du réalisateur montréalais Xavier Dolan, par exemple.
Gabriel Attal a enchaîné sur les valeurs qui unissent le Québec et la France, comme l'égalité, la démocratie et la laïcité, une condition pour bien vivre ensemble, a-t-il dit, avant d'être ovationné par les députés, certains plus enthousiastes que d'autres.
Tandis que les caquistes et les péquistes jubilaient, les députés du Parti libéral et de Québec solidaire étaient, eux, nettement plus circonspects.
«Face à ceux qui font mine de ne pas comprendre ce qu'est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu'elle est une forme (...) de discrimination, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté, de l'égalité, de la fraternité», a insisté M. Attal.
M. Legault a profité du moment pour citer le président français Emmanuel Macron. «J'ai entendu le président Macron en début d'année dire qu'il voulait gouverner pour que la France reste la France.
«Je me suis retrouvé dans cette déclaration et moi aussi, je veux gouverner pour que le Québec reste le Québec», a lancé M. Legault.
Plus tôt dans la journée, lors d'une conférence de presse avec le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, M. Attal a confirmé que son gouvernement adhère à la politique traditionnelle de «non-ingérence, non-indifférence» à l'égard du Québec.
«Je crois que c'était (Alain) Peyrefitte qui avait dit "non-ingérence, non-indifférence". Je trouve que cette phrase en dit long et je m'y retrouve assez bien, bien sûr», a-t-il déclaré sans ambages.
Les partis souverainistes à Québec souhaitaient ardemment que M. Attal réaffirme ce positionnement, qui assure que Paris, bien que neutre, accompagnera le Québec dans ses choix.
En 2008, le président Nicolas Sarkozy avait rompu avec le concept de «non-ingérence, non-indifférence» lors d'un passage à Québec, mais son successeur François Hollande avait ensuite renoué avec la formule.
«Savoir (...) que la France sera à nos côtés revêt une importance capitale», a déclaré jeudi le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, au moment de répliquer à M. Attal au Salon bleu.
«Puis-je évoquer la possibilité que, dans un avenir pas si lointain, vous soyez celui qui, (...) lorsque les Québécois se seront dit oui, pourra déclarer enfin: "Vivre le Québec libre!"»
M. Attal est à Québec pour participer à la 21e Rencontre alternée des premiers ministres (RAPM) québécois et français.
Cette rencontre est une occasion de fortifier la relation Québec-France et de trouver des moyens d'augmenter les échanges commerciaux, a expliqué mercredi le ministre québécois de l'Économie, Pierre Fitzgibbon.
«C'est un peu paradoxal que la France soit le deuxième partenaire (économique) du Québec (en Europe), après l'Allemagne, a-t-il déclaré en mêlée de presse. On est culturellement liés, on a beaucoup d'affinités. Il faut changer ça.»
L'an dernier, les échanges commerciaux de marchandises entre le Québec et la France plafonnaient à 5,8 milliards $. Ils atteignaient plus du double (16,4 milliards $) avec le Texas, en 2022.
Les importations en provenance de France totalisent 3,8 milliards $, tandis que les exportations du Québec vers la France représentent 2 milliards $.
«Clairement, on veut augmenter, a poursuivi M. Fitzgibbon, disant cibler le secteur de l'aéronautique. Moi, je pense qu'il n'y a pas de raison que la France ne soit pas le premier pays avec qui le Québec va avoir des échanges commerciaux.»
La ministre québécoise des Relations internationales, Martine Biron, s'est par ailleurs dite «très optimiste» que l'accord de libre-échange Canada-Europe va continuer de s'appliquer provisoirement, malgré son rejet par le Sénat français il y a trois semaines.
«Oui, c'est sûr qu'on va en discuter, a-t-elle dit. Le vote, c'est vraiment à l'image de ce qui se passe dans le monde, c'est-à-dire, il y a un tiraillement entre les postures libre-échangistes et protectionnistes.
«Le Québec est bien positionné, parce que nous sommes en Europe depuis très longtemps. (...) Je pense qu'il faut rappeler ça, qu'on est des amis, qu'on est des partenaires fiables», a-t-elle ajouté.
Outre l'économie et les échanges commerciaux, il est prévu que les premiers ministres de la France et du Québec discutent, lors de la 21e RAPM, de langue française, d'immigration, de culture et d'éducation.
Vendredi matin, le premier ministre Attal doit visiter une école de Québec et participer à une séance de travail pour la RAPM. Un point de presse commun avec le premier ministre Legault est ensuite prévu.
Après un passage au Salon international du livre de Québec en fin d'avant-midi, Gabriel Attal se rendra à Montréal, où il sera présent à une «table ronde économique de haut niveau des premiers ministres du Québec et de la France».
Sa visite se conclura par sa participation à un évènement organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui portera sur les partenariats franco-québécois.
La RAPM, qui devait se tenir à l'origine en 2020, a été reportée quatre fois. Ce n'est donc finalement pas l'ex-premier ministre Jean Castex, ni l’ex-première ministre Élisabeth Borne qui sont en visite au Québec, mais bien M. Attal, qui est en poste depuis le mois de janvier.
Ce sera aussi la première réunion de M. Legault, puisque la dernière remonte à 2018, sous la gouverne du libéral Philippe Couillard. La pandémie de COVID-19 puis les élections législatives en France avaient forcé l’annulation de la rencontre en 2020, 2021 et 2022.
Les RAPM ont lieu depuis 1977 et se tiennent habituellement aux deux ans.