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La réforme Dubé centralise alors qu'elle dit décentraliser et elle rebrasse des structures au lieu d'écouter ce qu'ont à dire ceux qui connaissent le mieux le réseau, à savoir ceux qui y travaillent.
La réforme Dubé centralise alors qu'elle dit décentraliser et elle rebrasse des structures au lieu d'écouter ce qu'ont à dire ceux qui connaissent le mieux le réseau, à savoir ceux qui y travaillent.
C'est la réplique qu'ont servie les syndicats du réseau de la santé, mercredi, devant la réforme que vient de déposer le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé.
La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui représente la grande majorité des infirmières et infirmières auxiliaires, ne comprend pas pourquoi le projet de loi met autant l'accent sur la réforme de l'ancienneté, comme s'il s'agissait là d'un problème majeur.
«Ce n'est pas l'ancienneté réseau qui va venir faire en sorte que la population du Québec va avoir l'entièreté des soins qu'elle a le droit d'avoir. Ce n'est pas non plus l'ancienneté réseau qui va venir régler la pénurie de professionnelles en soins qui sévit actuellement dans l'ensemble de la province. Et ce n'est pas l'ancienneté réseau qui va faire en sorte que les professionnelles en soins ne feront plus de temps supplémentaire obligatoire», a lancé en entrevue la présidente de la FIQ, Julie Bouchard.
La dirigeante syndicale note que cette ancienneté réseau plutôt que par CISSS ou CIUSSS pourrait aussi avoir pour effet de priver certaines régions d'infirmières qui restaient dans une région donnée pour ne pas perdre leur ancienneté. Ou l'inverse: certaines infirmières qui demeurent en banlieue de Montréal, mais travaillent à Montréal, pourraient être tentées de quitter leur emploi pour travailler plutôt dans la région où elles résident.
«Ça fait des décennies que les gouvernements successifs répètent les mêmes erreurs. Centraliser toujours plus et consulter toujours moins. C'est la recette parfaite pour aggraver la situation», a commenté Robert Comeau, président de l'APTS (Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux).
À ses yeux, cette énième réforme du réseau de la santé est «corrompue» par «l'absence de consultation des salariés». Ce sont pourtant ceux qui connaissent le mieux les problèmes qu'on y vit et qui auraient des solutions à apporter.
La Fédération des médecins spécialistes a aussi dénoncé l'absence d'écoute et «l'attitude de confrontation» du ministre Dubé envers ceux qui travaillent dans le réseau.
Son président, le docteur Vincent Oliva, déplore les informations qui ont circulé quant à l'engagement réel des médecins spécialistes pour dispenser des soins en régions et aux patients.
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«Il est profondément inacceptable de laisser croire que les médecins spécialistes ne sont plus présents dans les hôpitaux après 16h. Partout au Québec, les médecins spécialistes sont mobilisés pour assurer des gardes 24 heures sur 24 afin de prendre soin de leurs patients. Laisser entendre le contraire démontre une grande méconnaissance de notre travail et de notre quotidien.»
Et il reproche au ministre de passer outre au processus de négociation des conditions de travail de ses membres.
Le ministre profite de son projet de loi créant l'agence Santé Québec «pour y insérer des mesures ayant une incidence directe sur les conditions de pratique des médecins spécialistes. Il tente ainsi malhabilement de se soustraire au processus de négociation auquel la FMSQ participe toujours de bonne foi et dont la nécessité a maintes fois été confirmée par les tribunaux du Québec. La Fédération souligne qu’elle ne cèdera pas sur le respect de ce droit fondamental».
À la CSQ et sa Fédération de la santé aussi, on déplore le jeu de structures. «On semble encore brasser les structures et jouer dans les organigrammes sans nécessairement s'attaquer aux véritables problèmes de fond».
«Le frein à l’amélioration des soins, ce n’est pas le "carcan syndical" mais bien le carcan de mauvaises conditions de travail, qui entraîne l’exode du personnel vers des contrées plus avantageuses», a critiqué Isabelle Dumaine, présidente de la Fédération de la santé de la CSQ.
À la FTQ la présidente Magali Picard se demande si cette énième réforme va véritablement aider le réseau, les citoyens et les travailleurs. «On le sait que le réseau ne va pas bien. On est conscient du fait qu'on a besoin d'avoir des réaménagements, qu'on a besoin de travailler différemment; on en est conscient. Mais pourquoi ne pas venir d'avance avant d'amener des projets tellement importants, qui vont changer la vie de milliers de personnes?» a-t-elle demandé.
Elle prend l'exemple de rendre l'ancienneté rattachée à l'ensemble du Québec plutôt qu'à un CISSS ou un CIUSSS.
«C'est probablement applicable d'amener des modifications à l'ancienneté, toutefois, ce n'est pas là, ce n'est pas ça la raison pour laquelle le réseau ne va pas bien. Ça ne changera rien. Je trouve ça extrêmement dommage et même insultant de dire que là, on a des gens qualifiés, mais que comme on doit prendre les plus anciens, le réseau va mal», déplore Mme Picard.
La présidente de la plus grande centrale syndicale trouve aussi que la réforme Dubé centralise la gestion à l'agence Santé Québec et centralise la négociation des conventions collectives en réduisant le nombre de tables, alors que le ministre dit vouloir décentraliser.
Elle estime qu'en agissant ainsi, on perd la «couleur des régions», «on déshumanise le système comme ça».
De leur côté, les gestionnaires ont hâte de voir comment la réforme sera appliquée dans le quotidien et s'ils seront consultés.
«Malgré une certaine centralisation, il est important qu'on tienne compte des différences des établissements dans les façons de faire. Sinon, ça ne peut pas fonctionner. Il faut s'assurer de tenir compte des particularités des établissements», a réagi Danielle Girard, pdg de l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux.
Elle s'est par ailleurs réjouie de l'embauche d'un plus grand nombre de gestionnaires dans le réseau. Le ministre veut «ramener des gestionnaires qui avaient été remerciés. Avoir plus de gestionnaires, on salue ça aussi», ajoute-t-elle.
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