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«Les défis du réseau scolaire sont indissociables des négociations pour améliorer les conditions de travail du personnel qui y œuvre.»
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) rappelle au gouvernement du Québec que «la priorité en éducation cet automne, c'est la négociation», tandis que la rentrée scolaire 2023 s'annonce cahoteuse en raison d'un manque de main-d'oeuvre criant. Le spectre d'une grève des enseignants est même dans l'air, bien que les syndicats ne souhaitent pas en arriver là.
La CSQ estime que l'administration du ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, s'affaire trop à trouver une «formule gagnante, magique et simple» plutôt qu'à s'attaquer au réel enjeu, à ses yeux: les conditions de travail.
Pour Éric Gingras, président de la CSQ, les prochaines semaines seront «déterminantes» dans ce dossier, a-t-il déclaré en conférence de presse lundi à Montréal. Il n'a pas identifié d'échéance pour en arriver à une entente, mais a fait sentir l'urgence de s'asseoir à la table de négociation, car les enseignants pourraient être appelés à voter sur un mandat syndical de grève.
M. Gingras affirme que les syndicats des enseignants avaient prévenu déjà l'an dernier que les appels à renflouer la banque de personnel dans le réseau finiraient par avoir un impact sur le moral des enseignants et du personnel de soutien s'ils n'étaient pas «assortis de mesures structurantes pour véritablement valoriser le travail, les compétences et le professionnalisme du personnel du réseau scolaire et pour rendre tous les postes de travail du réseau plus attrayants et plus compétitifs».
M. Drainville déposait, en mai 2023, le projet de loi no 23 – une nouvelle réforme de la gouvernance scolaire – par l'entremise duquel le ministre se donne le plein pouvoir de nommer les directeurs généraux des centres de services scolaires, de casser leurs décisions ou de les limoger, notamment. La réforme prévoit aussi d'améliorer la collecte d'informations dans le réseau. Mais dans cette réforme, la CSQ ne voit rien pour améliorer le sort des professionnels. Voilà qui «ne favorisera pas l'engagement des acteurs du réseau», déplorent les syndicats.
M. Gingras a pris la parole aux côtés de Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ), d'Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ) et de Jacques Landry, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation du Québec (FPPE-CSQ).
«C'est pas vrai que notre but, c'est de faire la grève», a souligné M. Gingras.
Et si grève il y a, «ce seront les membres qui auront voulu la grève, pas les syndicats», a rappelé Josée Scalabrini.
«La priorité n’est certainement pas un autre brassage des structures scolaires ou d’attaquer l’autonomie professionnelle du personnel enseignant en choisissant à sa place ses activités de formation continue», a-t-elle aussi commenté.
Selon Jacques Landry, de la FPPE-CSQ, «oui, il y a des rencontres», mais rien qui vaille pour l'heure, selon lui.
Pour les 11 fédérations qui représentent environ 215 000 membres, dont environ 125 000 au sein du personnel de l'éducation, la question des élèves en difficulté est l'une des plus sensibles. Ils «ne reçoivent pas les services auxquels ils ont pourtant droit selon la loi», dit M. Landry. «Un coup de barre doit être donné afin d’attirer et de retenir des professionnels auprès des élèves, si l’on souhaite voir enfin une éclaircie se profiler à l’horizon», ajoute-t-il.
Mme Scalabrini a pour sa part cité une consultation des enseignants, selon laquelle 37 % du temps en classe n'est plus consacré à l'enseignement, mais à la discipline, à «la bureaucratie» ou à d'autres tâches.
Les syndicats ligués pour les enseignants ont reçu une forme d'appui du Parti libéral (PLQ) plus tard en journée, quand le chef par intérim de l'opposition officielle, Marc Tanguay, a demandé au gouvernement Legault de ne pas attendre que le Québec vive un automne de grèves. «On n'a pas besoin de ça», a-t-il déclaré en conférence de presse à l'Assemblée nationale.
Dans les derniers jours, la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE) affirmait qu'il manquerait pas moins de 5000 enseignants à travers le réseau, excluant Montréal.
Le recours aux enseignants non légalement qualifiés dans les classes cette année risque d'être plus présent que par les années passées.
«On se retrouve avec une situation qu’on pouvait prévoir il y a des années. On n’a pas valorisé la profession enseignante. Et là, on est face à une grave pénurie – je le répète, une pénurie qui était prévisible et qu’on dénonce depuis 10 ans», a déjà déclaré Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ, à Noovo Info.
À voir également : Situation «décourageante»: il manquerait 5000 enseignants avant la rentrée 2023
Cette sortie médiatique des syndicats du domaine de l'éducation survient alors qu'une certaine grogne est ressentie dans le milieu scolaire à la suite de propos du ministre Drainville, qui juge que les enseignants moins expérimentés doivent se faire confier les classes de maternelle parce que la tâche, selon lui, est moins exigeante.
Il a également exprimé le souhait d’avoir «un adulte devant la classe», quitte à avoir des enseignantes et enseignants non légalement qualifiés.
Des déclarations qui ont pour le moins froissé ceux qui travaillent au quotidien avec les jeunes, tant au primaire qu'au secondaire.
Bernard Drainville a déjà soulevé la grogne dans le milieu scolaire en mai dernier alors qu'il avait tenu des propos sur le travail des enseignants et leur salaire.
La responsable de Québec solidaire en matière d’Éducation, Ruba Ghazal, avait aussi un message pour Bernard Drainville : «M. Drainville : lâchez-nous avec les réformes de structure et négociez.»
« Le cri du cœur du milieu scolaire doit être entendu par le ministre Drainville. À une semaine de la rentrée, il manque encore plus de 5000 profs dans nos écoles et plutôt que de faire avancer les négociations, la CAQ continue d'obséder sur ses réformes de structure qui n'amènent aucun prof supplémentaire dans nos classes. Il faut absolument agir sur les conditions de travail des enseignants et du personnel de soutien, bonifier leur salaire et alléger leur tâche», a-t-elle ajouté via un mémo envoyé aux médias.
Avec de l'information de La Presse canadienne.
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