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Initiative pour restaurer les trésors archéologiques syriens

Des sites autrefois prospères restent marqués par des années de conflit, mais les touristes locaux y reviennent.

Un homme passe devant les arches des écuries des Chevaliers dans le château du Crac des Chevaliers à la périphérie de Homs, en Syrie, le mercredi 29 janvier 2025
Un homme passe devant les arches des écuries des Chevaliers dans le château du Crac des Chevaliers à la périphérie de Homs, en Syrie, le mercredi 29 janvier 2025

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Associated Press
Associated Press

Des experts retournent sur les sites du patrimoine syrien ravagés par la guerre, dans l'espoir de jeter les bases de leur restauration et de relancer le tourisme, ce qui, selon eux, pourrait donner un coup de fouet à l'économie du pays, décimée après près de 14 ans de guerre. 

Des sites autrefois prospères comme la cité antique de Palmyre et le château médiéval croisé de Crac des Chevaliers restent marqués par des années de conflit, mais les touristes locaux y reviennent et les défenseurs de l'environnement espèrent que leur importance historique et culturelle finira par attirer à nouveau les visiteurs internationaux.

Palmyre

Palmyre, l'un des six sites syriens inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, était autrefois une plaque tournante de l'ancienne route de la soie, qui reliait les empires romain et parthe à l'Asie. Située dans le désert syrien, elle est réputée pour ses ruines de l'époque romaine, vieilles de 2000 ans. Elle est aujourd'hui marquée par des colonnes brisées et des temples endommagés. 

Avant le soulèvement syrien qui a débuté en 2011 et qui s'est rapidement transformé en une guerre civile brutale, Palmyre était la principale destination touristique de la Syrie, attirant environ 150 000 visiteurs par mois, a rappelé Ayman Nabou, chercheur et expert en ruines, à l'Associated Press. Surnommée la «fiancée du désert», Palmyre a revitalisé la steppe et était un pôle d'attraction touristique mondial.

 

La ville antique était la capitale d'un État arabe client de l'Empire romain qui s'est brièvement rebellé et a créé son propre royaume au troisième siècle, sous la direction de la reine Zénobie.

Plus récemment, la région a été associée à des événements plus sombres. Elle abritait la prison de Tadmur, où des milliers d'opposants au régime de la famille Assad en Syrie auraient été torturés. Le groupe État islamique a démoli la prison après s'être emparé de la ville.

Les militants de l'EI ont ensuite détruit les temples historiques de Bel et Baalshamin et l'Arc de triomphe de Palmyre, les considérant comme des monuments à l'idolâtrie, et ont décapité un vieil expert en antiquités qui avait consacré sa vie à la surveillance des ruines.

Entre 2015 et 2017, le contrôle de Palmyre a oscillé entre l'EI et l'armée syrienne avant que les forces d'Assad, soutenues par la Russie et des milices alliées à l'Iran, ne la reprennent. Elles ont établi des bases militaires dans la ville voisine, qui a été fortement endommagée et largement abandonnée. Le château de Fakhr al-Din al-Ma'ani, une forteresse du XVIe siècle surplombant la ville, a été transformé en caserne par les troupes russes.

Le chercheur Nabou s'est rendu à Palmyre cinq jours après la chute de l'ancien gouvernement. 

«Nous avons assisté à des fouilles approfondies à l'intérieur des tombes», a-t-il déclaré, notant les destructions importantes commises par l'EI et les forces du gouvernement Assad. «Le musée (de Palmyre) était dans un état déplorable, avec des documents et des artefacts manquants - nous n'avons aucune idée de ce qu'ils sont devenus.»

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Au théâtre, au Tétrapyle et dans d'autres ruines le long de la rue principale à colonnades, Nabou a indiqué avoir documenté de nombreux forages illégaux révélant des sculptures, ainsi que le vol et la contrebande de sculptures funéraires ou liées à des tombes en 2015, lorsque l'EI contrôlait le site. Si sept des sculptures volées ont été récupérées et placées dans un musée à Idlib, 22 autres ont été sorties en contrebande, a ajouté M. Nabou. De nombreuses pièces ont probablement fini dans des marchés illicites ou des collections privées. 

Dans les tombes souterraines de la ville, des versets islamiques sont griffonnés sur les murs, tandis que le plâtre recouvre les peintures murales, dont certaines représentent des thèmes mythologiques qui soulignent les liens culturels profonds de Palmyre avec le monde gréco-romain.

«La Syrie possède un trésor de ruines», a déclaré M. Nabou, soulignant la nécessité d'efforts de préservation. Il a indiqué que l'administration intérimaire de la Syrie, dirigée par l'ancien groupe d'insurgés islamistes Hayat Tahrir al-Sham, avait décidé d'attendre la fin de la phase de transition pour élaborer un plan stratégique de restauration des sites patrimoniaux.

L'UNESCO, l'organisation scientifique, éducative et culturelle de l'ONU, a assuré dans un communiqué que l'agence avait, depuis 2015, «soutenu à distance la protection du patrimoine culturel syrien» par le biais d'analyses satellitaires, de rapports, de documentation et de recommandations aux experts locaux, mais qu'elle n'avait pas effectué de travaux sur place. 

Elle a ajouté que l'UNESCO avait exploré les possibilités d'assistance technique si les conditions de sécurité s'amélioraient. En 2019, des experts internationaux réunis par l'UNESCO ont déclaré que des études détaillées devraient être réalisées avant d'entamer des restaurations majeures.

Crac des Chevaliers

Au-delà de Palmyre, d'autres sites historiques portent les stigmates de la guerre. 

Perché sur une colline près de la ville d'Al-Husn, avec une vue imprenable, le Crac des Chevaliers, un château médiéval construit à l'origine par les Romains et agrandi ensuite par les Croisés, a été lourdement bombardé pendant la guerre civile syrienne. 

Un jour récent, des combattants armés en uniforme militaire se sont promenés dans le parc du château aux côtés de touristes locaux, prenant des égoportraits au milieu des ruines.

Hazem Hanna, architecte et directeur du département des antiquités du Crac des Chevaliers, a montré les colonnes effondrées et l'escalier d'entrée détruits par les frappes aériennes. Les frappes aériennes du gouvernement en 2014 ont détruit une grande partie de la cour centrale et des colonnes ornées d'arabesques, a dénoncé M. Hanna.

«S'appuyant sur le contexte culturel des sites historiques syriens et sur leur importance archéologique et historique pour les passionnés du monde entier, j'espère que lorsque l'occasion se présentera pour les touristes de visiter la Syrie, nous assisterons à une relance significative du tourisme.»
-Hazem Hanna, architecte et directeur du département des antiquités du Crac des Chevaliers

Certaines parties du Crac des Chevaliers ont été rénovées après les frappes aériennes et le tremblement de terre meurtrier de magnitude 7,8 qui a frappé en 2023 une grande partie de la Turquie voisine et de la Syrie, a indiqué M. Hanna. Cependant, une grande partie du château reste en ruines.

MM. Nabou et Hanna pensent que la restauration prendra du temps. «Nous avons besoin d'équipes techniques qualifiées pour évaluer l'état actuel des sites en ruine», a déclaré M. Nabou. 

Les villes mortes

Dans le nord-ouest de la Syrie, plus de 700 colonies byzantines abandonnées, appelées «villes mortes», s'étendent sur des collines et des plaines rocheuses, leurs ruines calcaires altérées présentant des vestiges de maisons en pierre, de basiliques, de tombes et de rues à colonnades. Malgré un effondrement partiel, les portes cintrées, les sculptures complexes et les façades imposantes des églises subsistent, entourées d'oliviers qui s'enracinent profondément dans l'histoire.

Datant du premier siècle, ces villages prospéraient autrefois grâce au commerce et à l'agriculture. Aujourd'hui, certains sites abritent des Syriens déplacés, avec des maisons en pierre reconverties en habitations et en granges, dont les murs ont été noircis par le feu et la fumée. Les structures en ruine souffrent d'un manque d'entretien et d'une réaffectation négligente.

Les pillards ont ravagé les sites anciens, a dénoncé M. Nabou, laissant des trous béants à la recherche d'artefacts. Les visiteurs locaux gravent des noms et des messages sur des murs vieux de plusieurs siècles. Des enclos à moutons parsèment les ruines, les débris de plastique se mêlant à la pierre ancienne.

Les villes mortes ont été inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2011 en tant que musée en plein air, a indiqué M. Nabou. La province d'Idlib abrite à elle seule «plus de 1000 sites patrimoniaux couvrant différentes périodes, soit environ un tiers de l'ensemble des ruines de Syrie», a-t-il ajouté.

Outre les bombardements et les raids aériens, les pillages et les fouilles non autorisées ont causé des dommages importants, a déclaré M. Nabou, ajoutant que les nouvelles constructions à proximité des ruines manquent de planification et menacent la préservation.

«Des dizaines de milliers d'objets» pillés ne sont toujours pas répertoriés. Pour ceux qui sont documentés, les autorités compilent des dossiers en vue d'une diffusion internationale, en coordination avec la Direction des antiquités et des musées, afin de les localiser et d'espérer les récupérer.

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Associated Press
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