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Le constat est sans équivoque: rien ne va plus.
Attaques personnelles, difficulté à faire avancer des projets, microgestion… La Commission municipale du Québec (CMQ) a découvert à quel point le climat était toxique au conseil municipal de Sherbrooke, comme l'explique un rapport présenté mardi.
La CMQ a reçu en février dernier le mandat du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation d’enquêter sur le fonctionnement de la Ville, de l’accompagner et de soumettre ses recommandations pour améliorer le climat municipal.
Tant chez les membres du conseil de ville que chez les fonctionnaires municipaux, les manquements au règlement recensés par la CMQ sont légion. Les temps de parole des élus n’étaient pas respectés, ceux-ci n’hésitaient pas à s’interrompre ou à utiliser leurs cellulaires au beau milieu de leurs interventions.
Il n’était pas rare non plus d’observer des attaques personnelles, un vocabulaire inapproprié et des manques de respect envers le décorum lors des séances du conseil.
Quelques exemples de manquements comptabilisés:
Ces esclandres ont entraîné leur lot de conséquences, alors que des élus et des fonctionnaires ont affirmé avoir eu l’impression de voir leur crédibilité minée et même d’avoir vécu un sentiment d’intimidation qui a entraîné une peur de s’exprimer chez certains.
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Le climat de travail difficile régnant à l’hôtel de ville de Sherbrooke en général est longuement détaillé dans le rapport. Devant ce genre de difficultés, l’actuelle mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, avait annoncé au début du mois de mai qu’elle finirait son mandat, mais qu’elle ne solliciterait pas de nouveau mandat en 2025. Elle expliquait ne pas avoir l’énergie pour continuer. «Je ne me vois pas m’engager pour un autre quatre ans», avait-elle alors déclaré.
Mme Beaudin a-t-elle été une des raisons des tensions à Sherbrooke, ou en a-t-elle plutôt été victime? Le rapport ne répond pas directement à cette question, mais en plus des manques de respect, les intervenants sondés par la CMQ montrent du doigt de nombreuses situations ayant mené à une dégradation du climat.
Parmi celles-ci, on retrouve des sorties médiatiques «précoces», un modèle de gouvernance «centralisateur», des manquements relatifs à la confidentialité d’informations et de documents et, plus largement, un non-respect du rôle des personnes élues, des fonctionnaires et des présidents de commission.
La situation a mené à une perte de ressources humaines et à des enjeux liés au recrutement de personnel.
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À travers son enquête, la CMQ a constaté des «difficultés à faire avancer les projets dans un climat tendu» et un fonctionnement déficient de l’appareil bureaucratique.
Par exemple, on note qu’il n’existe aucun outil pour suivre l’avancement des dossiers, qui fait en sorte que les membres du conseil ne peuvent suivre la progression de ceux-ci.
Il est aussi relevé que les ateliers de travail, qui ont lieu à chaque séance municipale, ne fonctionnent pas.
La CMQ remarque par exemple que ceux-ci sont empreints de microgestion et de lourdeur informatique, qu’ils n’aident pas à faire progresser les dossiers et qu’ils génèrent une surcharge de travail chez les employés. Il est également rapporté que les élus n’ont pas accès à tous les documents leur permettant d’analyser les dossiers sur lesquels ils doivent prendre une décision et qu’un manque de confiance entre ceux-ci et l’administration est ressenti mutuellement.
Afin d’assainir le climat et le mode de gestion au conseil municipal de Sherbrooke, la CMQ met de l’avant 17 recommandations.
Parmi celles-ci, on retrouve par exemple une refonte des mécanismes des interventions lors des séances municipales, qui implanterait notamment des dispositions pénales en cas de non-respect des règles. Il est aussi suggéré que les membres du conseil suivent des formations portant entre autres sur l’ingérence politique, le respect, l’incivilité et sur les procédures des séances du conseil.
Si des conflits interpersonnels venaient à voir le jour, la CMQ conseille de «recourir le plus tôt possible à la médiation ou à tout autre mode de résolution des conflits, aux frais de la Ville».
Concernant la gouvernance de la Ville, la CMQ propose de créer une instance indépendante, comme un poste de commissaire, qui veillerait au respect des mécanismes de gouvernance et qui pourrait recevoir des plaintes à cet effet.
Enfin, il est suggéré d’adopter un plan d’action visant à répondre aux recommandations de la CMQ.
Pour mener à bien son enquête, la CMQ a rencontré une trentaine d’intervenants, dont des représentants de la direction régionale de l'Estrie du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, la mairesse et les membres du conseil, des fonctionnaires de la direction et des employés du cabinet de la mairie.
Des situations comme celle de Sherbrooke, il y en a d'autres au Québec. La mairesse de Gatineau, France Bélisle, est la dernière en date, elle qui a annoncé sa démission le 22 février dernier, affirmant vouloir «préserver sa santé». La jeune mairesse de la petite municipalité Chapais, Isabelle Lessard, a démissionné après avoir vécu un épuisement professionnel en lien avec la lutte contre les feux de forêt à l'été 2023 au Nord-du-Québec. On a également vu la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avoir un malaise en direct lors d'une conférence de presse, et on a assisté aux développements en lien avec le climat toxique perçu au conseil municipal de Trois-Rivières, la ville où le maire Jean Lamarche s'est lui aussi absenté dans le cadre d'un arrêt de travail.
Tout ceci a poussé la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, à allouer un investissement de 2 millions $ visant à ajouter des accès directs à des services d’aide psychologique pour les élus municipaux. Ce montant vient dans les faits bonifier des services déjà offerts par la Fédération québécoise des municipalités (FQM) et l'Union des municipalités du Québec (UMQ).