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À deux semaines du 1er juillet, la pression monte pour les locataires québécois qui sont toujours à la recherche d’un logement.
À deux semaines du 1er juillet, la pression monte pour les locataires québécois qui sont toujours à la recherche d’un logement. Parmi eux se trouvent plusieurs personnes qui se sont résignées à rester dans un appartement trop petit ou mal adapté à leurs besoins, devant l’impossibilité de trouver un logis abordable.
C’est le cas de Chloé, qui souhaite taire son nom de famille par peur que sa prise de parole nuise à sa recherche de logement. «Quitter l’appartement dans lequel je suis pour en trouver un autre, c’est l’enfer sur terre», lance-t-elle d’emblée.
«L’endroit où je suis, je ne dirais pas qu’il est insalubre, mais ce n’est pas le meilleur des apparts. Dans les deux dernières années, on a eu droit à des coquerelles, à des souris», raconte-t-elle.
Actuellement, Chloé dépense 920 $ par mois pour son quatre et demi situé dans le quartier du Plateau-Mont-Royal, à Montréal, où elle demeure depuis quelques années. En cherchant un nouvel appartement, elle s’est butée à la hausse du prix des loyers.
«On n’a pas le choix de rester, dit celle qui a visité plusieurs logements. Même si je mets du "cash", soit je dois en mettre beaucoup, soit ce qu’il y a sur le marché, ce n’est pas terrible.»
Delphine, une mère de trois enfants âgés de 7 à 9 ans, qui ne veut pas révéler son nom de famille pour la même raison, est pour sa part contrainte de demeurer dans un appartement trop petit. La femme qui s’est séparée il y a un an avait alors loué un logement rapidement.
«J’ai décidé au mois de février-mars de me mettre à la recherche de quelque chose de plus grand, parce que mes enfants sont dans la même chambre, explique-t-elle au bout du fil. Je ne comprenais pas, chaque fois que je prenais un rendez-vous pour visiter, finalement ça s’annulait. Je n’ai pas visité un seul appartement.»
Delphine estime que plusieurs propriétaires ne souhaitent pas que des enfants habitent dans leur immeuble.
«Dès que je marquais que j’avais trois enfants, je voyais qu’ils avaient lu mon message, mais ils ne donnaient pas suite. C’est carrément, je pense, de la discrimination. Ils louent des cinq et demi, mais ils ne veulent pas d’enfants (dans leur logement)», raconte-t-elle.
La mère de famille a aussi tenté de postuler dans une coopérative d’habitation, sans succès.
Ces cas de citoyens contraints de rester dans un logement non adapté à leurs besoins ne sont pas étrangers au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).
«De plus en plus on entend de tels témoignages, de familles extrêmement inquiètes de ne pas pouvoir offrir un logement sain, un logement adéquat à leurs enfants», affirme la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme, en entrevue. Elle précise que les logements familiaux, possédant trois chambres, sont rares, mais aussi «hors de prix».
«Sans parler des familles qui se font discriminer. Encore cette semaine, on a eu des appels de familles avec trois, quatre enfants, des fois des familles recomposées, qui dès qu’elles mentionnent qu’elles ont quatre enfants, se font dire que le logement n’est pas disponible», poursuit la porte-parole du FRAPRU.
Selon Mme Laflamme, il s’agirait de «se mettre la tête dans le sable» que de dire que la solution pour remédier à la crise du logement serait celle que les locataires demeurent dans leur appartement actuel.
«Il faut voir que plusieurs personnes ont un logement qui n’est pas décent, qui n’est pas adéquat», affirme Mme Laflamme.
Selon le rapport sur le marché locatif de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), publié en janvier 2023, le taux d’inoccupation des logements à Montréal est descendu de 3,7 % à 2,3 %. Et il est encore plus faible en ce qui concerne les logements abordables. Le taux d’inoccupation des appartements dont les loyers sont d’environ 1000 $ par mois et moins est d’environ 1 %.
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Sur les sites de recherche de logements à louer, les annonces d’échanges d’appartements, mieux connus sous le nom de swaps, sont nombreuses. Cette pratique consiste à céder son bail entre locataires afin de s’assurer que le prix du loyer demeure bas.
Cette technique est avantageuse pour ceux qui ont un logement à échanger, mais complique la recherche de plusieurs autres locataires.
Chloé ne souhaite pas échanger son appartement, sachant qu’il comporte des problèmes. «J’aimerais ne pas en arriver-là, mais la réalité c’est que tous les apparts qui sont ultra-cool sont tout le temps en swap», affirme-t-elle.
Est-ce que cette pratique est légale? Oui, répond Mélanie Chaperon, avocate spécialisée en location résidentielle.
«Le Code civil prévoit déjà que lorsqu’on a un appartement à titre de locataire, on a le droit de sous-louer ou de céder notre bail», explique Mme Chaperon. Les «swaps» peuvent empêcher les propriétaires de faire des travaux dans l’appartement au changement de locataire, évoque l’avocate.
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«La loi dit que si le propriétaire veut refuser la cession de bail (…) il faut des motifs sérieux. Souvent on regarde la solvabilité de la personne», précise Mme Chaperon. Parmi ces motifs sérieux, on compte le salaire du locataire, sa cote de crédit et son «comportement», qui inclut notamment la propreté de la personne.
Il n’est pas possible pour un propriétaire de refuser une cession de bail pour loger un membre de sa famille dans l’appartement. Il doit faire parvenir un avis au nouveau locataire pour l’aviser de son intention pour l’année suivante, détaille l’avocate.
Toutefois, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a déposé un projet de loi la semaine dernière qui pourrait permettre aux propriétaires de refuser une cession de bail. Une initiative que déplore le FRAPRU, alors la loi retirerait l’un «des rares moyens» pour éviter les hausses de loyer aux changements de locataire.
«On a vu davantage de cas dans les derniers mois de groupes où les locataires, pour s’entraider, offraient des cessions de bail», déclare Véronique Laflamme, précisant qu’il faut plutôt régler le problème à la source en mettant en place un registre des loyers.