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La Loi sur la protection des renseignements personnels «autorise actuellement les institutions du gouvernement fédéral à divulguer des renseignements personnels dans l'intérêt public».
Peu de temps après que les Canadiens ont été informés que la Loi sur la protection des renseignements personnels les empêchait de savoir pourquoi le tueur en série Paul Bernardo avait été transféré dans une prison à sécurité moyenne, l'organisme fédéral de surveillance de la protection de la vie privée s'est vu rappeler en coulisses qu'il existait des moyens de contourner ce problème.
Bernardo a passé près de 30 ans dans une prison à sécurité maximale – plus récemment dans l'établissement Millhaven près de Kingston, en Ontario – avant que la nouvelle n'éclate fin mai qu'il avait été transféré à l'établissement La Macaza à Québec, une prison à sécurité moyenne offrant un traitement pour les délinquants sexuels.
Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, dont la gestion du transfert de prison l'a poursuivi pendant des semaines, a déclaré que le Service correctionnel du Canada, qui était responsable de la décision, devait aux Canadiens une explication compte tenu de la gravité des crimes de Bernardo.
Mais il a également déclaré que la Loi sur la protection des renseignements personnels faisait obstacle à la transparence.
«La Loi sur la protection des renseignements personnels et d'autres lois imposent actuellement des limites importantes à ce qui peut être discuté publiquement, y compris les informations concernant les transferts de détenus en particulier», a déclaré le ministre Mendicino dans un communiqué le 14 juin.
Il a ajouté qu'il souhaitait que Philippe Dufresne, le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, propose de nouvelles procédures sur le partage d'informations avec le public et les victimes dans les affaires très médiatisées.
Des courriels récemment publiés montrent que cela a attiré l'attention du bureau de M. Dufresne.
Bernardo purge une peine d'emprisonnement à perpétuité pour l'enlèvement, l'agression et le meurtre de Kristen French, âgée de 15 ans, et de Leslie Mahaffy, âgée de 14 ans, au début des années 1990 près de St. Catharines, en Ontario.
Il a également été reconnu coupable d'homicide involontaire dans la mort de Tammy Homolka, la sœur de 15 ans de son épouse d'alors Karla Homolka, qui a été libérée après avoir purgé une peine de 12 ans pour son rôle dans les crimes contre Kristen French et Leslie Mahaffy.
Le lendemain du jour où le ministre Mendicino a évoqué la Loi sur la protection des renseignements personnels, M. Dufresne a reçu des notes préparées pour lui par son personnel avant une rencontre avec Catherine Luelo, dirigeante principale de l’information du Canada
Ils devaient discuter de questions liées à la vie privée. Le commentaire de Marco Mendicino a été répertorié parmi les sujets à discuter.
«Ceci est partagé au cas où vous souhaiteriez donner (…) un avertissement préalable sur notre position vis-à-vis de la déclaration du ministre (…) sur la Loi sur la protection des renseignements personnels imposant des "limites importantes à ce qui peut être discuté publiquement sur les transferts de détenus"», a déclaré le chef de cabinet de M. Dufresne le 15 juin, ajoutant que des lignes de presse et des «informations factuelles» sur la loi étaient jointes.
La Loi sur la protection des renseignements personnels «autorise actuellement les institutions du gouvernement fédéral à divulguer des renseignements personnels dans l'intérêt public» et stipule que de telles décisions doivent être prises par le responsable d'une institution au cas par cas, a écrit le membre du personnel.
La Presse Canadienne a obtenu le courriel fortement expurgé par le biais de la Loi sur l'accès à l'information.
Vito Pilieci, porte-parole du commissaire à la protection de la vie privée, a déclaré que M. Dufresne avait demandé des informations sur les dispositions légales concernant la divulgation d'informations d'intérêt public, compte tenu de la déclaration du ministre Mendicino et du débat public qui a suivi.
Lorsqu'on lui a demandé si son bureau était d'accord avec la déclaration de M. Mendicino selon laquelle la Loi sur la protection des renseignements personnels impose des «limites importantes» à ce qui peut être rendu public au sujet des transferts de détenus, M. Pilieci a répété qu'elle permet le partage de renseignements personnels dans les cas où il est déterminé que «l'intérêt public à la divulgation l'emporte manifestement sur tout atteinte à la vie privée qui pourrait résulter de la divulgation».
«À ce jour, (Service correctionnel du Canada) n'a pas demandé notre avis à ce sujet», a-t-il indiqué.
Le service correctionnel réexamine actuellement sa décision de transférer Bernardo, mais dans une réponse fournie vendredi, il n'a pas précisé s'il cherchait un moyen de fournir plus d'informations au public.
«Nous prévoyons de communiquer le résultat de l'examen dès que possible», a assuré le porte-parole Kevin Antonucci.
«Compte tenu de l'intérêt public, nous pouvons vous dire que nous prévoyons d'être transparents et ouverts sur cette affaire, notamment en partageant autant d'informations que possible conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.»
Dans une déclaration transmise dimanche soir, le bureau de M. Mendicino a défendu sa position selon laquelle la loi impose des «limites importantes» à la capacité d'un gouvernement à partager des informations personnelles, soulignant que la loi stipule expressément que ces questions doivent demeurer privées, sans le consentement de la personne concernée.
Il a poursuivi en disant que dans le cas de Bernardo, seuls les services correctionnels fédéraux ont le pouvoir d'appliquer un pouvoir discrétionnaire.
«Le commissaire (du Service correctionnel du Canada) est responsable de l'administration de la Loi (sur la protection des renseignements personnels) telle qu'elle s'applique aux détenus dans les établissements correctionnels fédéraux et a le pouvoir d'utiliser le pouvoir discrétionnaire de la Loi», a argué le porte-parole Alexander Cohen.
«Le ministre Mendicino a encouragé (le service) à travailler avec le Commissariat à la protection de la vie privée pour explorer les mesures supplémentaires qui peuvent être prises concernant le partage d'informations avec le public.»
M. Cohen a ajouté: «En particulier, il a demandé que l'examen à venir soit aussi transparent que possible et partage des informations importantes sur cette affaire avec les Canadiens.»
Le bureau de M. Dufresne a déclaré qu'en ce qui concerne les victimes recevant des informations sur les transferts de détenus, une loi différente qui régit spécifiquement le système pénitentiaire permet au commissaire fédéral aux services correctionnels d'exercer son pouvoir discrétionnaire.
Tim Danson, un avocat représentant les familles French et Mahaffy, a affirmé que ni lui ni les proches des victimes n'avaient reçu de réponses sur les raisons pour lesquelles Bernardo avait été déplacé, le service correctionnel citant le droit à la vie privée de l'individu.
Me Danson a demandé au service de fournir plus de transparence. Dans une lettre qu'il a envoyée par courriel à la commissaire Anne Kelly début juin, il a demandé si le service cherchait des moyens de le faire, compte tenu des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
«Les membres du public ont droit à l'information concernant les institutions publiques, sans quoi la confiance du public dans l'intégrité de l'administration de la justice sera ébranlée», a-t-il soutenu.