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Le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, propose dans le projet de loi 23 qu'il a déposé jeudi de revoir la gouvernance scolaire et de s'octroyer plus de pouvoirs.
Dans sa réforme de la gouvernance scolaire, la deuxième en un peu plus de trois ans, Bernard Drainville se donne le plein pouvoir de nommer les directeurs généraux des centres de services scolaires, de casser leurs décisions ou de les limoger.
Le ministre de l'Éducation a déposé, jeudi, le projet de loi 23, en se défendant de corriger la réforme de son prédécesseur, Jean-François Roberge. «Il a jeté les fondations et, moi, je construis par-dessus», a-t-il soutenu en conférence de presse.
Les centres de services devront désormais conclure avec le ministre une entente «de gestion et d'imputabilité». Le ministre pourra annuler une décision d'un centre de services et «prendre celle qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu».
M. Drainville assure qu'il s'agit là d'un pouvoir «d'exception». «Ça va être dans des cas où tu as un centre de services qui se détache de la vision du gouvernement en matière d'éducation. Il va falloir que ce soit pas mal grave», a-t-il dit.
Rappelons qu'en janvier dernier, M. Drainville avait dû s'excuser après avoir publiquement rabroué le directeur général d'un centre de services au Lac-Saint-Jean, qui avait annoncé la fermeture de maternelles 4 ans en raison de la pénurie d'enseignants.
Les directeurs généraux n'auraient pas à craindre pour leurs postes; la «vaste majorité» d'entre eux seront reconduits dans leurs fonctions pour cinq ans au terme d'une évaluation qui se fera 18 mois après l'adoption du projet de loi, a expliqué le ministre.
Notons qu'il se donne en outre le pouvoir d'encadrer la formation continue obligatoire des enseignants.
Voyez le récapitulatif de Simon Bourassa au bulletin Noovo Le Fil 17 dans la vidéo qui accompagne ce texte.
Bernard Drainville veut également améliorer la collecte d'informations dans le réseau. Il n'est pas «normal», selon lui, que le ministre de l'Éducation peine à connaître le nombre d'enseignants qu'il manque dans un centre de services scolaire.
«On parle constamment du réseau de l'éducation, mais, (...) en matière de données, ce n'est pas un réseau, tranche le ministre. Plus souvent qu'autrement, je suis obligé (...) d'envoyer 72 messages dans les 72 centres de services. Ce n'est pas efficace.»
«Avec ce projet de loi, on s'assure de créer des bases de données dans lesquelles les centres de services vont pouvoir déposer leurs données, auxquelles nous aurons accès pour (...), par exemple, aller chercher les résultats des bulletins de la première étape.»
Le ministre rêve à un «tableau de bord», comme il s'en trouve dans le domaine de la santé.
Le projet de loi 23 édicte par ailleurs la Loi sur l'institut national d'excellence en éducation, laquelle crée un institut ayant pour mission de promouvoir l'excellence des services d'éducation.
Déjà, en 2017, l'éminence grise en éducation Égide Royer recommandait la création d'un organisme indépendant qui deviendrait la référence en ce qui a trait aux pratiques exemplaires qui reposent sur des données probantes.
La pièce législative déposée jeudi remplacerait également le nom «Conseil supérieur de l'éducation» par «Conseil de l'enseignement supérieur» pour notamment circonscrire sa fonction à l'enseignement supérieur.
En 2016, le Conseil supérieur de l'éducation a déclaré dans un rapport que l'école québécoise est la plus inégalitaire du Canada. Or, le ministre Drainville réitère depuis son arrivée en poste qu'il «n'adhère pas» à cette notion d'école à trois vitesses.
«Quand on n'aime pas le message, on tue le messager», a réagi jeudi la députée Ruba Ghazal, de Québec solidaire, qui déplore «une grosse perte pour tout le milieu».
Jeudi, l'opposition libérale s'est aussi montrée déçue de la réforme Drainville. Elle note que le projet de loi ne répond ni aux besoins des enfants, ni à ceux des parents ou des enseignants.
«Il n'y a aucun parent qui m'a demandé de limoger un directeur général. Il n'y a aucun parent qui m'a dit: "On a vraiment besoin d'un institut d'excellence"», a déclaré en point de presse la porte-parole libérale en éducation, Marwah Rizqy.
«Les parents m'ont dit: "On a besoin d'orthophonistes, de psychoéducateurs, de psychologues, mais surtout, on a besoin d'enseignants dans nos classes". C'est ça, la priorité. (...) et ce projet de loi ne répond pas aux besoins du terrain», a-t-elle ajouté.
Mme Rizqy déplore que la réforme Drainville, «c'est beaucoup plus de pouvoirs pour le ministre à son 16e étage au complexe G».
«Qu'est-ce que ça veut dire pour les élèves? On ne le sait pas. Qu'est-ce que ça veut dire pour le pouvoir du ministre? On le sait. Le principal bénéficiaire de cette réforme des structures, c'est le ministre de l'Éducation», a renchéri Pascal Bérubé, du Parti québécois.
«CAQ, on dirait que ça veut de plus en plus dire Centralisation avenir Québec», a-t-il lancé.
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a accueilli avec `grande prudence' le projet de loi 23, qui n'a fait l'objet d'aucune consultation préalable des acteurs du milieu de l'éducation, selon elle.
Le ministre ramène «des projets maintes fois tassés, pour de bonnes raisons par ailleurs, notamment la création d'un institut national (...) et l'obligation de formation, sans égard aux besoins du personnel», a déclaré le président de la CSQ, Éric Gingras.
«La question qu'on se pose aujourd'hui, c'est: "Est-ce que ces mesures vont permettre d'attirer plus de personnel dans notre réseau pour être en mesure de fournir les services adéquatement?" La réponse est non.»
Récupérant la boutade de M. Drainville lors de la campagne électorale, la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) a quant à elle affirmé: «Lâchez-nous avec la formation continue!»
Elle a dénoncé l'obligation d'imposer certaines formations continues aux enseignants, une «attaque frontale à leur autonomie». Garder le contrôle à Québec, «c'est un mode de gestion dépassé», a ajouté la Confédération des syndicats nationaux (CSN).