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Chronique |

Fuir Trump

Ce qui fait trembler les snowbirds, c’est cette nouvelle règle d’enregistrement obligatoire.

Depuis près de vingt ans, mes parents sont des snowbirds. Ils partent en novembre pour la Floride et reviennent six mois plus tard. J’ai toujours applaudi leur mode de vie. L’air marin, le soleil, le temps humide, c’est bon pour eux. Maintenant je leur dis: vendez donc.

Cela fait quelques années que je les vois hésiter. Ils hésitent à quitter le Québec lorsque le froid arrive.

Parce qu’à bientôt 80 ans, fermer leur maison ici, c’est de l’ouvrage. Prendre l’avion, c’est stressant. Et puis, les assurances sont dispendieuses.

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Je les comprends. Mais je les ai quand même toujours encouragés parce que fuir l’hiver, c’est bon pour leur santé et leur moral. En Floride, pas besoin de pelleter et aucun risque de tomber sur les trottoirs glacés ni de prendre le fossé en conduisant sur les routes enneigées.

Ils ont aussi beaucoup moins de risques d’attraper un vilain virus qui, on le sait, jette plus à terre à 75 ans qu’à 35. Le ciel bleu, la verdure et la chaleur les incitent à prendre l’air, à sortir davantage.

Et qui dit sorties, dit vie sociale et de nombreuses occasions de jaser, d’échanger, de rire, de s’amuser. La connexion avec les autres, c’est un gage de vivre non seulement plus longtemps, mais aussi, plus en santé. C’est l’antidote à l’isolement et à la solitude.

Malgré tout, chaque automne, c’est la même rengaine: ils me font part de leurs craintes, de leurs incertitudes et moi, je ressors mes arguments. Parfois, quand je sens qu’ils sont sur le point d’abandonner le projet, je pars avec eux. Je les aide à s’installer dans leur petit paradis floridien et je reviens.

Je vois ça comme un petit retour du balancier pour toutes les fois où ils m’ont donné un coup de main.

Nouvelle règle le 11 avril

Mais voilà que depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche, les cartes sont brouillées. Non seulement je préférerais qu’ils restent ici, mais je les incite à vendre leur nid.

 

Car au-delà de l’inquiétude économique, liée à l’imposition de tarifs, et de la menace d’annexion du Canada aux États-Unis (une hérésie), ce qui fait trembler les snowbirds, c’est cette nouvelle règle d’enregistrement obligatoire.

À partir d’aujourd’hui, tous les visiteurs séjournant plus de trente jours en sol américain doivent avoir rempli un formulaire (le formulaire I-94, assez fastidieux à compléter, me dit-on) et en avoir une copie en tout temps sur eux (en version papier ou électronique). S’ils ne se conforment pas à cette règle, eh bien, les snowbirds peuvent être sanctionnés : les pénalités vont d’une amende de 5000 $ à une peine d’emprisonnement de 30 jours (!).

Ridicule vous dites?

Ce nouveau règlement s’inscrit dans la lignée du décret «Protéger le peuple américain contre l’invasion» signé par le président le 20 janvier.

Douanes occupées

Mes parents, comme les 500 000 Canadiens qui passent plus d’un mois en Floride par année, sont déboussolés par cette mesure. Cela les insécurise, les déstabilise et les inquiète.

Cela dérange tellement les snowbirds que plusieurs d’entre eux quittent ces jours-ci la Floride pour fuir la mesure imposée par l’administration Trump. Ils refusent de remplir et de signer ledit formulaire. Ils choisissent de rentrer avant que le décret ne soit effectif.

Dans leur entourage, mes parents voient plusieurs Québécois changer leurs plans. Les douanes de Lacolle risquent d’être très occupées ces prochains jours — et les propriétés à vendre vont se multiplier au cours des prochains mois.

Je ne suis pas la seule à m’en faire pour ses parents. Quelle sera la suite? Quelle est la prochaine lubie du président? Pourquoi mettre ce stress sur des personnes âgées, fidèles vacanciers?

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Bien chez nous

Mon discours a changé. Tout à coup, je me surprends à répéter à mes parents que «ça ne vaut pas la peine» et que l’hiver ici n’est «pas si pire».

Je préfère tout à coup les voir calmes et détendus en sol québécois, même sous les flocons, que dans l’inconnu d’un pays devenu hostile. Et puis, pourquoi donner notre argent à ce pays qui nous déclare une guerre commerciale, qui souhaite nous voir plier, nous voir mettre un genou par terre?

Ce ne sont plus nos alliés.

Alors voilà. Rentrez. Et vendez. 

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