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«Il y a une importante polarisation aux États-Unis qui contribue au sentiment d’être malheureux.»
Les Américains n’ont jamais été aussi malheureux. Pour la première fois, les États-Unis ont glissé hors du top 20 des pays les plus heureux, selon le Rapport mondial sur le bonheur dévoilé jeudi à Washington.
Nos voisins du Sud se retrouvent en 24e position (sur 170 pays) alors que le Canada lui, se positionne au 18e rang. À l’autre extrême, le pays avec l’indice de bonheur le plus bas de toute la planète est l’Afghanistan.
Trois facteurs sont particulièrement observés dans le sondage afin de déterminer si une nation est heureuse ou pas: les dons faits à des organismes, le temps mis bénévolement à supporter une cause ou un organisme et les gestes posés spontanément pour aider, pour être gentil.
Aux États-Unis, tous ces indicateurs sont à la baisse, ont indiqué trois chercheurs impliqués dans l’enquête sur le bonheur lors du lancement officiel de la publication, en direct de Washington, en matinée.
«Il y a une importante polarisation aux États-Unis qui contribue au sentiment d’être malheureux», a expliqué au lancement EJ Dionne, chercheur principal sur la gouvernance et la gestion publique à l’Institut Brookings.
Cette polarisation entre la droite et la gauche tend à faire disparaître les positions au centre: le populisme est en hausse et les gens plus modérés sont moins nombreux, a-t-il exposé.
Mais il existe un dénominateur commun chez ceux qui logent du côté de l’extrême droite et ceux de l’extrême gauche: la perte de confiance en l’autre, que ce soit le voisin, l’inconnu ou l’immigrant. Et cela provoque du même coup la perte de confiance dans le système et dans les institutions.
M. Dionne a fait un lien avec la réélection de Trump: «Il a réussi à garder la base des “vieux” républicains, ceux qui sont au centre droit, et à rallier ceux de l’extrême droite. Or, ceux-ci prennent plus de place, ils sont plus vocaux. Les plus modérés restent silencieux.»
Cela crée un déséquilibre «bizarre», a-t-il commenté lors du panel.
Et les démocrates? Ils se font peu entendre, eux aussi, depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche… «Ils sont occupés à se chicaner entre eux sur plusieurs fronts», a commenté M. Dionne.
Pour expliquer l’abandon du centre et ce glissement vers les extrêmes politiques, les trois spécialistes ont présenté une tendance: plus on a confiance aux autres et plus on est satisfait de sa vie, plus on a des valeurs progressistes, on croit au système et on loge généralement à gauche. Et à l’inverse, moins on a confiance et moins on est satisfait de sa vie, plus on développe des valeurs conservatrices et alors, on est plutôt contre le système et on est à droite.
«Les partisans de Trump ont tendance à se méfier des autres, à rejeter le système et à nourrir des valeurs conservatrices», a souligné EJ Dionne.
Comment reconstruire cette confiance?
Parmi les solutions présentées, il y a l’accessibilité à des espaces publics sécuritaires et inclusifs, sans ségrégation entre les classes et les races, et il y a la promotion de la liberté et des droits.
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«Dans le top 25 des pays les plus heureux, vingt-trois sont des pays libres, a dit Gerardo Berthin, vice-président des programmes internationaux de la Freedom House, qui a pris la parole sur le panel qui présentait le Rapport mondial sur le bonheur. Les populations de ces pays croient aux institutions et ils font confiance aux gens. Ils ont aussi tendance à faire confiance au processus électoral contrairement aux pays qui ne sont pas libres, comme la Russie, le Nicaragua et le Venezuela.»
Chiffre étonnant: 40 % des élections de 2024 ont été perturbées par un événement pour nuire, ralentir ou stopper le processus. M. Berthin a cité en exemple du harcèlement aux bureaux de vote ou encore, la tentative d’assassinat (ou l’assassinat) d’un candidat.
Que pourraient faire les États-Unis pour améliorer leur indice du bonheur?
Cette question a été posée aux ambassadrices de trois des pays les plus heureux au monde, le Costa Rica (en 6e position), l’Islande (en 3e position) et la Finlande (en première position).
Voici leurs réponses, en vrac.
«Ils doivent investir massivement dans leurs systèmes d’éducation et de santé. Et aussi, promouvoir la paix, que ce soit au travail, à la maison et aussi avec les pays autour d’eux…», a dit Catalina Crespo-Sancho du Costa Rica.
«Les États-Unis auraient avantage à augmenter la participation des femmes dans toutes les sphères de la société. Elles doivent avoir accès à un système de garderies pour réussir à avoir, si elles le souhaitent, une famille et une carrière», a lancé Svanhildur Hólm Valsdótirr d’Islande.
«Donner mes conseils? Bof… Je pourrais leur dire d’apprendre à apprécier les petites choses de la vie, comme savourer son café le matin, aller prendre une marche, flâne dans une librairie puis finir la journée au sauna», a glissé Leena-Kaisa Mikkola de Finlande.
Un rappel: l’indice du bonheur est calculé à partir des résultats d’un sondage mondial. Les citoyens évaluent leur qualité de vie selon plusieurs critères comme le soutien social, la liberté et la corruption perçue. Le Rapport mondial sur le bonheur est publié chaque année lors de la Journée internationale du bonheur, établie au 20 mars par les Nations Unies depuis 2012.
Il est issu de la collaboration du Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies, de l’Université Oxford, de la firme Gallup et de la plate-forme Semafor.
Pour consulter le rapport (en anglais) : World Happiness Report 2025 | The World Happiness Report
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