Début du contenu principal.
«C’est le jour de la marmotte », selon l’analyste Stéphanie Chouinard.
Normalement, à ce moment-ci de l'année, les analystes politiques tentent de prédire ce qui se passera dans les prochains mois. Mais voilà que le variant Omicron brouille les cartes.
«C'est une année qui se termine comme elle a débuté, au sens où on était dans l'incertitude au mois de janvier. On est toujours dans l'incertitude», résumait récemment en entrevue Stéphanie Chouinard, professeure adjointe de science politique au Collège militaire royal, à Kingston.
Une fois de plus, Ottawa se voit obligé d'étendre ses programmes d'aide pour les particuliers et les entreprises en difficulté à cause de la pandémie. Et une fois de plus, les Canadiens vont se faire vacciner massivement dans une course contre la montre contre un nouveau variant.
La différence cette fois-ci, mentionne Mme Chouinard, c'est que le gouvernement fédéral dispose maintenant de suffisamment de vaccins pour administrer des troisièmes doses à toutes les personnes admissibles. Les provinces et territoires ne peuvent donc plus se plaindre du manque d'approvisionnement pour expliquer le rythme des vaccinations.
Et alors que la joute politique était revenue à un mode plus «normal» dans les derniers mois avec la tenue d'élections puis des séances en personne aux Communes, force est de constater que les politiciens seront de retour via leurs écrans au retour des Fêtes.
«On voit bien que le nouveau variant vient tout changer. Alors la Chambre des communes va peut-être retourner en virtuel, plus ou moins, et va peut-être être préoccupée par la pandémie de COVID au lieu d'y aller avec ses projets de loi», prédit Geneviève Tellier, professeure titulaire de l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa.
Déjà, dans sa mise à jour économique, la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a mis de côté 4,5 milliards $ pour faire face à Omicron et n'a pas écarté de mettre de côté davantage d'aide, selon la progression du variant. Mme Freeland a aussi présenté son énoncé de façon virtuelle, puisque deux membres de son équipe avaient contracté la COVID-19.
La tendance s'est poursuivie au sein de l'équipe de Justin Trudeau qui, à l'approche des Fêtes, a préféré faire ses annonces de manière strictement virtuelle pour montrer l'exemple.
«On a l'impression qu'on revient là où on en était en janvier dernier, alors qu'on a fait beaucoup de chemin entretemps, constate Mme Tellier. C'est comme le jour de la marmotte», lance Mme Chouinard.
Presque méconnu il y a quelques mois, le chef conservateur Erin O'Toole a malgré tout survécu à la défaite de son parti aux dernières élections. Les experts en science politique surveilleront de près son avenir politique dans les prochains mois, alors que M. O'Toole poursuivra sa tentative de recentrage du Parti conservateur.
«C'est une année où on sent un chef conservateur qui veut davantage prendre le contrôle de son parti et apporter des changements. (...) On voit que ça ne se fait pas sans difficultés», note Eric Montigny, professeur au département de science politique de l'Université Laval. «En même temps, s'il veut aller chercher plus d'électeurs, c'est un passage obligé», ajoute-t-il.
Les troupes d'Erin O'Toole ont déjà causé la surprise, début décembre, en proposant l'adoption à l'unanimité d'un projet de loi interdisant les thérapies de conversion. Pourtant, les conservateurs étaient une soixantaine à avoir voté contre six mois plus tôt.
«Ça a été, de son point de vue personnel, une démonstration de force. On sait que, parmi son caucus, il y a certains éléments qui sont plus fortement à droite du point de vue moral. Ça lui a permis de démontrer qu'il a le contrôle sur son caucus. Il y a peut-être un peu d'opportunisme au sens où la motion qui a été présentée, ça a permis d'éviter un vote par appel nominal», souligne Mme Chouinard.
«Je pense qu'il commence à bien gérer, contrôler son parti, lui donner une orientation que lui veut et l'amener quelque part. Et donc, la menace est importante pour les libéraux. Ce qui s'est passé dans la loi sur les thérapies de conversion, je pense que c'est un signal fort aux libéraux de dire : ''Maintenant, vous avez un adversaire fort de qualité. Ne comptez plus sur une droite divisée''», soutient Mme Tellier.
L'inflation et la hausse du coût de la vie en général défrayaient déjà les manchettes en 2021 et vont sans aucun doute de continuer à faire couler beaucoup d'encre en 2022. Les experts prédisent déjà que le gouvernement fédéral devra améliorer son message pour faire comprendre que ces enjeux sont en haut de sa liste de préoccupations.
«On sait que les outils dans la boîte à outils d'Ottawa sont assez restreints en matière du contrôle de l'inflation (...), mais au-delà du fait qu'il y a peu d'outils pour s'attaquer à cet enjeu-là, on n'a pas vraiment entendu le message comme quoi Ottawa s'inquiète de l'impact de l'inflation sur la population», fait remarquer Mme Chouinard.
Le mot «inflation» est apparu une fois dans le discours du Trône et 60 fois dans la mise à jour économique de cet automne. À toutes les occasions possibles, le gouvernement fédéral rappelle qu'il s'agit d'un phénomène mondial qui découle de la réouverture de l'économie.
«Il y a eu quelques petites mentions ici et là, mais ça frappe le portefeuille de tous les Canadiens et pour le moment, on a l'impression que le gouvernement n'a pas vraiment pris acte de l'ampleur du problème pour les Canadiens», mentionne Mme Chouinard. «Est-ce que le gouvernement va avoir une stratégie? Il semble que non, d'après ce qu'on a vu avec la mise à jour économique», renchérit Mme Tellier.
Il reste à voir en 2022 ce que fera la Banque du Canada, qui a reçu le mandat de maintenir un taux cible d'inflation annuel de 2% tout en prenant en compte l'emploi. Continuera-t-elle de maintenir les taux d'intérêt à un niveau très bas? «Ça pourrait venir brasser les cartes, même si c'est une décision qui n'est pas entre les mains du gouvernement», soutient Mme Chouinard.