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«Pourquoi ne pas aller de l’avant avec une rémunération qui a du sens?»
Depuis l’an passé, le Québec s’est doté d’une loi qui encadre «l’utilisation» des mères porteuses. Et là, dès le 6 juin, la province ira encore plus loin en permettant aux futurs parents de faire «affaire» avec une mère porteuse en dehors du Québec.
J’ai mis des guillemets devant certaines expressions, que j’associe au champ lexical du marchandage, car on parle d’êtres humains ici, et plus précisément de bébés. Cette «transaction» n’est donc pas comme les autres et le sujet suscite beaucoup de questionnements éthiques. On n’est pas en train de parler d’une paire de souliers, disons.
Il faut savoir que des pays comme la France, l’Italie et l’Espagne interdisent carrément la pratique. Selon moi, ils font fausse route. Parce que des gens qui veulent «louer» le ventre d’une femme pour y faire grandir un enfant, ç’a toujours existé et ça continuera d’exister dans le futur. Encadrer la pratique me semble donc la meilleure avenue pour éviter des situations malheureuses où des parents et des mères porteuses se retrouvent floués.
Parlons-en, de l’encadrement, justement. Pour qu’une femme soit autorisée à porter un enfant pour des parents québécois, elle devra être âgée d’au moins 21 ans et donner son consentement tout de suite après la naissance à l’effet qu’elle renonce au lien de filiation. Pour ce qui est des parents, ils devront tout d’abord obtenir une autorisation de la part du ministère de la Santé avant de procéder. Mais surtout, il leur sera impossible de rémunérer la mère porteuse. Celle-ci, toujours selon la loi, ne pour obtenir compensation que dans le cas d’une perte de revenu ou pour les divers frais qu’une grossesse implique.
Maintenant qu’on a dit ça, je me questionne réellement sur ce qui peut pousser une femme à porter gratuitement et pour quelqu’un d’autre un bébé pendant 9 mois. Mis à part si c’est pour une bonne amie ou une sœur, je ne peux concevoir qu’il y ait beaucoup de femmes qui vont se bousculer au portillon.
Pour moi, c’est le principal angle mort de toute la discussion entourant la gestation pour autrui au Québec. Et il est plus qu’évident que beaucoup de parents contourneront – ils le font déjà - cette interdiction en offrant à la mère porteuse un cadeau qui prendra la forme d’une compensation financière.
Je sais, la question de la rémunération reste complexe et délicate. Les gens en faveur prétendent que la procréation assistée demeure le seul domaine de la loi où on criminalise encore le corps des femmes tandis que certains représentants du corps médical amènent l’argument selon lequel une grossesse, ce n’est pas une façon approprié de faire de l’argent. Pourquoi? À cause du risque de complication. Autrement dit, le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. Certains médecins et éthiciens craignent aussi que ça ouvre la porte à d’autres formes de marchandage du corps humain. Si l’on «vend» la gestation pour autrui, pourrait-on, à l’avenir, vendre carrément un rein?
Et puis il y a le risque que des femmes vulnérables soient exploitées en échange de sommes d’argent comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays. Le tourisme reproductif existe bel et bien et il y a des pays comme la Colombie et l’Inde qui ont bâti une véritable industrie autours de la gestation pour autrui. Vite comme ça, une femme colombienne obtiendra en moyenne 2000$ pour mener une grossesse à terme.
Personnellement, je préférerais que la rémunération soit possible, ici, au Québec, et que la mère porteuse puisse obtenir une compensation à la hauteur du sacrifice qu’elle fera pendant toute la gestation: rendez-vous médicaux, hygiène de vie, sommeil, alimentation. Porter un enfant pour quelqu’un d’autre, c’est quand même accepter de mettre sa propre vie sur pause au bénéfice d’autres personnes. Et dans ma tête, ça vaut pas mal plus que 2000$ peu importe l’économie dans laquelle on se trouve. Par exemple, aux États-Unis, une femme obtiendra entre 40 000$ et 60 000$ pour «louer son ventre».
Je suis consciente que ça reste excessivement sensible et délicat, mais je suis convaincue que permettre une rémunération avec des balises claires pourrait éviter plusieurs situations crève-cœurs à tous les partis concernés dans «cette transaction».
Parce que si on laisse ça de même, les gens vont contourner la loi de toute façon. Alors, qu’ils le fassent dans les meilleures conditions possibles. Et si le but est de permettre à des couples d’avoir davantage accès aux mères porteuses et que celles-ci s’acquittent de leur «tâche» dans les meilleures conditions possibles, pourquoi ne pas aller de l’avant avec une rémunération qui a du sens?