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La chronique de Geneviève Pettersen.
Hier, avec mes collègues de l’émission Sans réserve, nous avons eu une discussion sur les cours ou les formations qu’on pourrait offrir aux parents. Nous parlions de ça à cause d’un papier signé Jessica Nadeau, paru dans Le Devoir la même journée. On y apprenait notamment que des parents montréalais suivis par la DPJ devaient prendre des cours de compétences parentales. Est-ce que ce serait intéressant d’offrir ce type de formation à plus de parents? C’est la question que nous nous sommes posés.
D’emblée, j’ai répondu oui. Je suis enfant unique et, avant d’accoucher de ma première fille, je n’avais pour ainsi dire jamais tenu un nouveau-né dans mes bras. Oh, je m’étais abondamment documenté. J’avais suivi le fameux cours de préparation à la naissance, lu quelques livres, mais rien qui me préparait vraiment à ce qui m’attendait. J’ai trouvé mes réponses sur des forums de discussion où j’avais la chance d’échanger avec d’autres mères qui vivaient les mêmes défis que moi.
Puis mes deux plus vieilles ont tranquillement quitté le monde de la petite enfance et sont devenus des adolescentes. Et je n’ai jamais été aussi désemparée de ma vie. C’était le grand trou noir. Si j’avais pu m’inscrire à quelques cours pour m’aider à passer au travers de cette étape importante, mais oh combien challengeante de ma vie de parent, j’aurais volontiers signé en bas de la feuille. J’avais l’impression d’être complètement laissée à moi-même. Advienne que pourra.
Pas que la petite enfance ne soit pas une étape cruciale du développement de l’enfant. On est d’ailleurs beaucoup à avoir lu Tout se joue avant 6 ans avant de se faire dire par d’autres experts de la psychologie infantile que Fitzhugh Dodson était dans le champ sur pas mal de trucs.
Quand même, il est un tantinet déplorable que toute l’énergie et la prévention soient destinées en grande partie aux 0 à 5 ans. C’est parce que les défis parentaux ne s’arrêtent pas là. Au contraire.
Cet adage populaire, même si caricatural, résonne quand même chez beaucoup de parents d’ados. Comme une auditrice me l’écrivait, « c’est plutôt au secondaire et à l’adolescence que cela se gâte et dégénère ». Elle poursuit en me confiant s’être sentie laissée à elle-même pendant cette période tumultueuse de sa vie de mère.
Des parents à bout de ressources qui abandonnent parce qu’ils ne savent plus quoi faire ou vers qui se tourner, il semble y en avoir pas mal. Et j’ai l’impression que d’aller chercher de l’aide parce qu’on a des problèmes avec son ado est honteux pour plusieurs. Ce n’est pas comme aller chez le pédiatre pour demander des conseils sur le terrible two, disons. On appelle où ? On se tourne vers qui ? Surtout quand on nous répète à longueur de journée que des ressources, il n’y en a pas.
Se sentir incompétente, se sentir dépassée, se sentir comme une mauvaise mère. Des sentiments que j’ai expérimenté régulièrement ces cinq dernières années. J’en aurais suivi des cours. Des cours sur la gestion de la colère, des cours sur la résolution de conflit, sur la communication non violente, sur l’anxiété, sur la parentalité positive. Name it!
Savez-vous ce qui m’a sauvée ? Parler avec d’autres parents. Parler sans censure de ce que je vivais et me rendre compte que derrière toutes les photos de vacances que je vois défiler sur les médias sociaux, il y a des roulements d’yeux et des portes qui claquent.
Il y a des larmes, aussi. Ça pleure beaucoup, dans les familles où il y a des adolescents.es. Eux autres pleurent parce qu’il trouve tout injuste ou parce qu’ils vivent leur première peine d’amour. Nous autres on braille parce qu’on est au bout du rouleau et qu’on se trouve incompétents et impatients.
On se sent souvent bien seuls, nous les parents d’ados. Dans mes moments les plus sombres, j’avais l’impression que j’avais tout gâché et que les petits et grands problèmes de mes filles étaient dus à mon manque de compétence parentale. Si j’avais suivi une formation, j’aurais su que non, que c’était une étape parfois difficile à traverser et que, la plupart du temps, les choses finissent par s’apaiser.
Je n’oublierai cependant jamais la fois où, à bout de ressources, j’ai téléphoné à mon CLSC pour parler à une intervenante spécialisée dans les crises familiales. Pendant une heure, je lui ai tout déballé. Je lui ai dit que ça m’arrivait de crier après mes filles, que j’avais tellement de colère en moi à ce moment-là que je ne savais plus quoi faire pour calmer le jeu. Que j’avais l’impression de les perdre un peu plus chaque jour.
Je lui ai tout dit ça, et je lui ai confié le pire de mes secrets : que je pensais être une mauvaise mère, que je pensais avoir « scrappé » mes enfants. Il y a eu un long silence, puis un petit rire, au bout du fil. Un petit rire tellement doux et empreint de la plus grande des compassions. Je me souviens des mots exacts de cette femme qui, je n’ai pas honte de le dire, a sauvé ma maternité. Elle m’a dit : « madame, vous n’êtes pas une mauvaise mère. Les mauvaises mères n’appellent pas au CLSC et ne remettent pas leurs compétences parentales en question. »
Le reste, je vais le garder pour moi, mais disons que cet appel a été déterminant puisque je me suis sentie entendue et comprise. Je n’étais pas une mauvaise mère même s’il fallait que j’arrête de crier.
Ce n’était pas un cours ni une formation, mais c’était les mots que j’avais besoin d’entendre. Ce que je vivais, c’était normal. Je n’étais plus seule.
Pour les parents de grands enfants ou d’ados, il y a ce balado qui est une véritable mine d’or et qui m’a fait me sentir moins seule des dizaines de fois. C’est en anglais seulement.