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Mais que s’est-il donc passé pour que cet entraîneur superstar se fasse jeter comme un vieux kleenex par les Blue Jackets de Columbus ? En une phrase, c’est que le monde a changé autour de Mike Babcock. Mais pas lui.
Mike Babcock a connu une ascension fulgurante dans le monde du hockey. Il fut l’entraîneur des Ducks d’Anaheim lors de leur parcours inspirant qui les a menés en finale, en 2003, propulsés par les acrobaties miracles de Jean-Sébastien Giguère devant le filet. Il a aussi mené les Red Wings de Détroit à la Coupe Stanley en 2008, après avoir été seulement le deuxième entraîneur de l’histoire à remporter plus de cinquante victoires durant trois saisons consécutives.
Babcock a aussi mené Équipe Canada à deux médailles d’or olympiques (2010 et 2014) et il fut l’entraîneur adjoint de l’équipe canadienne gagnante du Championnat mondial de hockey (2004). Il demeure le seul entraîneur ayant remporté les trois plus prestigieuses compétitions de hockey. Bref, une superstar dans le dur et très compétitif métier d’entraîneur au hockey.
En tant que partisan du CH, j’avais vécu sa nomination à titre d’entraîneur-chef des Maple Leafs de Toronto, comme une très mauvaise nouvelle, puisqu’à l’époque, avec son doctorat honorifique de l’Université McGill, il s’amenait avec l’étiquette du meilleur entraîneur actif.
Mais que s’est-il donc passé pour que cet entraîneur superstar se fasse jeter comme un vieux kleenex par les Blue Jackets de Columbus, avant même que l’équipe ne dispute un premier match présaison ? Que s’est-il passé ?
En une phrase, c’est que le monde a changé autour de Mike Babcock. Mais pas lui.
Les méthodes « old school » dont on a chanté les louanges de Dick Irving à Scotty Bowman en passant par Mike Keenan n’ont plus droit de cité dans la LNH. Ni dans une quelconque ligue de sport professionnelle. L’humiliation des joueurs devant leurs coéquipiers, les partisans et les caméras n’est plus tolérée.
Il faut dire que le passage de Babcock à Toronto s’est terminé en queue de poisson. Dans cette ville, il a coaché des millénariaux, issus d’une génération qui ne tolère plus l’abus de pouvoir. Et ses résultats furent pathétiques. Malgré qu’il eût devant lui une équipe bourrée de talent, il ne parvint jamais à franchir le premier tour des séries.
Babcock passa par la suite par le purgatoire, dans la foulée de dénonciations de ses méthodes par plusieurs anciens joueurs, parmi lesquels se trouvent des idoles de la trempe de Chris Chelios qui a accusé Babcock d’avoir causé une crise de panique (« nervous breakdown ») à Johan Franzen, à force de l’humilier publiquement et en privé, une information rapportée par les journalistes du Detroit Free Press.
De prime abord, il peut sembler surprenant qu’une organisation ait accordé une deuxième chance à Babcock. Mais c’est ce que les Blue Jackets de Columbus ont fait, en annonçant son embauche en juin 2023. Dans ce petit marché cruellement en manque de visibilité et de victoire, l’aura de gagnant et la célébrité de Mike Babcock a pesé plus lourd que le risque réputationnel qu’il traînait.
Évidemment, il a déclaré avoir changé au moment d’entrer en poste.
Mais, dans la vie comme au hockey, le naturel revient souvent au galop.
Il y a quelques semaines, le podcast de l’ancien dur à cuire Paul Bissonnette a révélé que Babcock avait « exigé » de voir les photographies enregistrées dans le téléphone de certains de ses joueurs, pour soi-disant savoir quel genre de personne ils étaient. Au départ, plusieurs voix ont minimisé l’incident tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation. Tant la Ligue nationale de hockey que l’Association des joueurs ont mené une enquête. Si la ligue a blanchi Babcock, l’enquête du syndicat des joueurs était toujours en cours au moment où Babcock s’est « fait démissionner ».
J’emploie cette expression à dessein. Si l’organisation l’a poussé à démissionner, c’est qu’elle n’avait aucune envie de continuer à payer son salaire jusqu’à la fin de son contrat. Et on peut parier que, en plus du département de relations publiques, le département des affaires juridiques a eu son mot à dire dans cette décision.
En effet, nos téléphones contiennent aujourd’hui plusieurs informations personnelles et confidentielles, allant de notre état de santé à notre vie intime et sexuelle. Nul ne peut y accéder sans notre consentement. Et ce consentement peut se retrouver vicié s’il est obtenu par une personne en autorité.
C’est le cas d’un entraîneur de hockey qui décide du temps de match des joueurs et s’ils sont en uniforme ou non. Ces décisions ont un impact énorme sur leur confiance en soi, mais aussi sur leurs perspectives financières à court, moyen et long terme. Les coachs font et défont les carrières des joueurs.
Pour compléter sa rédemption avec succès, Babcock se devait de connaître un parcours sans faute. Plutôt, il a trébuché à la première occasion. Celui qui s’est présenté comme un homme nouveau en juin 2023 était finalement demeuré le même, un dinosaure.
Il a dirigé son dernier match dans la Ligue nationale de hockey.