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Société
Chronique |

La sextorsion, ça n’arrive pas juste aux autres

«Ça arrive juste aux niaiseux ou aux personnes naïves ». FAUX. ARCHI FAUX. Ça peut arriver à tout le monde.

La police de Montréal fait ces jours-ci une opération de sensibilisation qui vise les jeunes. Le but : les mettre en garde contre la sextorsion.  

On apprend que les cas de sexortortion auraient explosé et qu’il y aurait trois fois plus de plaintes cette année. À pareille date l’an dernier, les enquêteurs recensaient effectivement une trentaine de dossiers. À l’heure où l’on se parle, nous en sommes déjà à plus d’une centaine de plaintes déposées qui touchent à la sextorsion.  

Si vous vous demandez c’est quoi, exactement, un stratagème de sextorsion, il faut savoir que cela peut prendre plusieurs formes. Mais disons qu’une tactique commune, c’est le leurre. Un ou une jeune va penser discuter avec quelqu’un de son âge, par exemple sur une plateforme de jeu en ligne ou sur Snapchat. Un climat de confiance s’installe et des photos intimes s’échangent. Après, le prédateur ou l’escroc va menacer le jeune de diffuser ses photos intimes au sein de sa liste d’amis s’il ne lui donne pas de l’argent ou s’il ne lui en envoie pas plus de photos. Je vous laisse imaginer où s’en vont ces images par la suite.

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On en parle plus, mais…

Je n’ai aucun doute au sujet du nombre grandissant de ce type d’agression (nommons un chat un chat). Une des choses que j’aimerais soulever, par contre, c’est que même s’il y a plus de cas, le nombre élevé de plaintes signifie sans doute aussi qu’on porte davantage plainte qu’avant. Ça devient moins gênant et moins tabou d’avouer qu’on est prisonnier d’un stratagème de sextorsion.

On a fait beaucoup de sensibilisation depuis quelques années. Ceci résulte sans doute de cela. Ça, c’est la bonne nouvelle.

La moins bonne nouvelle, c’est qu’on est encore pognée dans une espèce de mentalité de «ça arrive juste aux autres.» «Ça arrive juste aux niaiseux ou aux personnes naïves ». FAUX. ARCHI FAUX. Ça peut arriver à tout le monde. Et ça peut arriver à votre jeune, même si vous avez eu toutes les conversations malaisantes d’usage avec lui sur les dangers d’échanger des photos de zizi sur internet.

Imaginons ceci. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) nous apprend qu’en majorité, les victimes sont de jeunes garçons âgés de 14 à 17 ans. Imaginez que c’est votre garçon qui, un jour, sans le sous-sol, se met à discuter avec ce qu’il croit être une jolie jeune fille de son âge. Rappelez-vous de vous à cet âge-là, bourré d’hormones avec, sous les yeux, un monde de possibilités visuelles ? Est-ce que ça se pourrait que, dans ce contexte, votre garçon, avec qui vous avez eu, je vous le rappelle, toutes les conversations malaisantes évoquées ci-haut, oublie tout ce que vous vous êtes dit ça et se laisse prendre au jeu ?

Ça fait plus que se pouvoir. Ça se peut qu’il se fasse «pogner». Imaginez le malaise quand il se rendra compte de ce qui se passe et qu’il faudra qu’il vous en parle puisqu’il est acculé au pied du mur. Ça peut prendre des semaines, qui sait, des mois même, avant qu’il se décide. Parce que c’est gênant. Et un peu pas mal aussi parce que c’est humiliant. Alors il s’engouffre et s’engouffre jusqu’à ce que ça devienne insoutenable de cacher la vérité.  

Le commandant Marco Breton, responsable de la division contre l’exploitation sexuelle au SPVM, parle de «victimes isolées, fragiles, vulnérables, dépressives et même suicidaires dans certains cas». Aux États-Unis, un jeune homme a mis fin à ses jours après avoir été victime de sextorsion. Son père, Brandon Guffey, s’est fait élire à la Chambre des représentants de Caroline du Sud et a décidé de créer un projet de loi pour lutter contre le phénomène.

Il faut se conscientiser

Il faut parler à nos jeunes à la maison de sextorsion. Certains experts conseillent aux parents de se servir d’un événement médiatique pour aborder la question. Personnellement, je trouve la tactique subtile comme une tonne de briques. J’ai préféré y aller de front, sans détour. Et ça s’est bien passé. J’ai aussi essayé d’aborder ce qui est une relation toxique et expliqué que c’est toujours une bonne idée d’écouter sa petite voix intérieure. En gros, si tu sens que ce n’est pas normal ou que ça ne te fait pas sentir bien, sors de là.

Si l’on sort du sujet de la sextorsion et qu’on décide de pousser plus loin la discussion sur l’échange de photos intimes en ligne, il faut aussi, je pense, dire les vraies choses et expliquer les conséquences des comportements que l’on décide d’adopter sur le web.

Le fait d’envoyer ou de posséder des photos de mineurs nus est considéré comme de la possession de pornographie juvénile. Le partage d’une image intime d’une personne de moins de 18 ans est aussi considéré comme de la distribution de pornographie juvénile même si l’échange est fait entre deux mineurs. C’est bon de le rappeler. Ça calme, comme dirait ma mère.

Je termine cette chronique en insistant sur le fait que les gens qui sont victimes de sextorsion ne sont pas des imbéciles ou des obsédés sexuels. Les prédateurs déploient des trésors d’ingéniosité pour attraper leur victime, la manipuler et arriver à leurs fins.

La preuve ? Ça arrive aussi à beaucoup d’adultes de se faire prendre.  

Si jamais vous ou une personne que vous connaissez êtes victime de sextorsion ou avez vu des photos intimes partagées en ligne, il existe des ressources comme le site Aidez-moi SVP.

Si vous ou un de vos proches êtes en détresse, n’hésitez pas à téléphoner au 1-866-appelle