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«Tous les humains en moi sont fatigués.»
«Toutes les femmes en moi sont fatiguées», a dit la poète Nayyirah Waheed. En ce début de 2025, je dirais plutôt que «tous les humains en moi sont fatigués». Un peu comme si tous les aspects de notre humanité étaient tiraillés, compromis, à deux doigts de l’embrasement.
On vient de mettre le pied dans la nouvelle année et déjà, il me semble qu’on avance dans un épais brouillard, une sorte de cauchemar éveillé. Je renoue bien malgré moi avec une sensation d’hypervigilance découverte en mars 2020 et abandonnée quelque part entre 2021 et 2022.
Et pourtant, cette sensation, la revoici.
Cela pourrait être en lien avec l’état de la planète, l’éco anxiété généralisée, les prix de consommation affolants, l’état de notre système de santé ou celui de notre système scolaire. Cela pourrait être en lien avec la pauvreté, la misère humaine, les problèmes de logements et ceux, criants, d’itinérance. Ou ceux, accablants, en santé mentale.
Mais non. Ce n’est pas ça.
Dans une période d’insomnie prolongée dernièrement, j’ai cherché. J’ai eu du mal à mettre le doigt dessus. Puis, j’ai eu une illumination: les fabulations de Donald Trump sont au cœur des inquiétudes qui me rongent.
Les tarifs massifs qu’il souhaite imposer m’inquiètent. La menace à notre économie, aux entreprises d’ici, m’inquiète.
Sa dernière lubie, celle de vouloir annexer le Canada aux États-Unis, me pèse sur le cœur. Me donne la nausée. Même si c’est incroyablement ridicule, et même si ma raison me rappelle à l’ordre, le projet fou de Trump me reste dans la tête. C’est une pensée invasive que de penser à cette possible invasion.
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Comment est-ce possible que les humeurs et les coups de tête d’un seul homme occupent autant les esprits de la planète entière ? L’énergie du conquérant me fascine — on ne peut pas nier sa détermination ni sa ruse — mais ses orientations politiques, ses pensées narcissiques, sa soif de contrôle et de pouvoir m’abattent.
À force de vouloir tout écraser, le bulldozer Trump nous sape le moral, nous désespère. Et nous fait perdre du temps.
L’équilibre mondial semble plus vacillant que jamais. Avec Trump, Poutine, Kim Jong-Un et tous les autres dictateurs à travers le monde, je crains pour la paix. Particulièrement maintenant.
Peut-être est-ce lié à l’absence de leadership politique au Québec et au Canada ? Même à Montréal, on sait que celle qui dirige quitte bientôt. C’est comme si tous nos pions délaissaient l’échiquier en même temps.
Non seulement cette désaffection générale est déstabilisante, mais elle survient à un moment important de notre histoire soit à deux semaines de l’arrivée d’un homme politique que plusieurs décrivent comme un fasciste.
Devant un personnage aussi controversé, on pourrait espérer que ses plus proches conseillers soient conciliants, pondérés, modérés. Cela serait rassurant n’est-ce pas ?
Évidemment, ce n’est pas le cas. Des milliardaires, des hommes d’affaires, des gens sans expérience et des polémistes font partie des membres de sa future équipe. Normalement, ces nominations doivent passer par le Sénat. Mais Trump tente de contourner la règle (évidemment) en procédant dans l’urgence.
Et il y a le cas Elon Musk, presque devenu le coprésident. L’étonnante bromance entre les deux hommes ne fait que commencer.
Est-ce que le duo deviendra bientôt un trio ? Mark Zuckerberg, le grand patron de META, a clairement annoncé ses couleurs en début de semaine en posant des gestes qui vont dans le sens de l’agenda « Make America Great Again » : il retire les vérificateurs de faits de ses réseaux sociaux. Cela ouvre la porte à la libre circulation d’idées plus conservatrices — et de celles fondées sur rien du tout.
On entre donc, en plus de tout le reste, dans une ère de désinformation, de faits alternatifs, une réalité « autre », trouble, altérée.
Quand on ajoute à tous ces ingrédients celui de la montée de la peur, de l’ignorance, de certaines valeurs qui appartiennent à l’extrême droite, et qu’on mêle cela aux guerres qui s’étirent entre autres en Ukraine et à Gaza, on obtient une recette désastreuse.
2025 s’annonce tourmentée, chaotique, imprévisible. Accrochez-vous.