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«Il faut s’assurer qu'il y a de l’acceptabilité sociale et que ça ne sera pas un saccage environnemental.»
Un front commun appuyé notamment par Québec solidaire (QS) réclame la tenue d'un nouveau BAPE en lien avec la voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic et demande même au gouvernement du Québec de rendre son financement pour le projet conditionnel à la tenue de nouvelles audiences.
Cette demande est soutenue par, entre autres, des élus municipaux de la région, des membres de la Coalition des victimes collatérales, la Fédération de l'UPA-Estrie et l'organisme Eau Secours.
Le groupe s'interroge sur le tracé actuel et les conséquences sur les citoyens. Les travaux de dynamitage, la destruction de milieux humides et de terres agricoles et les impacts sur l'eau potable font partie des principales préoccupations nommées.
«Le gouvernement du Québec s’est engagé à payer 40 % d’une facture pour l’instant estimée à près d’un milliard de dollars, mais avant de financer un projet d’une telle envergure, il faut s’assurer qu'il y a de l’acceptabilité sociale et que ça ne sera pas un saccage environnemental», explique dans un communiqué la députée de Sherbrooke Christine Labrie, qui est aussi la responsable solidaire de la région de l’Estrie.
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Le projet de voie de contournement ferroviaire est loin de faire l'unanimité à Lac-Mégantic et auprès des municipalités voisines. En 2022 et 2023, une majorité des citoyens de Lac-Mégantic, Nantes et Frontenac se sont prononcés contre le projet actuel dans le cadre de sondages ou de référendums.
«Nous avons tenu un référendum en février 2023 et 92,5 % de la population s’est prononcée contre le tracé actuel. Ce projet apporte beaucoup d’inquiétudes dans notre communauté et le gouvernement doit poser des gestes concrets pour les apaiser », a exprimé Gaby Gendron, maire de Frontenac.
Selon Kurt Lucas, un membre de la Coalition des victimes collatérales de la voie de contournement, le projet de la voie de contournement proposé est démesuré et déraisonnable. «Les données obtenues depuis le dernier BAPE ne démontrent pas que ce projet répond à l’intérêt public, bien au contraire», a- t-il commenté.
«Si on veut vraiment aider la population de la région de Lac-Mégantic, il faut éviter de créer une autre catastrophe humaine, écologique et environnementale, pour nous et pour les générations à venir», s’inquiète Yolande Boulanger, une agricultrice membre de la coalition, qui a elle-même perdu un petit-fils dans la tragédie.
La Fédération de l’UPA-Estrie et le Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec estiment que l’opposition que suscite le projet de voie de contournement dans la population locale, les conséquences environnementales et les impacts futurs sur les activités agricoles et forestières justifient que le gouvernement provincial fasse preuve d’une plus grande prudence à l’égard de ce projet.
«Nous estimons qu’il est temps de mettre fin à l’absurdité de ce projet et de revenir à une solution qui améliore la sécurité ferroviaire pour l’ensemble des citoyens de Lac-Mégantic, des environs et de l’ensemble des citoyens du pays», a demandé André Roy, président du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec.
«Qui expliquera à la population locale d’où proviendra l’eau de consommation si la nappe est contaminée par des travaux ou qu’elle se stabilise à un niveau trop bas dans quelques années?» s'est questionné quant à lui Michel Brien, président de la Fédération de l’UPA-Estrie. «N’observons-nous pas de plus en plus de sécheresses? Il faudrait y voir partout sauf autour de Lac-Mégantic?»
Le transport ferroviaire étant de compétence fédérale, c'est Ottawa qui mène ce chantier controversé et le finance à 60%. Les opposants s'adresse au gouvernement du Québec puisqu'ils affirment ne pas avoir l'écoute du gouvernement Trudeau.
De son côté, l’organisme Eau Secours déplore qu’un projet d’une telle ampleur soit exempté d’analyse d’impact et de consultations publiques.
«C’est l’intégrité des milieux humides et des sources d’eau potable qui sera affectée et les communautés locales impactées. Nous demandons à Québec d’aider les citoyens de la région de Mégantic à préserver leur eau en exigeant des consultations publiques sur ce projet», a demandé Rébecca Pétrin, la directrice générale d’Eau secours.
La classe politique n'entend pas céder devant ce front commun, surtout pas François Jacques, député caquiste de Mégantic. «Je pense que ça fait assez longtemps», s'est-il impatienté en entrevue téléphonique avec Noovo Info. Ça va faire 11 ans le 6 juillet 2024. «C’est assez.»
Principale personne interpelée par le front commun, le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, rappelle «que le ministère de l'Environnement a initialement tenu une consultation publique en 2017, puis un BAPE en 2019, avant que la Cour d'appel ne statue que le dossier relevait du fédéral».
«De notre côté, nous considérons que les citoyennes et les citoyens de Lac-Mégantic ont assez attendu pour ce projet et qu’il est temps qu’il se réalise», a réagi le ministre Charette auprès de Noovo info.
Même son de cloche du côté de Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic. «Le projet a été recommandé par le gouvernement du Québec, et les mesures d’atténuation demandées ont été incluses dans le projet par le gouvernement Canada», a dit Mme Morin à Noovo Info. «Je comprends que certains citoyens s’opposent encore, mais c’est le même tracé depuis 2019. Rien ne justifie qu’on revienne en arrière. Pendant que quelques personnes essaient de gagner du temps pour repousser la réalisation du projet, des convois remplis de matières dangereuses continuent de traverser Lac-Mégantic, où des centaines de résidences se trouvent à moins de 500 mètres de la voie ferrée.»
Au cabinet du ministre fédéral Pablo Rodriguez, on appuie le projet. «Il y a déjà eu deux BAPE qui ont recommandé des mesures d'atténuation qui seront intégrées au projet, notamment pour garantir que les puits et la qualité de l'eau ne seront pas affectés», a réagi le ministre. «Nous sommes d'ailleurs en train de compléter le plan de surveillance des puits.»
La tragédie de Lac-Mégantic marque encore les esprits alors qu'il y a bientôt 11 ans, le 6 juillet 2013, un train transportant du pétrole brut a dévalé une pente à partir de Nantes et a déraillé au centre-ville de Lac-Mégantic, déclenchant des explosions et un incendie où 47 personnes ont perdu la vie.
Le projet de voie de contournement ferroviaire a été annoncé peu de temps après, afin que le train ne passe plus au centre-ville de la municipalité endeuillée.
Avec de l'information de Guillaume Cotnoir-Lacroix pour Noovo Info.