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Les citoyens sont appelés à donner leur avis sur plusieurs nouveaux règlements.
Québec lance une consultation sur la réglementation des zones inondables, mais des élus inquiets dénoncent que les citoyens soient consultés avant même de savoir s’ils vivent dans une des nouvelles zones à risque d’être inondées.
Selon le ministère de l’Environnement, trois fois plus de Québécois vivraient en zone à risque d’être inondée, selon la nouvelle façon de cartographier les zones inondables.
Mais à Pointe-Calumet dans les Laurentides, c’est presque tout le territoire qui serait considéré comme une zone inondable avec la nouvelle réglementation, selon la mairesse.
«Il y a 96 % des résidences qui sont en zone inondable présentement», a déclaré Sonia Fontaine à La Presse Canadienne après avoir consulté les cartes préliminaires, alors qu’à peine «20 maisons sur 2500» l’étaient auparavant.
Mardi matin, la mairesse n’avait pas encore communiqué ces informations à la population.
«Ces données ne sont pas définitives», a-t-elle expliqué en précisant que c’est la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui en est arrivée à ces conclusions en utilisant la nouvelle méthodologie du gouvernement pour cartographier les zones inondables.
«On se réveille un matin comme ça, avec les valeurs de nos maisons qui descendent, l'incertitude hypothécaire, l'incertitude des assurances» et «on entre dans une période de 90 jours d’incertitude», a-t-elle dit.
Les 90 jours correspondent à la période de consultation publique lancée mardi par le gouvernement afin que les citoyens donnent leur avis sur plusieurs nouveaux règlements, dont la modernisation de la cartographie des zones inondables.
Pour la CMM, il aurait fallu publier les nouvelles cartes avant de demander l’avis de la population.
«Nous souhaitons que ces cartes-là fassent partie de la consultation parce que les citoyens doivent savoir où ils sont localisés et c'est quoi l'impact. Les citoyens vont réagir à une carte beaucoup plus qu'aux règlements», a fait valoir Massimo Lezzoni, directeur général de la CMM.
Il a expliqué que l'organisation qu'il représente était partie prenante des démarches concernant la nouvelle réglementation, qu’elle possède la cartographie à jour pour son territoire qui regroupe 82 municipalités et croit que le gouvernement doit l’utiliser dans les consultations avec la population.
«Pendant la consultation, la première chose que les citoyens vont nous demander, c'est “est-ce que je suis dans cette zone là”? Et malheureusement, on n'a pas de réponse concrète à leur donner», a pour sa part indiqué le maire de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
Le maire François Robillard s'inquiète notamment pour les citoyens qui ont eu la permission du gouvernement de reconstruire leur maison depuis la catastrophe de 2019, mais qui pourraient bientôt apprendre qu'ils se retrouvent dans une «zone rouge».
Il y a cinq ans, une digue de cette municipalité des Laurentides avait cédé, la crue avait causé des dommages considérables et nécessité l’évacuation d’urgence de milliers de personnes sur environ 50 rues.
Avant cette sortie de la CMM et de certains maires, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a expliqué, en conférence de presse mardi matin, que la nouvelle cartographie n’était pas complétée pour l’ensemble de la province et il estime qu’environ 80 % des communautés urbaines du Québec auront terminé leur cartographie des zones inondables d’ici le printemps 2025.
Plusieurs mois, donc, après la consultation publique.
En fin d'après-midi, le cabinet du ministre a indiqué à La Presse Canadienne que «le guide méthodologique qui servira à réaliser la cartographie des zones inondables» sera soumis à la population lors des consultations.
«Nous souhaitons d'abord entendre les différents partenaires sur le sujet, car les commentaires reçus pourraient mener à des changements pour le guide méthodologique, et donc potentiellement pour la cartographie», peut-on lire dans un message transmis à l'agence de presse.
Environ 22 000 logements au Québec sont présentement situés en zone inondable, cartographiée. Avec les nouvelles cartes, 77 000 logements, soit environ 2 % de la population, se retrouveraient dans une telle zone, selon les estimations du ministère de l'Environnement.
Actuellement, la cartographie des zones inondables présente des cotes de récurrence de «0-20 ans» et de «20-100 ans», alors que la nouvelle génération de cartes propose une nouvelle classification avec quatre catégories de risques: faible, modéré, élevé et très élevé.
À titre d’exemple, «très élevé» correspond à un risque de plus de 70 % d’être inondé au moins une fois sur un horizon de 25 ans et à une intensité de l’eau de plus de 60 centimètres lors d’une inondation. Lorsque l’eau atteint cette intensité, les véhicules d’urgence ne peuvent plus circuler.
Il n’y a rien dans la réglementation proposée qui obligerait un riverain à se relocaliser.
Toutefois, chaque niveau de risque correspond à de nouveaux règlements concernant la construction et la rénovation des résidences qui sont situées dans ces zones.
Par exemple, un propriétaire qui possède une maison dans une zone à risque très élevé n’aurait pas le droit de construire une nouvelle résidence ou de reconstruire une maison qui a été détruite.
Ce propriétaire pourrait toutefois effectuer des rénovations ou des modifications comme changer l’endroit où est située l’entrée électrique, ou alors aménager des chambres au deuxième étage, de façon à rendre sa résidence plus résiliente aux inondations.
Dans la zone «élevée», les nouvelles constructions seraient interdites. Certaines exceptions sont toutefois prévues et celles-ci devraient être accompagnées d’un plan de gestion de risques.
«Ces nouvelles cartes, basées sur les connaissances scientifiques les plus récentes, prendront en compte à la fois la fréquence des inondations, leur intensité en fonction de la profondeur d’eau atteinte, la présence d’embâcles, ainsi que les impacts des changements climatiques», peut-on lire dans les documents de vulgarisation du ministère de l’Environnement.
À Québec, l'opposition libérale a dénoncé certaines mesures du cadre réglementaire.
«Avec ce redécoupage de la carte des zones inondables, et bien que le gouvernement dise ne pas vouloir délocaliser les riverains, les interdictions de reconstruction ou d’agrandissement dans les zones considérées à risque élevé mèneront éventuellement à une délocalisation et à l’abandon de propriétés. Des secteurs entiers pourraient faire face à une dévitalisation, mais aucune mesure pour y répondre n’est proposée», a écrit la députée libérale Virginie Dufour.
Actuellement, il y aurait une trentaine d’ouvrages de protection contre les inondations (OPI) sur le territoire.
Il s’agit de mur anti-crue de béton ou encore de digue comme celle de la Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
Le gouvernement compte imposer une série de mesures pour s’assurer de la sécurité de ce type d’infrastructures, dont la mise en place d’un registre public.
Les municipalités devraient également réaliser une étude de caractérisation et en diffuser le résumé. Le coût ponctuel d’une telle étude est estimé à 85 000 $.
Les municipalités qui possèdent des OPI devraient aussi intégrer des mesures de prévention à leur plan de sécurité civile.
La nouvelle réglementation prévoit également des normes sur la surveillance et l’entretien des OPI.
L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a salué le projet de moderniser le cadre réglementaire concernant les inondations, mais elle demande au gouvernement de s’assurer de «maintenir l’assurabilité et la capacité d’obtenir du financement hypothécaire» ainsi que «d’avoir une prévisibilité des impacts du projet sur l’aménagement du territoire et les finances municipales».
Le Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) croit également que ces nouveaux règlements sont nécessaires, mais «demeure préoccupée quant «aux impacts de certaines dispositions pour les secteurs qui se trouvent derrière des ouvrages de protection contre les inondations (OPI) et sur la valeur de nombreuses propriétés situées à proximité de ces derniers».
Dans un communiqué, la CMM a écrit qu'elle est d’avis que «des ajustements raisonnables peuvent être apportés rapidement afin de concilier les objectifs de gestion du risque attendus et le maintien du dynamisme des collectivités touchées».
Le ministère de l’Environnement Benoit Charette a indiqué que la réglementation proposée est nécessaire en raison de l’ampleur des changements climatiques.
Le ministère a rappelé qu’en 2017, la crue a forcé l’évacuation de plus de 4000 personnes et touché 293 municipalités.
En 2019, plus de 10 000 personnes dans 240 municipalités ont été évacuées en raison d’inondations alors que des milliers de résidences ont été inondées.
Au printemps 2023, à Baie-Saint-Paul et à Saint-Urbain, dans Charlevoix, près de 300 propriétés ont été touchées par les inondations.
Le gouvernement estime qu’à elles seules, les inondations de 2017 et de 2019 ont coûté plus d’un milliard de dollars à l’État.