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Quels seraient les avantages de devenir un État américain? Qu’adviendrait-il de notre langue, de notre culture, de notre histoire? Le chef du Parti 51 a répondu à ces questions en entrevue.
À l’instar de partis québécois qui, traditionnellement, militent pour la souveraineté, le Parti 51 souhaite que le Québec se sépare du Canada...
Mais ce parti alternatif n'est pas exactement souverainiste: il réclame l’annexion de la province aux États-Unis afin de devenir leur 51e État, d’où l’origine de son nom.
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Fondé en août 1989 en vue des élections provinciales de la même année, le Parti 51 n’avait pas fait long feu et avait été officiellement dissous en 1991. Hans Mercier a ressuscité l’organisation en 2016 et présente des candidats pour une deuxième campagne électorale consécutive, en vue du scrutin du 3 octobre 2022.
Quels seraient les avantages de devenir un État américain? Qu’adviendrait-il de notre langue, de notre culture, de notre histoire? Est-ce que la violence armée augmenterait sur notre territoire avec les armes à feu? Et l’assurance maladie?
Et surtout, est-ce réaliste pour les Québécois de devenir Américains en tant que collectivité?
DOSSIER | Élections Québec 2022
Hans Mercier, chef de ce parti politique, a accepté de s’entretenir avec Noovo Info dans le but de répondre à ces questions et de faire le point sur les objectifs du Parti 51, qui ne fait pas partie des cinq formations politiques les plus en vue à l'occasion de la campagne (CAQ, PLQ, QS, PQ, PCQ).
Après avoir travaillé au sein de partis politiques pendant plusieurs années, Hans Mercier raconte avoir remarqué ce qu'il considère comme des problèmes au sein de la politique québécoise, ce qui l’a poussé à fonder son propre parti.
«Le Québec est toujours divisé. La couleur a changé, mais on se sert toujours de certains débats qui, malheureusement, vont rendre opaques d’autres débats plus importants», estime l’avocat de profession.
Le Beauceron confie qu’il recherchait une solution «rassembleuse» et «idéale» pour tous les Québécois, «quelque chose qui irait autant chercher les souverainistes que les fédéralistes», soutient-il: «Autant les anglophones que les francophones, autant les allophones que les Québécois de souche et qui répondrait aux besoins de base, essentiellement, de tout le monde.»
Afin «d’unifier les Québécois», une seule solution semblait réalisable aux yeux de M. Mercier: recréer le Parti 51.
Le logo du Parti 51. Crédit: Parti 51
Une visite de la page web du Parti 51 nous permet de voir trois mots sur la page d’accueil: «Liberté, sécurité, prospérité» — trois valeurs indiscutables dans l'ensemble de la population, croit le chef du parti.
«On est le seul parti, à ma connaissance, qui a des fédéralistes anglophones et des souverainistes francophones dans le même parti, justement parce que ça répond à ces besoins-là», vante M. Mercier.
Bien que cette idée puisse paraître hors de l’ordinaire, elle ne daterait pas d’hier, croit-on au Parti 51.
«C’est arrivé plusieurs fois que les Québécois ont failli devenir Américains sauf que, généralement, ce qui a fait que ça n’a pas passé, c’est qu’on était très catholiques, alors que plusieurs États américains étaient très protestants. Et c’est vraiment une question de religion qui a fait que ces négociations-là n’ont pas fonctionné. Même George Washington, parce qu’il était ambassadeur à Paris, était venu à Montréal pour approcher des dignitaires pour les inviter à joindre l’union américaine lorsqu’elle a été fondée», raconte Hans Mercier.
La dernière fois que l'annexion du territoire québécois aux États-Unis a été un réel enjeu, c'était au 18e siècle, lors de la déclaration d'indépendance américaine. À l'époque, les Canadiens français avaient été courtisés à quelques reprises pour se détacher de l'Empire britannique une 14e colonie.
Crédit photo: Adrian Wyld | La Presse canadienne
Outre la volonté de voir le Québec se séparer de la fédération canadienne et de se joindre aux États-Unis en tant que 51e État, le Parti 51 souhaite que le Québec se dote de sa propre constitution.
Le parti politique présente sur ses plateformes la constitution du Québec, qui comprend 28 articles. Le premier article souligne que tous les individus ont droit à la liberté et le deuxième rappelle que le français est la langue officielle du Québec.
La question se pose en cas de départ du Québec vers les États-Unis: est-ce que quitter un pays dont le français est l’une des deux langues officielles menacerait la survie de cette langue au Québec? Bien au contraire, répond Hans Mercier, qui indique que les États-Unis n’ont pas de langue officielle au niveau fédéral. Le Parti 51 dit sur son site web qu’outre l’anglais, le français, l’allemand et l’espagnol «ont été utilisés au niveau gouvernemental aux États-Unis».
«Non seulement aucune loi fédérale des États-Unis n’empêche un état d’opérer dans la langue de son choix, mais le titre IV du Civil Rights Act of 1964 interdit que l’on refuse des services gouvernementaux à une personne qui ne parle pas anglais», peut-on lire sur le site web du Parti 51.
«Quand tu deviens Américain, la seule chose que tu as à accepter, ce sont les valeurs libérales des Américains, c’est-à-dire la liberté et la démocratie. Il n’y a pas un Québécois qui est contre ça», pense M. Mercier.
Selon Hans Mercier, les cultures entre les États américains sont si différentes qu’il serait impossible pour le Québec de perdre son identité et sa culture: «Quand tu compares par exemple la culture d’un Texan avec celle d'un Californien, d'un New-Yorkais, de quelqu’un qui reste à Chicago, ce sont des gens complètement différents, qui seraient de parfaits étrangers s’ils n’avaient pas (cette) union. C’est ça, les États-Unis.»
Étant déjà sur un continent majoritairement anglophone depuis des siècles, le parti politique soutient que les Québécois n’ont pas à être inquiétés.
«(Le Québec) a toujours préservé sa culture et sa langue par sa fierté et sa résilience. La culture ne s’impose pas, elle se transmet. Il revient d’abord et avant tout à chaque Québécois de s’assurer de la préservation de sa langue et sa culture. Avec une protection constitutionnelle, les Québécois disposeront de la meilleure protection légale pour y arriver», croit-on au Parti 51.
Assurance-maladie: «Il y a énormément de préjugés qui ont la couenne dure, comme le fait qu’on n’aurait plus d’assurance-maladie, ce qui est complètement faux, parce que c’est un programme qui est essentiellement québécois. C’est la Régie d’assurance maladie du Québec, donc, tant qu’on est prêts à la payer, on peut la garder il n’y a aucun problème. Il y a déjà eu des États américains qui ont eu des systèmes d’assurance maladie.»
Crédit photo: Ryan Remiorz | La Presse canadienne
Le chef du Parti 51 s’est également attaqué au «mythe des armes à feu», rappelant que certains États ont des lois «plus réglementées qu’elles le sont au Canada dans les faits».
Armes à feu: «Il y a énormément de préjugés qui circulent dans la société et dans les médias. N’importe qui qui y est allé pour travailler ou pour voyager est bien à même de dire que la réalité est toute autre pour 90% des gens.»
Quels seraient les avantages de se joindre aux États-Unis et de quitter le Canada? Hans Mercier a résumé ce qu’un Québec à l’intérieur du pays de l'Oncle Sam apporterait à l’ensemble des Québécois, à son avis.
«Être un État américain, c’est vraiment être un pays dans un pays. Essentiellement, on va chercher ce que la majorité des souverainistes veulent. Ils ne veulent pas une armée québécoise ou un dollar québécois. Ce qu’ils veulent, c’est d’être maîtres chez eux. C’est essentiellement la souveraineté-association que René Lévesque proposait», selon son point de vue.
Pour le Parti 51, se séparer du Canada sans toutefois devenir un pays serait également le meilleur des compromis pour les fédéralistes anglophones qui «ne veulent pas devenir une minorité dans une majorité francophone».
«À tous les problèmes environnementaux auxquels on fait face, à tous les problèmes économiques auxquels on fait face, on a tout intérêt à unir nos forces chez les grandes sociétés libérales occidentales pour s’assurer qu’on garde ces privilèges-là qu’on a durement gagnés et qu’on maximise le progrès de nos sociétés, qui, actuellement, sont mises à mal par un paquet de courants de dérives autoritaires qui sont malheureuses et qui sont dangereuses», dit Hans Mercier.
En se joignant aux États-Unis, le Québec devrait changer de devise, passant du dollar canadien au dollar américain, selon le scénario imaginé par le Parti 51. Il s'agirait d'un avantage significatif, d'après Hans Mercier: «Économiquement, on serait beaucoup plus forts comme État américain en ayant accès à un plus grand marché et une devise qui est beaucoup moins volatile, considérant que le dollar américain demeure encore et toujours la devise étalon.»
Questionné à savoir si les États-Unis souhaitent qu’une province francophone se joigne à leur pays, Hans Mercier ne fournit pas de réponse, mais le plus difficile selon lui ne serait pas de convaincre les Américains.
«Avec tout ce qu’on a au Québec comme ressources naturelles, comme ressources humaines, comme culture, ça serait très facile de convaincre les Américains de nous accepter, pense le chef du Parti 51. C’est vraiment de passer par-dessus les préjugés des Québécois et de leur expliquer l’idée. Et une fois qu’on prend le temps d’en discuter, les gens voient immédiatement les bénéfices et une fois qu’on passe par-dessus ces fameux préjugés-là, on voit que c’est un projet très viable.»
De plus, Hans Mercier avance que le Pari 51 a écrit à plusieurs ambassadeurs américains afin de rendre les choses officielles malgré le fait qu’il n’y ait pas eu d’approche diplomatique officielle provenant des États-Unis.
«Les États-Unis ont une tradition diplomatique de non-intervention dans les affaires des autres pays. Donc, considérant que le Québec n’est pas indépendant à la base, il est fort à parier qu’ils vont rester neutres jusqu’au moment où ça va devenir sérieux et que la demande va être faite», croit-il.
En vue des prochaines élections provinciales, le Parti 51 demeure réaliste et vise premièrement à faire élire un député à l’Assemblée nationale, avec cinq candidats confirmés au moment d’écrire ces lignes.
«Les conservateurs étaient dans les limbes il y a quatre ans et là, parce que Claire Samson a démissionné, elle n’a pas été élue sous la bannière du PCQ, mais le simple fait d’avoir quelqu’un à l’Assemblée nationale, pour une raison quelconque, les médias leur donnent de l’attention et de la visibilité. Et essentiellement, un projet comme le nôtre, tout ce dont ça a besoin, c’est de la visibilité», affirme Hans Mercier.
Le jour où le Parti 51 profiterait de cette visibilité, M. Mercier est convaincu que le parti politique «n’aurait pas de difficulté à rassembler une majorité de Québécois».
«La question c’est: “Est-ce qu’on aurait une majorité suffisante pour justifier des négociations avec le Canada et le Congrès pour faire l’opération, puis quitter le Canada et devenir un État américain? ”»
Malgré le fait que le Parti 51 n’a aucune chance d’être élu le 3 octobre prochain, Hans Mercier demande aux Québécois tentés par le programme du parti politique de tout de même voter pour lui: «Les votes, c’est du financement, c’est de la visibilité. Plus vous votez, plus on fait parler de nous, et ça aussi, il faut que les gens décrochent de ce mythe-là. Il faut que les gens réalisent que leur vote est plus important et a plus de pouvoir qu’ils ne le pensent et arrêtent d’acheter les dogmes de vieux partis, qui leur sont vendus pour des fins d’avoir le pouvoir et des fins lucratives, parce que c’est payant d’avoir des votes.»