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Noovo Info s’engage toutefois à publier la décision originale du Conseil de presse du Québec.
Noovo Info portera en appel une décision du Conseil de presse du Québec portant sur une plainte déposée en février 2024 suite à son reportage Plainte de bruit: un bar du village doit fermer pendant quatre jours.
Bien que trois des quatre griefs ont été rejetés par le comité de plaintes responsable de l’étude de ce reproche, Noovo Info estime que son reportage est équilibré et que son journaliste a produit le reportage avec soucis du détail dans les délais prescrits.
Noovo Info s’engage toutefois à publier la décision originale du Conseil de presse du Québec, tel que mandaté pour les membres du tribunal d’honneur qui agit à titre de chien de garde en déontologie journalistique.
André Saint-Amant dépose une plainte le 3 février 2024 au sujet du reportage Plainte de bruit: un bar du village doit fermer pendant quatre jours du journaliste Étienne Fortin-Gauthier, diffusé sur le site web et la chaîne télé de Noovo Info le 29 janvier 2024. Le plaignant déplore un manque d’équilibre et des informations inexactes.
Le 30 janvier 2024, la mairesse de Montréal Valérie Plante et son administration prévoient dévoiler leur nouvelle politique sur la vie nocturne (aussi appelée «politique sur le bruit») qui concerne les bars, les restaurants et les salles de spectacles de la métropole. Toutefois, ce dévoilement est reporté au dernier instant et n’aura lieu, en fin de compte, que le 30 octobre 2024.
La veille de la date prévue du dévoilement, soit le 29 janvier, le journaliste Étienne Fortin-Gauthier, de Noovo Info, se rend au bar District Vidéo Lounge, situé dans le Village sur la rue Sainte-Catherine Est, pour rencontrer le propriétaire de l’établissement, Danny Jobin. Celui-ci explique que la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) le contraint à fermer son établissement pour une période de quatre jours et suspend temporairement son permis d’alcool. M. Jobin affirme aussi avoir été mis à l’amende à maintes reprises en raison de nombreuses plaintes pour bruit déposées auprès de la Ville de Montréal par, selon lui, «un seul voisin». Le plaignant dans ce dossier est un résident du quartier qui a formulé plusieurs plaintes contre le bar.
Principe déontologique applicable
Qualité de l’information: «Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes: c) équilibre: dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence.» [article 9 c) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec]
Le Conseil doit déterminer si le journaliste Étienne Fortin-Gauthier et Noovo Info ont manqué à leur devoir de présenter une juste pondération du point de vue des parties en présence dans le reportage visé par la plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient le grief de manque d’équilibre.
Arguments des parties
Le plaignant, André Saint-Amant, estime que le reportage manque d’équilibre puisque son point de vue et/ou celui d’autres résidents du quartier vivant à proximité du bar n’a pas été présenté. Il soutient : «Le journaliste n’a posé aucune question pour comprendre davantage la situation et a accepté la publication d’une entrevue qui blâme la Ville et un citoyen qui habite près de l’établissement.»
Il poursuit: «Le citoyen [moi-même] représente un groupe de citoyens. […] Le journaliste n’a fait aucun effort de communication pour avoir notre point de vue. […] L’opinion des résidents et la réalité ont été complètement ignorées dans ce cas.»
Le plaignant ajoute: « La plupart du groupe de plaignants est ici [dans le quartier] depuis plus de 10 ans. Le bar a ouvert ses portes il y a [environ] six ans. Pendant deux ans, nous avons essayé de communiquer avec [le propriétaire] sans succès. Nous avons commencé à faire des plaintes à la Ville et au poste 22 il y a environ quatre ans. Le son est tellement fort que ça nous réveille pendant la nuit à chaque fois que la porte s’ouvre. Au début, il [le propriétaire] ne fermait jamais la porte. Le propriétaire refuse de faire ce que la Ville lui demande, soit de poser une deuxième porte (sas) qui absorberait le bruit. Considérant ça, nous avons demandé de l’aide à l’Ombudsman de la Ville, qui confirme que le propriétaire se fout de tout. Suite à tout ça, nous sommes allés à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RAJC) et deux policiers de la moralité se sont présentés et ont conclu que la situation était problématique.»
Les mis en cause, Noovo Info, affirment: «D’abord, il est important de souligner le contexte du reportage. Le but était d’expliquer les détails de la nouvelle politique [de vie] nocturne de la Ville de Montréal. La politique apporte des changements importants à la cohabitation entre bars et citoyens demeurant à proximité. Il s’agit là d’un sujet hautement d’intérêt public ayant suscité de multiples débats au fil des dernières années à travers plusieurs quartiers montréalais.»
Ils expliquent: «Le reportage, qui se veut court, porte d’abord et avant tout sur les changements et conséquences de la politique et non pas sur la genèse d’un conflit larvé entre l’établissement et son voisinage.»
Les mis en cause enchaînent: «Le 29 janvier 2024, notre reporter [Étienne Fortin-Gauthier] obtient en primeur les détails de la politique. Il la parcourt rigoureusement et s’assure d’en valider l’exactitude en interviewant deux élus municipaux: M. Luc Rabouin, membre du comité exécutif de la Ville de Montréal et responsable de l’arrondissement Ville-Marie, de même que Mme Ericka Alneus, membre du comité exécutif et responsable du dossier de la politique de vie nocturne. M. Rabouin confirme au journaliste que la politique vise, entre autres, à éviter des conflits comme celui qui sévit dans son propre arrondissement, autour de l’établissement le District Vidéo Lounge.»
«Le journaliste décide de se rendre à l’établissement dans le but d’en tirer un exemple concret permettant d’incarner les conflits visés par la politique. Une fois sur place, le journaliste constate que le propriétaire, M. Danny Jobin, est en train d’installer de grandes affiches dans les fenêtres de l’établissement. Les affiches indiquent que l’établissement devra fermer ses portes du 29 janvier au 3 février “compte tenu des règlements rigides de la Ville de Montréal et du harcèlement continu d’un citoyen avoisinant.” L’affiche est montrée à l’écran durant quelques secondes dans le cadre du reportage et un lien URL est placé dans le reportage sur le Web pour voir l’entièreté de son message», ajoutent les mis en cause.
Ils poursuivent: «Le propriétaire explique, dans une entrevue à la caméra, le processus ardu de règlement des plaintes et les lacunes qu’il a relevées au fil des ans. Le propriétaire répète dans cette entrevue que son établissement est la cible de plaintes nombreuses depuis sept ans mais elles n’émanent que d’un seul citoyen, selon lui. Ses propos sont diffusés dans le reportage sous forme de citations directes ou lui sont attribuées par le reporter.»
Les mis en cause font valoir: « Par souci de professionnalisme, le journaliste a évité de dévoiler quelconque renseignement nominatif permettant d’identifier le ou les plaignants. De toute façon, il est important de savoir que toute plainte soumise à la Ville de Montréal et/ou à la Régie des alcools, des courses et des jeux est traitée de manière confidentielle. Les autorités s’engagent à protéger l’identité d’un ou de plaignants pour éviter toute forme de représailles. Ainsi, une demande à la RACJ ainsi qu’à la Ville de Montréal n’auraient de toute façon pas pu permettre de confirmer un nombre de plaignants ou leur identité.»
Enfin, les mis en cause concluent: «Qui plus est, soulignons que le journaliste, par le biais d’une source, avait eu vent du nom d’un plaignant dans cette cause précise. Il a tenté de retrouver cette personne. Après avoir sonné à la porte de l’immeuble et avoir tenté de téléphoner, il n’a eu aucune réponse. Or, même sans ce témoignage, le reportage illustrant la politique et ses buts visés pouvait aller de l’avant.»
Analyse du comité des plaintes
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec, explique que le principe d’équilibre consiste à présenter, dans le traitement d’un sujet, une «juste pondération du point de vue des parties en présence». La première étape de l’analyse consiste à établir l’angle de traitement du sujet. En se basant sur cet angle de traitement, il faut ensuite identifier quelles sont les parties en présence, puis si une juste pondération de leurs points de vue a été présentée.
Dans le cas présent, l’angle de traitement choisi par le journaliste est d’illustrer les problèmes liés à l’actuelle politique sur le bruit de la Ville de Montréal en allant sur le terrain afin de présenter un exemple spécifique : le conflit qui oppose le bar District Vidéo Lounge à son voisinage.
En s’entretenant avec la cheffe d’antenne de Noovo Info en préambule au reportage, le journaliste Étienne Fortin-Gauthier met l’accent sur la responsabilité présumée d’un voisin dans cette affaire. Il affirme: «C’est un propriétaire de bar qu’on accuse, là, d’avoir un bar trop bruyant. Mais lui, il dit: c’est injustifié, c’est un voisin qui s’acharne sur nous et qui multiplie les plaintes.» Puis, dans le reportage, le tenancier du bar, Danny Jobin, ajoute: «On a un voisin qui aime pas le bruit, puis il fait des plaintes contre nous depuis sept ans.»
Comme le souligne Noovo Info, on montre également à l’écran, au début du reportage, une affiche placée dans la vitrine du bar sur laquelle on peut lire : «[…] compte tenu des règlements rigides de la Ville de Montréal et le harcèlement d’un citoyen avoisinant, […] le District Vidéo Lounge sera dans l’obligation de fermer ses portes […].» Notons aussi que l’article qui accompagne le reportage vidéo sur le site web de Noovo Info contient un hyperlien qui renvoie à une capture d’écran de cette même affiche sur la page Facebook du District Vidéo Lounge.
À la lumière de ces constatations, il ne fait aucun doute que le «voisin» ou «citoyen avoisinant» (en l’occurrence, André Saint-Amant) dont il est question dans le reportage constitue une partie en présence dans ce conflit qui l’oppose au bar, même s’il n’est pas nommé ou identifié. Dans un conflit, le public ne peut pas avoir un portrait fidèle de la situation s’il n’a que le point de vue d’une des deux parties. Le rôle du journaliste, s’il y a deux points de vue qui s’opposent concernant la même histoire, est de présenter ces points de vue, tout en les mettant à l’épreuve des faits.
Un cas similaire concernant une partie en présence qui n’était pas non plus nommée se retrouve dans la décision antérieure D2017-06-087 (2), où le grief de manque d’équilibre a été retenu. Cette plainte visait un article intitulé Coûteuses chicanes de voisins, dans lequel on dressait un portrait des conflits entre voisins au Québec. Le journaliste y citait en exemple le cas de Claude Marois, qui faisait part de son expérience déplaisante avec sa voisine, la plaignante dans ce dossier. La commission d’appel a statué que «dans un article portant sur les conflits entre voisins, dans lequel sont rapportées les doléances d’une personne qui est citée nommément, le journaliste ne pouvait pas faire l’économie de recueillir la version de la partie adverse, d’autant plus que les propos de ce protagoniste n’étaient pas tendres envers sa voisine. […] L’article est basé sur des faits avancés par un protagoniste, sans que l’autre partie n’ait pu y répondre.»
Maintenant qu’il a été établi que le «voisin», M. Saint-Amant, constituait une partie en présence dont le point de vue était nécessaire, il faut considérer quels moyens le journaliste a pris pour tenter d’atteindre l’équilibre. Cette analyse peut permettre de déterminer que le journaliste a pris les moyens suffisants, dans les circonstances, pour tenter de présenter le point de vue manquant.
Noovo Info décrit, dans sa réplique à la plainte, les moyens pris par le journaliste pour tenter d’obtenir l’équilibre: «Le journaliste, par le biais d’une source, avait eu vent du nom d’un plaignant dans cette cause précise. Il a tenté de retrouver cette personne. Après avoir sonné à la porte de l’immeuble et avoir tenté de téléphoner, il n’a eu aucune réponse». Le journaliste ne fait cependant aucune mention, dans son reportage, des démarches entreprises pour tenter de joindre cette personne. La tentative du journaliste pour contacter le plaignant, passée sous silence dans le reportage, était insuffisante et ne justifiait pas la diffusion d’une seule facette d’une histoire controversée.
Certes, il peut parfois être difficile, voire impossible de joindre une partie en présence dans le cadre d’un reportage. Dans un tel cas, le journaliste peut expliquer la situation au public et tenter d’apporter le point de vue de cette partie d’autres façons. Par exemple, dans le cas présent, en recueillant les témoignages d’autres voisins mécontents habitant à proximité du bar, de manière plus large, ce qui aurait permis de rétablir l’équilibre des points de vue dans ce conflit. Considérant que ni la perspective de M. Saint-Amant ni celle d’autres voisins irrités par le bruit n’est présentée dans le reportage, les téléspectateurs n’ont pas eu accès à une présentation pondérée de la perspective des parties en présence.
S’il était impossible d’obtenir promptement la perspective adverse dans ce conflit, on aurait pu permettre à l’autre partie de s’exprimer plus tard, en lui donnant un droit de réplique, par exemple. Cela n’a pas été fait.
En somme, puisque le plaignant, André Saint-Amant, constituait une partie en présence dans ce reportage portant sur un conflit qui le concerne directement, que ni son point de vue ni celui d’autres voisins mécontents n’a été présenté et que les moyens déployés par le journaliste et le média pour atteindre l’équilibre étaient insuffisants, le grief de manque d’équilibre est retenu.
Principe déontologique applicable
Qualité de l’information: «Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes: a) exactitude: fidélité à la réalité. » [article 9 a) du Guide]
2.1 «Un voisin qui s’acharne sur nous»
Le Conseil doit déterminer si le journaliste Étienne Fortin-Gauthier et Noovo Info ont transmis une information inexacte dans l’extrait suivant de la discussion avec la cheffe d’antenne qui précède le reportage.
«C’est un propriétaire de bar qu’on accuse d’avoir un bar trop bruyant, mais lui, il dit: c’est injustifié, c’est un voisin qui s’acharne sur nous et qui multiplie les plaintes.»
(Citation du journaliste Étienne Fortin-Gauthier à 00:16 dans la vidéo)
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Arguments des parties
Le plaignant considère que la citation retranscrite ci-dessus contient de l’information inexacte. Il soutient qu’il n’est pas le seul voisin à s’être plaint du bruit du bar et qu’il représente un groupe de résidents de l’immeuble situé en face.
Il explique: «La plupart du groupe de plaignants est ici [dans l’immeuble résidentiel situé en face du bar] depuis plus de 10 ans. […] Je demeure ici depuis plus de 14 ans et les résidents que je représente ont demandé au bar de baisser le son des basses, surtout les boum boum [qui] passent dans les murs et le son monte avec les étages dans nos appartements et chambres à coucher. […] En fait, il y a un seul autre plaignant officiel et 16 autres anonymes.»
À titre de preuve qu’il n’est pas le seul plaignant dans l’affaire du bruit causé par le bar District Vidéo Lounge, André Saint-Amant a fait parvenir au Conseil une lettre de l’Ombudsman de Montréal datée du 7 novembre 2023. Cette lettre, qui donne suite à ses démarches auprès de l’Ombudsman pour faire cesser le bruit émanant du bar, lui est adressée personnellement et n’est pas du domaine public. On peut y lire ceci (soulignement du Conseil):
«La présente confirme la fermeture de ce dossier qui a été traité par Mme Anouk Violette, conseillère à l’ombudsman. Il a été regroupé à cette fin avec le dossier similaire d’un autre plaignant résidant dans le même immeuble que vous. Mme Violette vous a informé verbalement de nos conclusions le 1er novembre 2023.»
En plus des commentaires formulés au premier grief, les mis en cause répliquent: «Au final, les extraits et images présentés dans le reportage du journaliste sont conformes à la réalité observée sur le terrain et permettent d’illustrer un cas patent de relations tendues entre un établissement licencié et le voisinage immédiat – ce que vise justement à régler la politique [de vie nocturne] partout sur le territoire montréalais.»
Analyse du comité des plaintes
Avant de se pencher sur l’inexactitude alléguée par le plaignant dans le cadre de ce grief, il convient d’examiner le contenu de la décision du tribunal de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ)1 qui a été rendue le 8 janvier 2024 (préalablement à la diffusion du reportage de Noovo Info) dans l’affaire du District Vidéo Lounge. Au paragraphe 13, la décision mentionne «des plaintes de citoyens», au pluriel (soulignements du Conseil).
« [11] Dans la présente affaire, plusieurs atteintes à la tranquillité publique sont observées par les policiers dans l’établissement de la titulaire pendant plus de trois ans, soit de février 2019 à mai 2022. Ces atteintes se manifestent sous la forme de bruit excessif émanant de l’établissement.
[12] Pendant cette période, le Service de police de la Ville de Montréal reçoit des plaintes pour bruit excessif lors de 25 évènements. À plusieurs occasions, les policiers constatent que le bruit est audible de l’extérieur lorsque la porte avant de l’établissement est ouverte.
[13] Les 8 et 11 mai 2022, des plaintes de citoyens sont transmises à la Régie en raison du bruit provenant de l’établissement.»1
La lettre de l’Ombudsman de Montréal soumise au Conseil par André Saint-Amant et la décision publique de la RACJ concernant le District Vidéo Lounge indiquent clairement l’existence d’au moins un autre plaignant dans cette affaire de bruit excessif. Ainsi, M. Saint-Amant a raison lorsqu’il indique ne pas être l’unique personne à avoir formulé des plaintes officielles à l’endroit du bar.
Quant à l’inexactitude alléguée, le passage visé par le présent grief est tiré d’un court échange entre l’animatrice du bulletin de nouvelles et le journaliste Étienne Fortin-Gauthier précédant la diffusion du reportage. Certes, la phrase qui contient l’information inexacte alléguée est prononcée par le journaliste, mais une nuance importante s’impose ici. Le journaliste paraphrase et résume les propos du propriétaire du bar, Danny Jobin. L’affirmation «c’est un voisin qui s’acharne sur nous et qui multiplie les plaintes» n’est donc pas celle du journaliste. Il s’agit de la perspective de M. Jobin, tel qu’on peut le constater lorsqu’on prend la phrase dans son ensemble. «C’est un propriétaire de bar qu’on accuse d’avoir un bar trop bruyant, mais lui, il dit: c’est injustifié, c’est un voisin qui s’acharne sur nous et qui multiplie les plaintes.»
Cela dit, le propriétaire n’affirme pas qu’un seul voisin s’est plaint du bruit, ce qui aurait été inexact, comme déterminé ci-dessus. Le propriétaire soutient plutôt que c’est un voisin «qui s’acharne sur nous et qui multiplie les plaintes». Le voisin, notre plaignant ici, estime peut-être, quant à lui, qu’il ne s’acharne pas, ou bien qu’il a de bonnes raisons de s’acharner. Impossible pour le public de le savoir puisque le reportage ne présente pas son point de vue. Cependant, en ce qui concerne le nombre de plaignants, il pouvait y en avoir plusieurs, même si le propriétaire estime qu’un seul s’est «acharné».
Compte tenu que le journaliste rapporte le point de vue du propriétaire du bar, et qu’il s’agit de la perspective de M. Jobin, on ne peut conclure à une inexactitude dans le passage «c’est un voisin qui s’acharne sur nous et qui multiplie les plaintes». Le fait de prétendre qu’un seul voisin s’acharne sur cet établissement, ce qui est l’opinion du propriétaire, n’exclut pas la possibilité que d’autres individus aient formulé des plaintes contre le bar. En aucun cas il n’est dit qu’il n’y a qu’une seule personne qui s’est plainte du bruit causé par le bar, mais plutôt qu’une seule personne «s’acharne».
Le cas à l’étude ici comporte des similitudes avec la décision antérieure D2018-09-090, dans laquelle le Conseil a rejeté un grief d’information inexacte en faisant valoir que «les propos reprochés sont tenus par le maire de Gaspé dans une entrevue audio que l’on retrouve dans l’article [en cause]. Le Conseil constate que la journaliste rapporte la réaction du maire qu’elle a recueillie lors de la conférence de presse et que l’information inexacte alléguée par le plaignant est en fait l’opinion du maire. Le Conseil juge que la journaliste ne saurait être tenue responsable de l’interprétation que le maire a faite de la position des militants.»
De la même manière, dans le cas présent, considérant que le journaliste rapporte le point de vue du tenancier du bar, que l’inexactitude alléguée est la perspective de cet homme, et qu’il n’y a aucune preuve qu’il n’y pas eu d’acharnement de la part du plaignant dans ses démarches pour faire cesser le bruit émanant du District Vidéo Lounge, le grief d’information inexacte est rejeté.
2.2 «Un voisin qui n’aime pas le bruit»
Le Conseil doit déterminer si le journaliste Étienne Fortin-Gauthier et Noovo Info ont transmis une information inexacte dans l’extrait suivant du reportage.
«En fait, c’est que, on a un voisin qui aime pas le bruit, pis il fait des plaintes contre nous depuis sept ans.»
(Citation de Danny Jobin, propriétaire du bar District Vidéo Lounge, à 00:40 dans la vidéo)
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Arguments des parties
Le plaignant considère que la citation retranscrite ci-dessus contient de l’information inexacte. Il affirme qu’il n’est pas le seul voisin à s’être plaint du bruit du bar et qu’il représente un groupe de résidents de l’immeuble situé en face.
Il soutient: «La plupart du groupe de plaignants est ici [dans l’immeuble résidentiel situé en face du bar] depuis plus de 10 ans. […] Je demeure ici depuis plus de 14 ans et les résidents que je représente ont demandé au bar de baisser le son des basses, surtout les boum boum [qui] passent dans les murs et le son monte avec les étages dans nos appartements et chambres à coucher. […] En fait, il y a un seul autre plaignant officiel et 16 autres anonymes.»
Outre les remarques formulées aux griefs précédents, les mis en cause n’ont pas fourni d’arguments additionnels.
Analyse du comité des plaintes
Contrairement au grief d’information inexacte précédent, où le journaliste paraphrasait les propos de Danny Jobin, le passage en cause ici est une citation directe du propriétaire du bar District Vidéo Lounge. Toutefois, le même constat s’impose qu’au grief 2.1. Bien que le plaignant, M. Saint-Amant, ait raison de soutenir qu’il n’est pas le seul voisin à s’être plaint du bruit du bar et qu’il en a fourni la preuve, ce n’est pas ce qu’affirme Danny Jobin dans la phrase examinée ici. M. Jobin avance seulement qu’«on a un voisin qui aime pas le bruit», sans prétendre qu’il s’agit de l’unique voisin à avoir formulé des plaintes contre le bar. Considérant qu’il n’existe aucune preuve qu’il est inexact de prétendre que le voisin en question, M. Saint-Amant, «n’aime pas le bruit», le grief d’information inexacte est rejeté. Réitérons cependant qu’il était essentiel que M. Saint-Amant puisse donner sa version des faits dans ce conflit qui le touchait directement, mais cela relève d’un manque d’équilibre dans ce reportage, tel qu’il a été déterminé plus haut, et non d’une information inexacte.
2.3 Des plaintes «depuis sept ans»
Le Conseil doit déterminer si le journaliste Étienne Fortin-Gauthier et Noovo Info ont transmis une information inexacte dans l’extrait suivant du reportage.
«En fait, c’est que, on a un voisin qui aime pas le bruit, pis il fait des plaintes contre nous depuis sept ans.»
(Citation de Danny Jobin, propriétaire du bar District Vidéo Lounge, à 00:40 dans la vidéo)
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Arguments des parties
Le plaignant considère que la citation retranscrite ci-dessus contient de l’information inexacte concernant le nombre d’années depuis lesquelles il «fait des plaintes» à propos du bruit causé par le bar.
Il explique: «Le propriétaire [Danny Jobin] me menace depuis sept ans (insultes de lui-même mais aussi de ses employés), mais les plaintes officielles ont commencé il y a quatre ans. Pendant deux ans, nous avons essayé de communiquer avec [le propriétaire] sans succès. Nous avons commencé à faire des plaintes à la Ville et au poste 22 il y a environ quatre ans.»
Outre les remarques formulées aux griefs précédents, les mis en cause n’ont pas fourni d’arguments additionnels.
Analyse du comité des plaintes
Dans la décision du Tribunal de la RACJ à propos des plaintes pour bruit déposées contre le bar District Vidéo Lounge, qui est datée du 8 janvier 2024 et disponible sur le site Web de la SOQUIJ, on peut lire au paragraphe 11 (voir ci-dessous) que les policiers ont observé des «atteintes à la tranquillité publique» à compter du mois de février 2019. Considérant que le reportage de Noovo Info a été diffusé le 29 janvier 2024, la période encourue entre l’observation des premières «atteintes à la tranquillité publique» par les policiers et la diffusion du reportage est donc d’approximativement cinq ans.
« [11] Dans la présente affaire, plusieurs atteintes à la tranquillité publique sont observées par les policiers dans l’établissement de la titulaire pendant plus de trois ans, soit de février 2019 à mai 2022. Ces atteintes se manifestent sous la forme de bruit excessif émanant de l’établissement.»1
Cependant, dans la phrase visée par le présent grief, lorsqu’il allègue qu’un voisin «fait des plaintes contre nous depuis sept ans», le propriétaire du bar ne précise pas s’il fait référence à des plaintes officielles à la police, à la Ville de Montréal ou à la RACJ. Il parle de plaintes de manière générale, ce qui peut comprendre les occasions où M. Saint-Amant s’est adressé directement au propriétaire ou au personnel du bar, avant de formuler des plaintes officielles. Le concept de plainte n’étant pas circonscrit clairement dans le cas présent, il peut laisser place à l’interprétation. M. Saint-Amant affirme lui-même que le propriétaire du bar le menace et l’insulte « depuis 7 ans », ce qui porte à croire que des plaintes non officielles, adressées directement à M. Jobin ou aux employés du bar, ont pu débuter il y a approximativement sept ans.
Un cas comparable portant sur une formulation qui peut laisser place à l’interprétation a été observé dans le dossier D2021-10-186 (2). Le Conseil a rejeté un grief d’information inexacte qui visait un passage de l’article où la journaliste paraphrasait les propos d’une promotrice. La décision dit: «L’expression “sur le point de commencer” est effectivement un passage paraphrasé attribué à Diane Beaudry, qui exprime sa perception de la situation et du laps de temps qu’il reste avant le début des travaux.» Le Conseil ajoute: «Dans cette expression, le temps est une notion subjective exprimée par la promotrice qui travaille sur son projet depuis plusieurs années. Qu’elle ait eu ou non en sa possession des permis de construction valides le 21 janvier 2021, il est possible que de sa perspective, le début des travaux était imminent, relativement à toutes les années de préparation et d’attente qu’elle a connues. Il s’agit de son point de vue. Puisque la journaliste expose la perspective de la promotrice et qu’il s’agit d’une question d’opinion sur une notion de temps, on ne peut affirmer que l’information rapportée est inexacte.»
Ainsi, considérant que, dans la phrase en cause, le propriétaire du bar ne fait pas mention de «plaintes officielles» mais seulement de plaintes au sens large et que cette formulation peut laisser place à l’interprétation, le grief d’information inexacte est rejeté.
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte d’André Saint-Amant visant le reportage Plainte de bruit : un bar du village doit fermer pendant quatre jours, diffusé le 29 janvier 2024, et blâme le journaliste Étienne Fortin-Gauthier et Noovo Info concernant le grief de manque d’équilibre. D’autre part, le Conseil rejette les griefs d’informations inexactes.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que «lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser». «Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision.» (Règlement 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public
Représentants des journalistes
Représentants des entreprises de presse
1Référence : SOQUIJ, Tribunal de la Régie des alcools, des courses et des jeux « Décision nº 40-0009556 visant 9352-6093 Québec inc. (District Vidéo Lounge) », 8 janvier 2024. Consulté en janvier 2025.