Début du contenu principal.
«Les artistes ne s’en sortent littéralement plus»
Des artistes et travailleurs culturels, qui ont de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts, se sont rassemblés samedi après-midi dans plusieurs municipalités du Québec afin de réclamer une hausse du financement provenant du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ).
C'est sous quelques flocons que près d'une centaine d'entre eux se sont réunis vers 15 h devant les bureaux du ministre de la Culture et des Communications, à Montréal, afin de faire valoir leurs revendications.
Pancartes en main «Un Québec sans culture, un Québec sans futur» ou encore «Moi je veux mourir sur scène, pas voir la scène mourir», ils se sont fait entendre au centre-ville pour expliquer que leur situation n'est plus viable.
«Je fais partie des privilégiés qui arrivent à vivre de leur métier et pourtant j'ai de la misère à me tenir la tête hors de l'eau, a raconté Pierre-Alexis St-Georges, un comédien rencontré pendant la mobilisation. La vie coûte de plus en plus cher et avec des choses qui se passent comme aux États-Unis, on ne s'en sort juste pas».
Actuellement, un artiste peut compter sur un revenu moyen de 17 000 $ par an s'il vit à Montréal et de 13 000 $ par an s'il réside ailleurs dans la province, selon Clément de Gaulejac, un artiste et illustrateur membre de la Grande mobilisation des artistes du Québec (GMAQ).
À VOIR ÉGALEMENT | «C’est assez»: le milieu culturel se mobilise pour réclamer davantage de financement
«Dans un monde où il était possible de vivre de manière peu coûteuse, on s’en sortait à peu près, mais aujourd’hui, avec l’inflation, l’accès au logement, les artistes ne s’en sortent littéralement plus, a-t-il témoigné en entrevue. Le milieu est littéralement en train de s’effondrer, et ce n’est pas juste nous qui le disons, c’est l’ensemble du milieu».
La GMAQ tenait samedi sa quatrième mobilisation depuis que le regroupement a été créé au printemps 2024. Des manifestations simultanées étaient également organisées devant le Musée des beaux-arts de Sherbrooke ainsi que devant le Méduse, à Québec. D'autres mobilisations étaient aussi prévues à Rouyn-Noranda, à Saint-Jean-Port-Joli, en Chaudière-Appalaches, et à Sainte-Rose-du-Nord, au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Les travailleurs culturels de tous horizons — théâtre, danse, cirque, musique, arts visuels ou encore littérature — veulent mettre la pression sur le gouvernement Legault avant le dépôt du budget provincial dans quelques semaines.
Malgré plusieurs rencontres avec le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, ils craignent que le financement actuel de 160 millions $ — qui comporte 60 millions $ de financements d'urgence mis en place pendant la pandémie — soit réduit. Les artistes de la GMAQ réclament donc le doublement du budget pérenne du CALQ, afin qu'il passe de 100 millions $ à 200 millions $.
«Les solutions, il n’y a pas besoin de chercher beaucoup plus loin, il y a besoin de budget supplémentaire pour financer la culture au Québec, qui est en crise complète. Les organismes ferment les uns après les autres, les artistes renoncent à leurs pratiques», a expliqué M. de Gaulejac.
Pour la députée solidaire Manon Massé, présente à la mobilisation montréalaise, il est clair que la situation n'est plus acceptable.
«Je pense que les artistes, le milieu culturel, envoient un signal vraiment très fort au gouvernement du Québec: nous ne sommes plus capables de vivre. Et ça, dans un Québec affaiblit par des tarifs venant du sud, affaiblit par l'insécurité, c'est un Québec qui abandonne sa culture», a-t-elle mentionné.
Sur un plus long terme, la GMAQ aimerait obtenir la création d'un filet social pour les artistes, qui vivent généralement de leur art qu'avec les subventions obtenues pour réaliser leurs projets. En plus de donner vie à leur art, ces subventions pas si simples à obtenir leur permettent aussi de payer leur loyer ou encore leur épicerie.
Doris Bouffard, sculptrice et peintre depuis une quarantaine d'années, peut en témoigner. Elle a déjà fait plusieurs demandes de subvention qu'elle n'a pas obtenues.
«Je me rends compte que la plupart des sculpteurs (...), on a toujours eu d'autres métiers. C'est assez exceptionnel une personne qui arrive à en vivre. Il faut faire beaucoup de projets, donner des cours, mais même ça, ce n'est pas suffisant», a-t-elle avancé.
«Même si on trouve une subvention, elle dure six mois et après ça, il faut trouver une autre source de revenus», a rappelé Sarah A. Tremblay, travailleuse en arts visuels aussi membre de la GMAQ.
Avec leurs mobilisations, le mouvement bénévole espère par-dessus tout pouvoir changer la perception que certaines personnes ont des artistes.
«On veut lutter contre l’idée qu’on a perçu chez les gens qui nous gouvernent que l’art serait comme un "hobby" que l’on fait sur les bras du contribuable», a expliqué M. de Gaulejac.
«Les gens consomment la culture, que ce soit les livres, la musique ou autre, mais on dirait que les gens oublient qui a fait la culture et comment cette personne-là vit. On essaye de changer ce regard que la société a», a ajouté Mme Tremblay.
Le cabinet du ministre de la Culture et des Communications a indiqué par courriel qu'il ne souhaitait pas réagir.