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Le projet de loi consacre un nouveau droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les «régions à forte présence francophone» des autres provinces dans les entreprises privées de compétence fédérale.
Après l'avoir promis durant deux campagnes électorales, les libéraux ont finalement livré tard jeudi soir leur réforme de la Loi sur les langues officielles alors que le projet de loi C-13 a été adopté sans amendement en troisième lecture au Sénat. Il ne lui manque donc plus que la sanction royale pour devenir réalité, ce qui n'est qu'une formalité.
Selon les résultats annoncés à la Chambre haute, 60 sénateurs ont voté en faveur de cette pièce législative dont le titre abrégé est «Loi visant l'égalité réelle entre les langues officielles du Canada», cinq ont voté contre et cinq se sont abstenus.
La pression était forte sur le Sénat pour qu'il boucle ses travaux de façon expéditive après l'adoption de C-13 à la quasi-unanimité des élus à la Chambre des communes, il y a un mois. Tant le gouvernement du Québec que la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) les imploraient de presser le pas et d'adopter le projet de loi tel quel, et ce, avant l'ajournement de la session dans les prochains jours.
L'étude du comité sénatorial qui se penchait sur le projet de loi s'est déroulée si rapidement que ses membres ont franchi toutes les étapes en seulement deux réunions totalisant huit heures. Ils n'ont formulé aucun amendement, seulement des «observations».
Le projet de loi consacre un nouveau droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les «régions à forte présence francophone» des autres provinces dans les entreprises privées de compétence fédérale, comme les banques et les compagnies aériennes ou ferroviaires. Il est désormais aligné sur la Charte de la langue française du Québec.
La pièce législative donne également au commissaire aux langues officielles le pouvoir de donner des ordres aux institutions fédérales et crée un régime de sanctions, mais celles-ci sont limitées à 25 000 $. Aussi, il force la nomination de juges bilingues à la Cour suprême.
La Loi sur les langues officielles est entrée en vigueur il y a plus de 50 ans et sa dernière réforme majeure date de plus de 30 ans. Son bilan est pour le moins mitigé. La proportion de francophones est en déclin au Québec et les minorités francophones du reste du pays ne cessent d'être anglicisées. Bien que le bilinguisme soit à la hausse, c'est presque exclusivement les Québécois qui en sont responsables.
La réforme donnera «du mordant» à la loi, a répété ad nauseam la marraine de C-13 et ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a semblé plutôt sur la même longueur d'onde. Or, les conservateurs ne concèdent à C-13 que «des dents de lait». Le Bloc québécois aussi ne cache pas son insatisfaction et s'est résigné à prendre ce qu'il juge mieux que rien.
Dans ses observations, le comité sénatorial recommande au gouvernement fédéral de mettre sur pied un régime de droits linguistiques «cohérent et clair» pour les voyageurs alors que C-13 applique à l'industrie du transport aérien les notions de «demande importante» et de «forte présence francophone».
En réaction aux «importantes réserves» des communautés anglophones du Québec, les sénateurs suggèrent qu'une «attention particulière» soit accordée aux développements qui touchent ces groupes «sans attendre l'examen de la loi prévu dans 10 ans».
Le comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a pour sa part entendu 130 témoins et tenu 25 réunions. Le parcours du projet de loi y a été semé de tant d'embûches que le premier ministre Justin Trudeau avait été forcé de clarifier dans les derniers mois que ses ministres devront tous voter en faveur de C-13 après que l'un d'eux, le Montréalais Marc Miller, eut dit qu'il se réserve le droit de s'y opposer.
Au sein du caucus libéral, d'autres libéraux représentant des communautés anglophones de la région de Montréal ont mené une charge pour que soit retirée de C-13 toute référence à la Charte de la langue française du Québec. Parmi eux, Marc Garneau (Notre-Dame-de-Grâce–Westmount), Emmanuella Lambropoulos (Saint-Laurent) et Anthony Housefather (Mont-Royal).
Leur collègue franco-ontarien Francis Drouin leur a alors reproché publiquement de faire un «show de boucane honteux» et le Bloc québécois les a dépeints comme les acteurs du «West Island Story», voulant défendre leurs propres intérêts, quitte à sacrifier ceux des minorités francophones.
Les trois partis d’opposition, qui détiennent la majorité au comité, avaient indiqué qu’ils appuieraient un amendement qui assujettirait les entreprises privées de compétence fédérale en sol québécois à la Charte de la langue française du Québec plutôt que de donner le choix entre cette dernière et la Loi sur les langues officielles, forçant ainsi la main au gouvernement Trudeau.
Les libéraux, acculés au pied du mur, ont alors trouvé un compromis avec le gouvernement du Québec et amendé C-13 à la dernière minute de sorte à copier dans la loi fédérale de grands pans de la Charte de la langue française. Les partis d'opposition se sont alors ralliés et ont renoncé à leur amendement.
La fronde libérale ne s'est finalement pas concrétisée au moment ultime. Le député Housefather a été le seul député de toute la Chambre des communes à voter contre le projet de loi à l'étape de la troisième lecture. M. Garneau a pour sa part quitté la vie politique en niant que sa position sur C-13 ait joué un rôle dans sa décision.