Début du contenu principal.
«Postes Canada perd de l'argent en ce moment.»
Postes Canada est à deux doigts de la mort et ne survivra pas si elle ne transforme pas radicalement ses activités, prévient un professeur qui a étudié la société d'État, alors que la grève nationale des postiers s'éternise.
«Postes Canada perd de l'argent en ce moment. Elle perdra encore plus d'argent l'année prochaine et encore plus l'année suivante. Et ce qu'ils ne comprennent pas, c'est qu'ils sont au bord de la faillite », a soutenu Ian Lee, professeur associé à la Sprott School of Business de l'Université Carleton, lors d'un entretien vidéo avec CTVNews.ca lundi.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
Postes Canada n'a pas d'autre choix que de se transformer en un service de messagerie de colis postaux, selon M. Lee. Ce dernier est d'accord avec la proposition récemment annoncée par la société d'État de livrer des colis sept jours par semaine.
Si les habitants des zones rurales et les petites entreprises dépendent davantage de Postes Canada, la plupart des Canadiens vivent dans des villes et utilisent des moyens de communication électroniques plutôt que des lettres écrites, a expliqué M. Lee. En outre, un nombre croissant d'entreprises se tournent vers le numérique, a-t-il ajouté.
Le PDG de Postes Canada , Doug Ettinger, a laissé entendre lors de l'assemblée générale annuelle de la société d'État, en août, que les activités actuelles n'étaient pas viables. En près de vingt ans, Postes Canada est passée de 5,5 milliards de lettres par an à environ deux milliards aujourd'hui, a expliqué M. Ettinger.
Dans un contexte de difficultés financières croissantes et d'inquiétudes quant à l'avenir de Postes Canada, une grève des employés a interrompu les services à l'échelle nationale depuis vendredi, alors que les négociations se poursuivent entre la société d'État et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) en vue de la conclusion de nouvelles conventions collectives.
M. Lee, qui a rédigé un rapport en 2015 sur la société d'État, a précisé que les volumes de courrier ont considérablement diminué dans le contexte de la numérisation de l'économie.
Dans le rapport qu'il a rédigé pour l'Institut Macdonald-Laurier, un groupe de réflexion non partisan, il affirme que Postes Canada devrait, pour survivre, s'éloigner de son activité principale, à savoir la poste aux lettres, et devenir un service de colis postaux qui s'associe au commerce électronique.
À VOIR AUSSI | Grève chez Postes Canada : l’employeur souhaite un médiateur spécial
Il a fait cette recommandation au gouvernement et à Postes Canada, mais ceux-ci l'ont rejetée.
«Ils ont dit : "Non, tout va bien, tout va bien. Nous allons nous contenter de la poste aux lettres"», a-t-il dit, en soulignant que la numérisation de la société n'a fait que s'accélérer depuis. «Le courrier a donc continué à décliner. Aujourd'hui, Postes Canada se rend enfin compte qu'elle se trouve à l'article de la mort.»
Postes Canada avait une activité de messagerie de colis, mais elle ne cherche pas sérieusement à la rendre plus fructueuse, a-t-il suggéré.
Dans le cadre de ses recherches, M. Lee a constaté que les entreprises de commerce électronique cessent de faire affaire avec Postes Canada pour travailler avec des gig players, c'est-à-dire de petits entrepreneurs.
«La seule façon pour elles de survivre est de devenir compétitives, ce qui implique de travailler les week-ends et de livrer des colis», a expliqué M. Lee. «S'ils ne le font pas, leurs revenus continueront à diminuer.»
Les propositions de Postes Canada, y compris les augmentations de salaire et le nouveau modèle de livraison, semblent «raisonnables» parce que la société d'État perd beaucoup d'argent, selon Bruce Winder, un expert en commerce qui s'intéresse aux tendances de la vente au détail et aux meilleures pratiques de l'industrie. M. Winder est également analyste et conseiller auprès de clients des secteurs de la vente au détail, des services et de la fabrication.
«C'est comme un bateau qui va dans la mauvaise direction. Comment le redresser pour qu'il devienne rentable?» a-t-il demandé lors d'un entretien téléphonique avec CTVNews.ca mardi. «Ils doivent essayer quelque chose de différent (et) demander au syndicat de les suivre. S'ils ne changent pas, ils risquent de ne plus exister dans trois à cinq ans».
À VOIR AUSSI | Grève chez Postes Canada : «Les partys de Noël, c’est là», lance une entrepreneure de Chicoutimi
En étendant les livraisons à sept jours par semaine, Postes Canada peut être plus compétitive par rapport aux entreprises de messagerie, a ajouté M. Winder.
La société d'État peut essayer de réduire ses coûts, d'accroître ses revenus en augmentant ses services, d'augmenter ses prix dans certains cas et éventuellement d'automatiser certaines installations, a-t-il suggéré.
Mais l'un ou l'autre de ces changements, ou une combinaison de ces changements, pourrait avoir un effet inattendu, comme la modification des horaires des travailleurs et l'abandon de la société par les petites entreprises au profit de concurrents qui pourraient proposer des prix plus bas, a avancé M. Winder.
Pendant la grève nationale, Postes Canada a présenté des propositions pour remédier à ses difficultés financières et aux préoccupations des employés.
Même avec des pertes dépassant les 3 milliards de dollars depuis 2018, Postes Canada a déclaré qu'elle proposait des offres pour protéger et améliorer ce qui est important pour ses employés. La société a proposé des augmentations salariales de 11,5 pour cent sur quatre ans et des congés payés supplémentaires tout en protégeant les dispositions relatives aux régimes de retraite à prestations déterminées et à la sécurité d'emploi, selon la porte-parole de Postes Canada, Lisa Liu, dans un courriel envoyé à CTVNews.ca lundi.
Cependant, M. Lee estime que les demandes des employés pour de meilleures conditions de travail, de meilleures pensions et de meilleurs salaires aggraveront le déficit de Postes Canada et accéléreront le déclin de l'entreprise.
La société d'État a reconnu la nécessité de mieux se positionner pour l'avenir en adoptant un nouveau modèle de livraison et en développant ses activités de transport de colis. Elle propose une livraison des colis sept jours sur sept, une tarification plus compétitive et « d'autres améliorations importantes ».
«Ce nouveau modèle de livraison est essentiel pour l'avenir de l'entreprise et pour que nous puissions nous permettre de faire des offres», a mentionné Mme Liu dans un courriel envoyé à CTVNews.ca.
Postes Canada a refusé de fournir plus d'informations sur ses propositions.
«Nous avons exposé nos propositions au STTP à la table, mais nous ne pourrons pas entrer dans les détails par respect pour le processus de négociation», a ajouté Mme Liu.
Le STTP n'a pas répondu aux demandes de commentaires de CTVNews.ca sur les propositions.
M. Lee prédit que le prochain gouvernement, quel que soit le vainqueur des prochaines élections fédérales, imposera des changements radicaux à Postes Canada.
«Je prédis qu'il y aura de très importantes réductions d'effectifs, de très importants licenciements», a conclu Ian Lee. « Postes Canada n'est pas viable dans sa structure actuelle.