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Économie

La liquidation de tous les magasins de La Baie d’Hudson pourrait débuter dès mardi

Cela pourrait durer jusqu'à 12 semaines.

Reportage vidéo :
Tara Deschamps
Texte :
Tara Deschamps / La Presse canadienne

La Baie d’Hudson a passé la journée de lundi au tribunal afin d'obtenir l’autorisation de commencer la liquidation de tous ses magasins dès mardi, tout en gardant l’espoir de trouver une bouée de sauvetage. 

Mais un juge a suspendu toute décision pour l’instant, le temps d’examiner le dossier de la compagnie.

Voyez le reportage de Lila Mouch dans la vidéo ci-haut.

Les avocats du détaillant en difficulté ont demandé lundi au juge Peter Osborne de la Cour supérieure de l’Ontario d'autoriser la liquidation qui concernerait 80 magasins ainsi que 3 magasins Saks Fifth Avenue et 13 magasins Saks Off 5th au Canada, que la compagnie détient en vertu d’un accord de licence.

Le processus proposé par La Baie d’Hudson permettrait au détaillant de soustraire certains magasins à la liquidation, s’il trouve un financement suffisant durant les 10 à 12 semaines pendant lesquelles l’avocat Ashley Taylor prévoit que l’entreprise se débarrassera de ses stocks.

Le juge Osborne s'est abstenu de prendre une décision sur la question de la liquidation lundi, expliquant qu'il souhaitait avoir plus de temps pour digérer certaines des questions soulevées par les avocats représentant l'entreprise, les financiers et les propriétaires. 

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«Le moins que l’on puisse dire, c’est que la journée a été longue et que la nuit va l’être tout autant», a-t-il déclaré avant d’ajourner la séance.

L’événement a attiré tant d’avocats, de médias et d’observateurs qu’une autre salle a dû être ouverte pour permettre aux personnes présentes d’entendre ce qu'il adviendrait de ce détaillant dont l’histoire remonte à 1670, à l’époque de la traite des fourrures.

L’audience visait à faire avancer la procédure de protection contre ses créanciers engagée par La Baie d’Hudson le 7 mars, après avoir admis éprouver des difficultés financières en raison de la faiblesse des dépenses de consommation, des tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis et de la baisse de l’achalandage des magasins des centres-villes après la pandémie.

La Baie d’Hudson a déclaré que la situation était devenue si grave qu’elle avait reporté certains paiements aux propriétaires, aux prestataires de services et aux fournisseurs et qu’elle était à deux doigts de ne plus être en mesure de respecter ses obligations salariales.

Alors que l’entreprise était en difficulté, un propriétaire a illégalement fermé à clé un magasin de La Baie d’Hudson à Sydney, en Nouvelle-Écosse, et une équipe d’huissiers a tenté de saisir la marchandise d’un magasin qu’elle exploite au centre commercial Sherway Gardens, à Etobicoke, en Ontario, a précisé Jennifer Bewley, directrice financière de la société mère de La Baie d’Hudson, dans un document déposé au tribunal.

Des efforts qui échouent

Lorsque l’entreprise a demandé la protection contre ses créanciers, l’avocat de La Baie d’Hudson, M. Taylor, a expliqué que le plan du détaillant consistait à se restructurer en liquidant la moitié de ses magasins et en monnayant certains des baux qu’elle détient, généralement dans des locaux bien placés et très fréquentés.

Ce plan devait être mis en œuvre dans le cadre d’un financement du débiteur-exploitant, que les prêteurs mettent à la disposition des entreprises en difficulté pour les aider à se restructurer.

M. Taylor a indiqué qu’avant l’audience du 7 mars, l'entreprise avait deux prêteurs intéressés par ce financement, mais que, trois heures avant son début, le financement du prétendant choisi «s'est effondré» et que le détaillant a «fait des pieds et des mains» pour trouver une solution de rechange.

Cette solution s’est présentée sous la forme d’engagements de financement de 16 millions $ de la part de la société de gestion d’investissement américaine Restore Capital et d’autres prêteurs, un montant porté à 23 millions $ peu après.

Malgré ce coup de pouce, ces engagements n’ont pas suffi à répondre à tous les besoins de La Baie d’Hudson, ce qui a contraint l’entreprise à redoubler d’efforts pour trouver davantage de liquidités, a expliqué M. Taylor.

Depuis, l’entreprise a contacté au moins 19 prêteurs potentiels et grands propriétaires susceptibles de lui offrir des réductions de loyer.

«À ce jour, les efforts de l’entreprise ont échoué», a témoigné M. Taylor au tribunal lundi, expliquant pourquoi elle devait procéder à sa liquidation.

Le juge Osborne semblait craindre que permettre à l’entreprise de liquider ses actifs et de trouver des acquéreurs — une autre demande de La Baie d’Hudson — ne laisse au détaillant peu de marge de manœuvre pour se restructurer, et encore moins pour survivre.

«Je veux m’assurer que nous n’avons pas vendu les joyaux de la couronne… afin de rendre toute meilleure issue impossible», a-t-il déclaré.

En magasin et en ligne

La liquidation demandée par La Baie d’Hudson concernera l’ensemble de l’entreprise, l’Ontario étant la province plus touchée, car l’entreprise y compte 32 établissements et plus de la moitié de ses employés y travaillent. La Colombie-Britannique accueille 16 magasins, l’Alberta et le Québec en ont chacun 13, et le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan en comptent 2 par province.

Les établissements canadiens de Saks Fifth Avenue sont répartis entre l’Ontario et l’Alberta, tandis que Saks Off 5th possède des magasins en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec et au Manitoba.

Elizabeth Pillon, une autre avocate représentant La Baie d’Hudson, a précisé que l’entreprise disposait actuellement d’environ 315 millions $ de stocks et que la liquidation proposée s’étendrait à ses activités de commerce électronique, qui se poursuivront jusqu’à ce que son centre de distribution de Scarborough, en Ontario, soit vide.

La liquidation a été contestée par Andrew Hatnay, avocat représentant les employés, qui a souligné que la liquidation progressive de La Baie d’Hudson constituerait l’un des plus importants licenciements collectifs au pays depuis la faillite de Sears Canada.

Il a demandé au tribunal de reporter la liquidation d’une semaine, affirmant qu’«une fois la liquidation commencée, elle deviendra une prophétie autoréalisatrice», car, une fois que les clients se seront précipités pour acheter tous les stocks, La Baie d’Hudson se retrouvera avec si peu d’options pour aller de l’avant que «l’entreprise sera condamnée».

«Laisser cette liquidation démarrer quasi instantanément scelle son sort», a-t-il martelé.

Le plan actuel de La Baie d’Hudson prévoit que le grand magasin n’acceptera plus de cartes-cadeaux après le 6 avril. L’entreprise a déjà interrompu son programme de fidélisation, qui compte 8,2 millions de membres canadiens et environ 58,5 millions $ en points inutilisés.

En quittant le tribunal après l’audience, M. Hatnay a déclaré à La Presse Canadienne qu’il pensait qu’il y avait «un meilleur potentiel après aujourd’hui pour ouvrir une possibilité de restructuration», et il croise les doigts pour les travailleurs.

Il a ajouté que le juge avait une «tâche difficile» à accomplir en examinant les diverses questions présentées par les avocats ce jour-là, mais, comme le juge Osborne est connu pour être un «travailleur rapide» et qu’il comprend l’urgence de ces questions, il s’attend à ce qu'il rende sa décision rapidement.

Et les célèbres rayures?

La Baie d’Hudson sollicite également l’autorisation de lancer un processus de recherche d’acheteur pour une partie ou la totalité de ses propriétés ou de l’entreprise.

Ce processus permettrait aux acheteurs potentiels de faire une offre pour certains baux de l’entreprise ou simplement pour des propriétés intellectuelles, comme la marque La Baie d’Hudson ou les droits sur ses célèbres rayures.

L’entreprise continuera également à solliciter des financements. M. Taylor a promis de «ratisser le plus large possible» et de chercher des fonds «partout où nous le pourrons». Cependant, certains experts estiment que trouver un bailleur de fonds ne sera pas chose aisée pour une entreprise qui a déjà rencontré des difficultés, même sur des points «simples», comme le maintien en service des escaliers mécaniques.

«C’est un défi majeur, sans aucun doute assorti de conditions importantes», a commenté Lanita Layton, consultante en luxe et commerce de détail et ancienne vice-présidente de Holt Renfrew, dans un courriel.

«Selon qui, si quelqu’un apporte le financement, je ne prévois pas que La Baie d’Hudson poursuive sous cette forme.»

Elle a ajouté que la perspective la plus logique pour La Baie d’Hudson sera de réduire l’entreprise à une «taille gérable » en exploitant un nombre plus restreint de magasins plus «propices aux désirs des clients d’aujourd’hui», qui comprennent une gamme de produits unique, des possibilités expérientielles, des visuels attrayants et un excellent service à la clientèle.

Reportage vidéo :
Tara Deschamps
Texte :
Tara Deschamps / La Presse canadienne