Début du contenu principal.
Jacques Côté a été tué en 2022 à Lac-Saint-Charles par un voisin souffrant de troubles mentaux.
La coroner Géhane Kamel, mandatée pour faire la lumière sur le décès de Jacques Côté - survenu en avril 2022 à Lac-Saint-Charles à la suite d’une attaque par une personne connue pour des troubles de santé mentale - estime que le Québec est prêt pour une révision législative en santé mentale et qu'il faut agir vite.
Voyez le reportage de Caroline Dumont dans la vidéo liée à l'article.
Dans son rapport publié jeudi, Mme Kamel indique que l'enquête publique concernant le décès de M. Côté a été la troisième enquête à être menée en moins de deux ans sur le thème de la prise en charge d'une personne dont l'état mental est perturbé.
L'une des deux autres enquêtes citées par la coroner est celle liée au décès de la policière de la Sûreté du Québec, Maureen Breau, tuée par un homme vivant avec des troubles mentaux alors qu'elle était en service, en mars 2023 à Louiseville.
«Les mêmes constats ont été soulevés pour chacune d’entre elles [chacune des enquêtes NDLR]. Bien que non déposées en preuve, on ne peut rester insensibles aux correspondances reçues en cours d’enquête de familles, qui au quotidien, vivent des situations similaires avec un proche aux prises avec un problème de santé mentale. Les personnes elles-mêmes, qui en sont affectées, sont également stigmatisées. Ce qui est contreproductif si notre objectif est de soutenir la personne et ses proches à demander de l’aide», explique la coroner Kamel.
«Combien de Jacques Côté devront mourir avant de se dire que nous sommes arrivés à un moment charnière pour agir?»
Me Kamel écrit dans son rapport qu'elle ose croire qu'un décès pourrait être évité «si la population avait la possibilité d'agir en amont, de se référer à un psychiatre ou à intervenant et avoir des ressources facilement accessibles lorsqu'un proche est en perte de contrôle».
En ce sens, la coroner croit qu'il est «impératif» de renforcer la clarté et l’efficacité du système juridique en santé mentale au Québec, pour mieux protéger les personnes dont l’état mental est perturbé et leur garantir des soins adaptés.
«Les réformes doivent être soutenues par une collaboration étroite entre nos décideurs, les professionnels de la santé, le système de justice, les familles, les usagers et les organismes communautaires afin d’offrir un système soutenant, humain et plus efficace pour tous», recommande-t-elle.
Me Kamel insiste d'ailleurs pour dire que c'est toute la communauté qui a un rôle à jouer pour soutenir la santé mentale au Québec. «On ne peut pas tout simplement fermer les yeux sur ce qui se passe autour de nous en se disant que cela ne nous regarde pas ou que c’est le rôle des institutions de prendre en charge», écrit-elle.
«Chacun de nous doit se soucier de cet autre, qui est parfois un collègue, un ami ou encore un voisin.»
La coroner Géhane Kamel adresse neuf recommandations dans son rapport sur le décès de Jacques Côté.
Elle recommande notamment au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) de veiller à ce que les travaux confiés à l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ), qui a le mandat de se pencher sur la révision du cadre juridique entourant le partage des renseignements protégés par la confidentialité et le secret professionnel entre les différents acteurs, soient complétés en 2025 et que la révision ainsi obtenue soit adoptée d'ici 2026.
À voir | Santé mentale: ces jeunes Québécois qui n'ont plus peur de s'ouvrir en 2025
Me Kamel demande aussi au MSSS d'accentuer et de mettre en place des interventions en prévention par les équipes psychosociales en collaboration avec les corps policiers «pour éviter une surjudiciarisation des personnes dont l’état mental est perturbé» et de former les cliniciens à l’obligation d’accompagnement et d’implication des proches lors de la prise en charge d’une personne ayant un état mental perturbé.
La coroner recommande également à Santé Québec de s'assurer de la conclusion d’ententes de collaboration avec des services d’aide en situation de crise (SASC) pour l’ensemble du territoire de la Capitale-Nationale permettant d’offrir le soutien de nature psychosociale requis par les policiers lors de leurs interventions et recommande, du coup, au Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) de s'assurer de communiquer et demander l’assistance, le cas échéant, d’un intervenant social d’un service d’aide en situation de crise lors d’une intervention impliquant une personne dont l’état mental est perturbé.
Jacques Côté, père de trois enfants, est décédé le 6 avril 2022 alors qu'il tentait de venir en aide à son voisin, Kim Lebel.
Au moment du drame, M. Lebel était agité et avait brisé la fenêtre d'une voiture avec un grattoir à longue manche. M. Côté a tenté de s'approcher de lui, visiblement pour le calmer, mais son voisin lui assène plusieurs coups. Jacques Côté est ensuite tombé au sol. Son agresseur continue de le frapper à la tête.
D'autres voisins ont été alertés par des cris et 12 appels au 911 ont été faits. Des policiers du Service de police de la Ville de Québec arrivent sur les lieux dans les minutes suivant les appels d'urgence et procèdent à l'arrestation de Kim Lebel. Le décès de Jacques Côté est constaté sur place.
À voir | Des policiers témoignent à l'enquête publique sur le décès de Jacques Côté
Des accusations ont été portées contre Kim Lebel. L'homme a été reconnu non criminellement responsable et déclaré à haut risque par la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM).
Selon l'enquête policière et l'enquête du coroner Kamel, Kim Lebel fait l’objet d’un suivi médical en psychiatrie depuis une quinzaine d’années. Il a été hospitalisé en psychiatrie pour une première fois en 2008 alors qu'il n'avait que 16 ans.
Quelques jours avant le décès de M. Côté, deux agents du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) avaient visité M. Lebel, mais n’avaient pas jugé bon d’intervenir.
Au matin du 6 avril, les parents de M. Lebel avaient obtenu une ordonnance du tribunal pour un examen psychiatrique. À midi, les parents étaient allés dans un bureau du SPVQ, ordonnance en main, pour réclamer une intervention d’urgence, mais la réponse a tardé.
Les policiers ne sont arrivés sur les lieux qu’en fin d’après-midi, à la suite de l'attaque, ce qu'à déploré les parents de Kim Lebel.
Avec des informations d'Alex Sauro, Noovo Info