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Société
Chronique |

Taylor Swift et la misère des gens riches et célèbres

J’ai eu envie de m’exprimer sur le mégaphénomène qu’elle est devenue au fil des ans.

Ça va sans doute étonner ou décevoir, mais autant j’ai de l’empathie pour les personnes les plus marginalisées de notre société, autant je suis née avec la faculté d’en avoir pour des personnalités publiques de renom. 

L’idée ici n’est pas de mettre en équivalence des choses qui n’en ont pas, mais force est d’admettre que ma curiosité envers tous les êtres humains prend toujours le dessus.

À l’occasion de la venue de la chanteuse Taylor Swift au Canada pour une série de six concerts, j’ai eu envie de m’exprimer sur le mégaphénomène qu’elle est devenue au fil des ans, le culte de la célébrité et surtout le coût personnel de la notoriété.

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Cela est d’autant plus pertinent considérant que les chanteuses pop sont rarement considérées comme des autrices-compositrices-interprètes à part entière, même lorsqu’elles écrivent leurs propres chansons.

Les poètes torturés et la cage dorée de la célébrité

C’est difficile à concevoir pour le commun des mortels, mais être admirée et entourée de gens, à toute heure du jour et de la nuit, peut provoquer un sentiment d’aliénation. Combien y a-t-il d’entrevues de vedettes où la métaphore de la cage dorée est évoquée sous une forme ou une autre? Le titre du onzième et dernier album de Swift, The Tortured Poets Department, évoque cette ambivalence face à la notoriété.

En 2014, dans une entrevue réalisée avec la regrettée animatrice Barbara Walters pour le réseau ABC News, la chanteuse affirmera :

«La chose la plus anormale à propos de ma vie est de voir des foules qui se former partout où je vais. Absolument partout. Et lorsque ça se produit, je dois avoir des agents de sécurité avec moi partout où je vais. Et soudainement, je réalise que je n’ai pas été seule, véritablement, depuis cinq ans.»

En 2023, Swift a été sacrée Personnalité de l’année par le Magazine TIME. La même année, elle s’est séparée de son partenaire des six dernières années, Joe Alwyn. La chanson I Can Do It With A Broken Heart évoque cette rupture. Swift était alors en plein cœur de sa tournée, The Eras Tour, qui s’arrêtera à Toronto cette semaine, l’une des tournées les plus lucratives de l’histoire de la musique.

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Le mythe de Cassandre et l’envers de la médaille

Sur The Tortured Poets Department, la pièce Cassandra, la seule qui m’a touchée sur ce dernier opus, fait écho au mythe de Cassandre ; l’histoire d’une prophétesse maudite qui tente d’avertir tout le monde d’un danger imminent sans que quiconque la prenne au sérieux.

Bien que la chanteuse ne s’exprime jamais sur les personnes qui lui inspirent ses chansons, il est difficile de ne pas y voir une référence directe à ses déboires avec le rappeur Kanye West et son ex-femme Kim Kardashian. Ou à la saga qui l’oppose à son ancienne maison de disque, Big Machine Records. Pour pouvoir retrouver la maternité de ses six premiers albums — et, ultimement, de son art, Swift a fait le choix de les réenregistrer avec l’appellation «Taylor’s Version» pour les distinguer des versions dont elle a été dépossédée.

Au Québec, le culte de la célébrité n’est pas le même que chez nos voisins du Sud. Fort heureusement, on semble avoir une certaine pudeur face aux personnalités publiques. Néanmoins, l’argent et le pouvoir révèlent la véritable nature de l’être humain. Pensons aux Lavigueur, cette famille du quartier populaire de Centre-Sud à Montréal qui a marqué l’imaginaire collectif après avoir remporté un gros lot historique de Loto-Québec de près de 8 millions de dollars en 1986. L’une des membres de la famille a poursuivi son père en justice pour avoir sa part du magot.

Autre exemple : au début des années 2000, en pleines tensions au sein du groupe Destiny’s Child, Beyoncé a dû rompre avec son amoureux de longue date. Il admettra plus tard que le succès de la chanteuse faisait en sorte qu’il ne se sentait plus à la hauteur à ses côtés. La chanteuse sera en dépression pendant deux ans, convaincue que personne ne pourra jamais l’aimer. Son état est si grave qu’elle est alitée et refusera parfois de s’alimenter. Beyoncé expliquera avoir craint de raconter cette phase sombre de sa vie parce que les Destiny’s Child venaient de remporter leur premier prix Grammy.

«Champagne problems» et la course aux oppressions

On peut être certainement privilégié en raison de sa classe sociale, de sa couleur de peau ou encore de son genre. Or, ce n’est pas parce qu’une personne détient des privilèges que la douleur qu’elle peut exprimer n’est pas réelle.

Pensons à toutes ces vedettes qui développent des problèmes de santé mentale, de toxicomanie ou qui finissent carrément par s’enlever la vie. Le club des 27, cette fameuse liste de musiciens tous décédés à l’âge de 27 ans, parmi lesquels on retrouve le chanteur du groupe Nirvana, Kurt Cobain, le guitariste Jimi Hendrix et, plus récemment, la chanteuse Amy Winehouse, en est un éloquent exemple.

En 2021, le prince Harry, en compagnie de sa femme Meghan Markle, a réalisé une entrevue intimiste avec l’animatrice Oprah Winfrey. Markle s’est exprimée sur les idéations suicidaires qu’elle a eues pendant sa grossesse en raison du harcèlement qu’elle subissait par la presse britannique. Beaucoup de gens se sont moqués d’elle en la qualifiant de «princesse dans un château». Pourtant, parler de la période la plus sombre de sa vie en public en sachant pertinemment qu’une meute nous attend au premier faux pas est une preuve incommensurable de la force de caractère de Meghan Markle.

Être en haut d’un podium signifie se distinguer du commun des mortels. Il y a un coût à ça, même s’il n’est pas monétaire. On aura beau avoir tous les avantages matériels du monde, ça ne garantit pas le bonheur. L’ascension professionnelle d’une personne transforme le rapport qu’elle entretient avec elle-même et les autres. Et c’est toujours pour le meilleur et pour le pire.

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