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«Depuis le début de ce procès, j’essaie de comprendre pourquoi, socialement, nous avons le désir de lyncher des gens sur la place publique».
Si vous passez votre temps sur les réseaux sociaux (comme moi), on en fait mention partout. Il n’y a pas une journée qui passe sans que ça se retrouve dans les stories des personnes que je suis, dans mon fil de nouvelles Twitter et celui de TikTok alors que je veux simplement me faire le vide après une longue journée. Malheureusement, je n’échappe pas à ses griffes, je me retrouve à être bombardée.
De quoi je parle ?
Du procès de Johnny Depp et Amber Heard. Se déroulant en direct sur YouTube, le procès est un spectacle juridique impressionnant. D’un côté, il y a Johnny Depp, acteur connu qui poursuit son ex-femme pour diffamation et de l’autre, on retrouve Amber Heard, actrice et ex-femme de Depp, qui l’accuse de violence conjugale. Je n’ai pas envie de parler du procès ni de leur relation. Je n’ai pas envie de parler de la situation.
Ceci dit, depuis le début du procès, les réseaux sociaux s’emballent. Des personnes comme vous et moi se retrouvent à donner leur opinion, mais aussi à livrer une guerre sans précédent aux personnes qui sont impliquées dans cette histoire. Tout le monde a son opinion et tout le monde le fait savoir à coups de violent lynchage public.
Chaque jour, les mots-clics #DeppVSHeard ressortent dans les tendances sur Twitter. Sur TikTok, c’est #JusticeforJohnnyDepp qui est partout. À travers ceux-ci, on retrouve des fans, un public qui est activement impliqué à prouver l’innocence des deux stars. Cela dit, un seul des deux groupes s'impose véritablement : celui des fans de Johnny Depp.
Voyez-vous, depuis le début, les fans de Johnny Depp sont excessivement impliqués. Prêts à tout pour prouver son innocence pour un amour d’adolescence. À coups de montages, de TikTok d’une minute, ils prennent le temps de mettre les réactions d’Amber Heard sous la loupe, sans contexte. Ils analysent chacun de ses témoignages, prêts à tout pour trouver une faille qui prouvera que Depp n’est que la victime d’une campagne de salissage.
Les marques s’en mêlent même et surfent sur la vague populaire que gagne le procès. Tous les coups sont permis, même les plus bas. On se retrouve à assister au pire des réseaux sociaux.
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Depuis quand un procès se doit d’être une télé-réalité ? Jamais un tel procès n’aurait dû être diffusé en direct. Jamais n’aurait-on dû laisser aux fans le plaisir de s’approprier et de créer l’histoire en direct sur TikTok. Nous laissons passer le tout parce qu’il s’agit de personnalités publiques sans même se demander s’il y a un impact sur les autres. On ferme les yeux et on passe à autre chose.
Depuis le début de ce procès, j’essaie de comprendre pourquoi, socialement, nous avons le désir de lyncher des gens sur la place publique sans contexte. Pourquoi aimons-nous tant faire preuve de voyeurisme ? Il y a quelque chose de malsain dans le traitement de cette histoire.
J’ai l’impression de retourner en arrière souvent lorsque je vois les publications. J’ai l’impression qu’on est sur la place publique et qu’on accuse sans preuve. C’est une chasse aux sorcières 2.0 qui cherche quelqu’un à sacrifier au nom d’une fausse moralité.
La justice ne peut pas être laissée entre les mains de la place publique. Ça ne sert à rien. Surtout dans des cas comme celui-ci alors qu'il est question de violence conjugale, de dépendance, de problèmes plus profonds que seulement un simple procès en diffamation. Il s’agit de vies complexes qui ont été très sérieusement affectées par des circonstances difficiles, compliquées.
Voyez l’avocate Sophie Gagnon faire le point sur ce procès au bulletin Noovo Le Fil 22 la semaine dernière:
Amber Heard et Johnny Depp ont chacun leurs torts, cela a déjà été prouvé dans un autre procès en Grande-Bretagne auparavant. Mais le cirque médiatique qu’est devenu le procès actuel aux États-Unis n’a plus rien à voir avec un procès équitable. Le tout est rendu une télé-réalité acrimonieuse dans laquelle on se plaît à voir la misère et le pire de deux acteurs.
Ce qui m’inquiète, ce sont les conséquences sociales que le procès aura. Parce qu’au-delà de cet ignoble cirque médiatique, il y a des conséquences réelles sur notre perception des femmes et de la violence en général. Dans une précédente chronique, je disais que les femmes sont laissées à elles-mêmes face au comportement de l’industrie culturelle face aux hommes accusés de violence conjugale.
Dans ce cas-ci, c’est encore pire. Heard se retrouve dans une situation difficile face à son ex-conjoint, à devoir témoigner contre lui dans la même salle et à devoir raconter des histoires d’abus sordides. Personne ne devrait avoir à vivre ça, même elle. Peu importe les circonstances.
Encore une fois, les femmes victimes de violence conjugale se retrouvent face à un exemple qui les dissuadera de témoigner ou même de dénoncer leurs conjoints.es violents.es. Parce qu’encore une fois, une femme est laissée à elle-même à devoir se défendre. Et si même la justice ne protège pas une célébrité, qui va protéger une femme bien normale ?
Je cherche encore la réponse.