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Politique
Chronique |

Cyberharcèlement: «en matière de données, nos législations sont environ 40 ans en retard»

Selon Paul Laurier, PDG et fondateur de Vigiteck, on fait plus que traîner de la patte avec la loi canadienne sur le harcèlement criminel qui date de 1985.

La France vient d’adopter des sanctions très sévères quant à l’intimidation, le harcèlement et le cyberharcèlement.

Quand je lui demande à quel point nous sommes en retard au Québec et au Canada par rapport à une législation en la matière, la réaction de Paul Laurier, PDG et fondateur de Vigiteck, entreprise spécialisée dans les cyberenquêtes judiciaires, est sans équivoque. Selon lui, on fait plus que traîner de la patte avec la loi canadienne sur le harcèlement criminel qui date de 1985.

Enfin de l’imputabilité

Revenons brièvement à ce qu’un pays comme la France a décidé de faire à la suite du suicide de deux adolescents victimes d’intimidation. Dans tous les cas de harcèlement, il y aura une évaluation judiciaire automatique. On parle aussi de confiscation du cellulaire, du bannissement des réseaux sociaux et de l’imposition d’un couvre-feu numérique.

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Je trouve cette dernière mesure particulièrement intéressante dans l’optique où le cyberharcèlement a souvent lieu le soir, quand la surveillance parentale se relâche, où que les personnes adultes qui s’adonnent au harcèlement en ligne sont intoxiquées par l’alcool ou les drogues.

Désinhibés, leurs comportements violents se voient amplifié. Peut-être qu’un couvre-feu numérique pourrait donner un peu de répit aux victimes.

La France met aussi en place l’obligation de suivre des stages de citoyenneté ou de participer à un processus de justice réparatrice. Dans les cas extrêmes, ceux qui mènent à un suicide par exemple, l’agresseur pourrait écoper d’une peine de prison de 10 ans. Enfin, de l’imputabilité. 

Est-ce qu’on devrait prendre exemple sur la France?

Oui et non. La France a développé un bon modèle, mais plusieurs experts proposent depuis des années des solutions pour lutter contre le cyberharcèlement au Québec et au Canada.

En ce moment, c’est un peu la pagaille. «Au niveau des outils légaux pour trouver les infractaires, c’est seulement le fédéral qui peut agir légalement», m’explique Paul Laurier. «En matière de données, nos législations sont environ 40 ans en retard.» Monsieur Laurier prétend que la Cour Suprême «protège» les criminels alors qu’au civil ce serait beaucoup plus facile.

Il me donne l’exemple d’une erreur médicale. «Si tu as de l’argent, tu poursuis au civil, et ce grâce au droit britannique et à notre code civil. La justice civile a autant sinon plus de capacité de recherche d’information que les ordonnances liées au Code criminel. De plus, le niveau de preuve requis est moindre. C’est plus efficace que la police. Le problème, c’est que ça coûte des experts comme moi, des avocats et des enquêteurs privés. C’est une justice à deux vitesses.»

Dans le cadre d’un mémoire présenté dans le cadre de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs en 2020 rédigé par Paul Laurier, on indique qu’un procès au civil au Canada coûte entre vingt-cinq et quatre-vingt mille dollars pour un citoyen voulant faire valoir ses droits. C’est un obstacle majeur pour les victimes.

Je vous parle de ce mémoire parce que même s’il traite d’exploitation sexuelle, les solutions proposées concernant les données sont les mêmes qu’en ce qui concerne le cyberharcèlement.  

Quand on sait que 32 % des jeunes Canadiens âgés de 9 à 17 ont déclaré avoir été victimes de méchanceté et de cruauté en ligne et qu’un jeune sur deux dit avoir été témoin d’intimidation et un jeune sur cinq affirme avoir harcelé un autre élève, c’est un euphémisme que de dire qu’il faut se doter de moyens qui ont plus de mordant. 

Le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, prépare un projet de loi sur la cyberintimidation. Mais il veut attendre de voir ce qui se fait ailleurs, notamment dans le reste du Canada.

À VOIR | Le Québec pourrait-il s'inspirer de la France?

 

Pourquoi être toujours à la remorque? Sachant l’ampleur du fléau, pourquoi ne pas donner au plus vite des pouvoirs spéciaux aux enquêteurs pour que ceux-ci puissent utiliser toutes les autorisations judiciaires appropriées pour agir plus rapidement et efficacement en matière de cyberenquête?

J’attire aussi l’attention du ministre sur la loi québécoise visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école qui date 2012. On y stipule que chaque établissement scolaire doit posséder son propre plan pour lutter contre le phénomène. Encore une fois, c’est du cas par cas et pas besoin de vous dire que ce n’est pas toujours bien mené. Encore un euphémisme.

Ce serait plus que pertinent si monsieur Bonardel ainsi que son collègue à l’éducation, Bernard Drainville, pouvaient discuter avec les acteurs du milieu de l’éducation du manque de moyens des directions d’école par rapport au harcèlement et à l’intimidation en ligne.

On doit mettre fin à la zone grise. Les directions d’établissements devraient pouvoir travailler en collaboration avec la police pour que la cyberintimidation et le cyberharcèlement, même s’ils n’ont pas lieu à l’école ou sur le terrain de l’école, soient punissables. 

Il faut moderniser la loi sur le harcèlement, et ça presse. Certes, on pourrait prendre exemple sur ce qui se fait ailleurs, mais on a aussi quelque chose qui s’appelle le rapport final du Comité consultatif sur la réalité policière. Là aussi, plusieurs solutions y sont proposées.

Est-ce que le rapport a été tabletté trop vite par l’ancienne ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault? Je n’oserais pas m’avancer sur cette pente. Mais peut-être que son successeur, monsieur Bonnardel, pourrait le ressortir des boules à mites avant «d’attendre de voir ce qui se fait ailleurs». 

Pour me raconter une histoire ou si vous voulez témoigner de quelque chose qui vous tient à cœur, écrivez-moi un courriel : genevieve.pettersen@bellmedia.ca