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Mélanie Joly espère que les pourparlers de cessez-le-feu l'emporteront.
Les ministres libéraux à Ottawa ont exprimé mardi leur déception et leur consternation face à l'invasion annoncée par Israël de la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza – le dernier refuge des Palestiniens déplacés sur ce territoire.
La ministre canadienne des Affaires étrangères a réprimandé Israël pour son opération militaire à Rafah, mais a déclaré qu'elle gardait espoir que les pourparlers de cessez-le-feu prévaudraient.
«Il faut absolument que l'invasion militaire par Israël de Rafah n'ait pas lieu, parce que si c'était le cas, ce serait complètement inacceptable, a indiqué la ministre Mélanie Joly aux journalistes sur la colline du Parlement, mardi matin. Trop de femmes et d'enfants et d'innocents seraient affectés par cette invasion. Alors, la position [du Canada] continue d'être la même.»
Les responsables israéliens ont annoncé lundi que le pays avait approuvé une opération militaire dans cette ville frontalière avec l'Égypte, et les forces israéliennes ont commencé à frapper des cibles dans la région.
Cette décision est intervenue quelques heures après que le Hamas a annoncé qu'il avait accepté une proposition de cessez-le-feu soumise par l'Égypte et le Qatar. Mais Israël estime que cette proposition ne répond pas à ses demandes essentielles.
La ministre Joly a affirmé que la situation dans le territoire palestinien était «absolument catastrophique». Elle a ajouté que la grande majorité des personnes qui se trouvent à Rafah avaient déjà été déplacées et qu'elles n'avaient nulle part où aller.
Elle a également déclaré que le Canada faisait pression sur les responsables israéliens pour qu'ils mettent fin à l'opération militaire.
Le flux de l’aide humanitaire a été interrompu lorsqu’Israël a pris le contrôle de la frontière mardi, ce que le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a qualifié d’«étape importante» vers le démantèlement des capacités militaires et économiques du Hamas.
Environ 1,3 million de Palestiniens – plus de la moitié de la population de Gaza – sont bloqués à Rafah et dépendent de l’aide qui passe par ce poste frontalier.
«Ils sont coincés là, sans accès à l'aide humanitaire, et cela va causer de nombreuses victimes civiles», a déclaré mardi le ministre du Développement international, Ahmed Hussen. Le Canada a constamment déconseillé une opération militaire à Rafah, a-t-il dit. «Nous sommes très déçus que ça se produise.»
Le Canada a déjà exploré d'autres options pour acheminer de l'aide vers le territoire assiégé, notamment en contribuant à la construction d'un port maritime et en recourant aux largages aériens, a déclaré le ministre Hussen. «Nous avons fait tout ce que nous pouvions.»
La fermeture de la frontière compliquera également davantage les plans visant à faire sortir de Gaza les personnes qui ont des liens familiaux élargis avec des Canadiens. «Ça signifie que nous ne pourrons pas faire sortir les gens, et ça me préoccupe énormément», a admis le ministre de l'Immigration, Marc Miller.
Le gouvernement a lancé un programme de visa temporaire pour amener les gens au Canada afin d'y chercher refuge auprès de leurs familles canadiennes, mais n'a pas été en mesure de faciliter leur fuite de la zone de guerre par la frontière de Rafah, déjà étroitement contrôlée.
Certains ont réussi à s'en sortir par leurs propres moyens en versant de grosses sommes d'argent à des entreprises privées pour leur permettre de passer la frontière vers l'Égypte. Les gens continueront probablement à faire tout ce qu’ils peuvent pour sortir, même dans une zone militarisée où leur vie est en péril, a déclaré le ministre Miller. «Il est difficile de spéculer, mais ce sera certainement plus difficile, je pense.»
Lors d'une réunion d'un comité sénatorial, la semaine dernière, des responsables canadiens ont déclaré qu'ils espéraient un cessez-le-feu qui permettrait l'acheminement de l'aide dans la bande de Gaza.
Des experts estiment toutefois qu'Ottawa se trouve dans une position délicate face à des dirigeants qui n'ont pas beaucoup d'incitatifs politiques pour mettre fin à ce conflit.
Le budget d'aide d'Ottawa finance les efforts visant à amener éventuellement des quantités suffisantes de nourriture qui réduiront le marché noir à Gaza, a déclaré Karim Morcos, directeur d'Affaires mondiales Canada pour Israël et les territoires palestiniens.
Il a déclaré que la farine est si rare et si chère sur le territoire que sa livraison provoque des violences et des vols. «La stratégie des agences de l'ONU est d'inonder la place d'aide pour qu'elle perde de sa valeur», a-t-il témoigné la semaine dernière devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale.
«Ce qu'ils cherchent, c'est essentiellement de prendre un stade de football et de le remplir d'aide, et que les gens viennent se servir eux-mêmes. C'est la seule façon dont ils peuvent le faire à court terme, là où il n'y a pas d'ordre civil pour protéger ces livraisons.»
Des Israéliens et des Palestiniens de Gaza sont mécontents de leurs dirigeants, qui peuvent compter sur le conflit en cours pour détourner l'attention de leur propre impopularité, a déclaré Janice Stein, une analyste en politique étrangère établie à la «Munk School» de l'Université de Toronto.
Les sondages montrent qu'une majorité d'Israéliens souhaitent le départ de M. Nétanyahou, et il existe des «fissures» entre sa coalition de nationalistes et de partis orthodoxes religieux sur des questions telles que l'Iran, a-t-elle déclaré au comité.
Par ailleurs, des Palestiniens expriment ouvertement leur colère contre le Hamas, qui les expose à la guerre sans penser à la population civile, a-t-elle déclaré.
La bande de Gaza est devenue un champ de bataille après que le Hamas a lancé une attaque contre Israël le 7 octobre, tuant 1200 civils et militaires israéliens.
Le siège, les bombardements et les attaques terrestres en représailles ont fait plus de 30 000 morts chez les Palestiniens, ont indiqué les responsables de la santé de la région.
Selon la professeure Stein, le temps presse pour désamorcer le conflit: «un risque élevé d'escalade vers une guerre régionale plus large» aurait «des conséquences catastrophiques pour la population civile».