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Les deux pays affirment que la Syrie a «commis d'innombrables violations du droit international» et souhaitent que la Cour internationale de justice ordonne des mesures provisoires.
Le Canada et les Pays-Bas ont déposé conjointement une plainte contre la Syrie lundi devant la plus haute instance judiciaire des Nations unies, alléguant que le régime de Bachar Assad a torturé des milliers de civils, en violation d'une convention des Nations unies.
Les deux pays affirment que la Syrie a «commis d'innombrables violations du droit international» et souhaitent que la Cour internationale de justice ordonne des mesures provisoires pour que Damas mette un terme à un programme présumé de torture généralisé à l'encontre de toute personne opposée au gouvernement pendant la longue guerre civile qui déchire dans le pays.
Les Pays-Bas ont annoncé pour la première fois il y a trois ans leur intention de réclamer des comptes à la Syrie pour ce qu'ils appellent des «crimes horribles», en demandant au gouvernement Assad, par note diplomatique, d'entamer des négociations dans le cadre de la Convention des Nations unies contre la torture. Le Canada a rejoint le processus en 2021.
Le traité de 1984 exige que les parties entament une médiation avant de porter le litige devant le tribunal basé à La Haye. La plainte fait état de l'échec de cette procédure.
Le Canada et les Pays-Bas affirment qu'il existe de nombreuses preuves que le régime s'est livré à des violations systématiques et flagrantes des droits de la personne à l'encontre de son propre peuple. «Depuis 2011, les Syriens ont été torturés, assassinés, agressés sexuellement, enlevés de force et victimes d’attaques à l’arme chimique à grande échelle. Douze ans plus tard, le régime syrien commet toujours des violations des droits de la personne», ont dénoncé dans un communiqué commun la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et son homologue néerlandais Wopke Hoekstra.
La plainte cite les conclusions du Mécanisme international impartial et indépendant sur la Syrie, l'organe des Nations unies chargé d'enquêter sur les crimes commis pendant le conflit. Les tentatives de création d'un tribunal spécial chargé de poursuivre ces crimes ont toutefois été bloquées par la Russie. Le président Vladimir Poutine a soutenu Assad pendant plus d'une décennie de violence et des mercenaires russes ont été accusés de bombarder des civils sans discernement.
La pression s'est accentuée sur la communauté internationale pour qu'elle fasse quelque chose afin que la Syrie rende des comptes, alors que le pays s'apprête à normaliser ses relations diplomatiques. Le mois dernier, la Ligue arabe a réintégré la Syrie, mettant fin à une suspension de 12 ans de l'union régionale.
«Nous avons cherché de manière créative des moyens de rendre justice aux victimes», a expliqué à l'Associated Press Toby Cadman, un avocat international spécialisé dans les droits de la personne qui travaille sur l'affaire pour les Pays-Bas.
Si les efforts internationaux n'ont pas abouti jusqu'à présent, les tribunaux nationaux ont condamné un certain nombre de responsables du régime devant leurs propres juridictions. Invoquant le principe de la compétence universelle, l'Allemagne a condamné plusieurs anciens responsables du régime pour torture, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Tous ces hommes avaient demandé l'asile en Allemagne.
Le mois dernier, des juges français ont accepté que trois anciens hauts responsables du régime soient jugés pour crimes contre l'humanité pour le meurtre de deux ressortissants syriens et français ayant la double nationalité. Le trio n'est pas détenu par la France.
«Le Canada et les Pays-Bas croient fermement qu’il ne peut y avoir de paix ni de réconciliation durables en Syrie sans que les auteurs de violations des droits de la personne commises par le régime syrien rendent compte de leurs actes et que les victimes et les survivants obtiennent justice. Nous demeurons déterminés à faire respecter le droit international et appelons tous les États et la communauté internationale à soutenir les efforts de responsabilisation pour le peuple syrien», ont dit Mme Joly et M. Hoekstra.
La plainte canado-néerlandaise n'est que la deuxième fois qu'une affaire alléguant des violations de la convention de 1984 est portée devant le tribunal de La Haye. En 2009, la Belgique a déposé une plainte contre le Sénégal, arguant qu'en refusant de poursuivre l'ancien président du Tchad en exil, Hissène Habré, le pays d'Afrique de l'Ouest manquait à ses obligations en vertu du traité.
Trois ans plus tard, la CIJ a ordonné au Sénégal de poursuivre Hissène Habré sans délai. Ce dernier est mort de la COVID-19 en 2021, alors qu'il purgeait une peine de prison à vie pour crimes contre l'humanité ayant entraîné la mort de quelque 40 000 personnes.