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Drrring. Drrring. Les premières notes de notre réveille-matin, souvent stridentes, perturbent notre sommeil. Drrring. Drrring. Il retentit de plus belle, dans l’espoir de nous faire lever du lit. La journée n’en est qu’à ses balbutiements, mais nos oreilles, elles, semblent déjà avoir couru un marathon. Ces bruits, qui façonnent notre quotidien, sont-ils nocifs pour notre santé?
Voyez dans la vidéo qui accompagne ce texte comment les sons qui nous entourent nous affectent quotidiennement.
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Des alarmes, des électroménagers, de la musique, des appels téléphoniques, des conversations, de la circulation. Notre quotidien est parsemé de sons. Certains apaisants, d’autres incommodants.
Notre environnement sonore, tantôt cacophonique, tantôt paisible, nous laisse de moins en moins indifférent. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs tendu l’oreille et a prévu dans son budget une aide de 27,7 millions $ sur cinq ans afin de réduire la pollution atmosphérique et sonore.
Cette somme permettra notamment d’«appuyer financièrement les projets d’atténuation du bruit engendré par des activités humaines», peut-on lire dans le budget provincial présenté plus tôt cette semaine.
Les instances politiques ne restent pas muettes devant certaines préoccupations liées à notre climat sonore, mais avant même d’évoquer une réduction de bruit, il faut être conscient de notre exposition à celui-ci.
«Au-delà d’un quart d’heure, à 90 dB(A) [décibels pondérés A], vous avez une chance d’endommager votre audition. Et 90 dB(A), c’est quelque chose que l’on peut trouver assez facilement», prévient Olivier Valentin, chercheur en neuro-ingénierie à la faculté de médecine de l'Université McGill.
Crédit: Olivier Bouchard/Noovo Info. Échelle sommaire représentant le niveau de bruit en fonction de différents signaux sonores.
Bien qu’il soit difficile de mesurer avec justesse notre exposition au bruit, il existe plusieurs appareils qui peuvent nous donner des indications, du moins, une estimation du son qui nous entoure.
Parmi ceux-ci, le dosimètre. Cette petite machine permet de calculer la dose de bruit à laquelle nous pouvons être exposés sur une période de huit heures. Eh bien nous avons fait le test, trimballant toute la journée ce qui ressemble à une télécommande.
Dosimètre en main, chaque tintement, chaque timbre, chaque écho ont été mesurés pendant une période de huit heures. Entre une matinée de télétravail et un après-midi au bureau, entre les transports en commun et un petit détour en voiture, c’est principalement l’avant-midi et les déplacements qui ont fait osciller l’aiguille de l’appareil.
En huit heures, nous avons observé une exposition moyenne de 86,8 dB(A), ce qui est conforme à la réglementation québécoise sur le bruit au travail. Cependant, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), «être exposé à plus de 75 dB(A) pendant huit heures présente un risque pour son audition», précise le Dr Valentin.
À titre comparatif, les réglementations pour le Québec font état d’une limite d’exposition plus élevée que les recommandations de l’OMS, soit de 90 dB(A) sur une période de huit heures. Pour les établissements de compétence fédérale, le Canada fixe la limite à 87 dB(A). En Europe, la limite d’exposition est établie à 85 dB(A) dans la plupart des pays.
Même si ce test maison est approximatif, l’écart entre les recommandations de l’OMS et celles du Québec est probant. À cet effet, à compter du 16 juin 2023, «de nouvelles mesures pour prévenir l’exposition au bruit dans les milieux de travail entreront en vigueur» au Québec, peut-on lire sur le site web de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
Pour s’arrimer aux normes nationales et internationales, la limite d’exposition quotidienne au Québec passera donc de 90 à 85 dB(A) sur une période de huit heures, permettant de réduire les risques de dommages sur la santé des travailleurs.
Crédit: Jérôme Scaglia/Noovo Info. Dosimètre prêté par l'IRSST pour l'expérimentation.
Parmi nos gestes du quotidien, qui peuvent amplifier les effets de la pollution sonore, nos déplacements se trouvent en tête de liste, selon le Dr Valentin.
Dans le métro, par exemple, le bruit ambiant est déjà substantiel. On pense à la ventilation, aux musiciens, aux arrivées et aux départs des wagons. Ajoutons à cela la fâcheuse habitude de camoufler le bruit du métro en montant le son de la musique de nos écouteurs.
«C'est quelque chose qui peut être dommageable, insiste l’expert. Si on est exposé à un niveau de bruit qui est très fort et qu'on veut le masquer en augmentant le son, pendant une longue durée de temps, par exemple, sur un trajet d'une heure et demie, on s'expose à un risque de dommage à l’audition.»
«Ce que je recommanderais dans ce genre de circonstances, c'est soit d'avoir des écouteurs qui vont permettent d'avoir un bon ajustement dans l'oreille ou alors d'avoir un casque qui va faire ce qu'on appelle du noise cancelling [suppression de bruit], car ces deux options permettent d’éviter d’augmenter le volume de sa musique pour masquer le bruit ambiant», ajoute-t-il.
Ce réflexe de camouflage n’est pas seulement répandu dans les transports en commun. En voiture, par exemple, le chauffage, l’air climatisé ou le son de l’autoroute peuvent nous pousser à augmenter le volume de notre musique, et ce, pendant une longue période.
«Ce n’est pas parce que le bruit n’est pas directement dans nos oreilles qu’il n’est pas dangereux», rappelle le Dr Valentin, qui s’est lancé dans ce champ d’expertise après avoir reçu un diagnostic d’acouphène associé à une perte auditive dans les hautes fréquences.
Quant à l’atténuation de bruit ambiant, certaines entreprises québécoises se tournent vers un système de haut-parleurs qui émettent du bruit blanc dans des espaces de travail à aire ouverte, comme dans des centres d’appel, notamment.
Cela permet, entre autres, de masquer les sons gênants, tel un collègue qui parle au téléphone ou qui tape un peu trop fort sur son clavier.
«Pour que cette technologie fonctionne, il faut que le niveau des bruits à masquer soit faible. Donc, on ne peut pas, par exemple, masquer du bruit industriel très fort avec du bruit blanc, ça ne fonctionnerait pas», explique le Dr Valentin, qui précise également que cette technologie est utilisée, généralement, pour des bruits qui ne vont pas dépasser 45 décibels.
Il est possible de contrôler notre exposition au bruit qui façonne nos routines, certes, mais il y a une part de pollution sonore qui est, à certains égards, subie.
«Je pense que dans quelques années, on va regarder le problème de la surexposition au bruit comme on a regardé, il y a quelque temps, le tabagisme, et on va se dire qu’on a été très négligents, et ça, c’est problématique», conclut-il.
Reste maintenant à voir, au cours des prochaines années, si davantage de mesures et de sommes seront investies dans la réduction de la pollution sonore.