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Le manufacturier de batteries suédois éprouve de sérieuses difficultés financières.
Le gouvernement fédéral met en garde Québec contre la redistribution à d'autres entreprises d'un bloc d'énergie réservé à l'entreprise suédoise Northvolt pour son projet d'usine de batteries en Montérégie.
Ottawa, qui, comme Québec, a investi dans le projet qui totalisera 7 milliards $, laisse entendre que de retirer en partie l'approvisionnement électrique pourtant garanti ne serait pas de bon augure pour la réalisation de l'usine.
C'est le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, qui a lancé cet avertissement, alors que le manufacturier de batteries suédois éprouve actuellement de sérieuses difficultés financières et a annoncé la suppression de 1600 emplois dans ses usines.
Devant la pression des partis d'opposition, le gouvernement Legault a ouvert la porte mardi à réaffecter une partie des 354 mégawatts d'électricité promis à Northvolt à d'autres entreprises en demande, en attendant que l'usine de Northvolt soit pleinement fonctionnelle.
«C'est une décision qui appartient au Québec, mais je ne suis pas convaincu que ce serait une bonne chose maintenant parce que je pense que ce qu'on veut, c'est de voir le projet de Northvolt prendre son envol», a fait savoir M. Champagne en mêlée de presse à Montréal mercredi.
«Moi, je pense que c'est un projet générationnel et il faut mettre l'ensemble des conditions pour que ce projet avance.»
Le premier ministre François Legault a répété en Chambre mercredi que sa ministre de l'Économie et de l'Énergie, Christine Fréchette, n'a jamais dit qu'«à court terme, elle retirerait le bloc d'énergie à Northvolt».
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La ministre a évoqué qu'elle attendait d'abord le nouvel échéancier de Northvolt, qui apparemment est ouverte à partager son bloc d'énergie dans l'intervalle avant que l'usine soit pleinement fonctionnelle.
Le gouvernement Legault est attaqué de toutes parts depuis quelques semaines en raison des déboires de Northvolt: la filière batterie, vantée comme étant la nouvelle Baie James par le premier ministre Legault, est en train de devenir un «Waterloo» en raison de Northvolt, a tonné la députée libérale Marwah Rizqy mercredi.
La valeur des fonds publics investis par Québec frôle le milliard de dollars et les partis d'opposition ont tenté de savoir en vain si ce portefeuille est maintenant dévalué en raison de la tourmente.
En cas de «scénario catastrophe», le Québec sera «à la table» des créanciers pour récupérer les centaines de millions de dollars de fonds publics investis dans Northvolt, a assuré mercredi la ministre Fréchette.
«Le Québec serait en mesure de récupérer une bonne partie de sa mise», a-t-elle déclaré dans un débat mercredi après-midi à l'Assemblée nationale.
À l'inverse, l'opposition officielle a soutenu que l'État québécois passera après les créanciers prioritaires et perdra sa mise.
«Notre montage financier est très rigoureux et limite au maximum le niveau de risque», a déclaré Mme Fréchette dans un débat mercredi après-midi.
Québec a déjà accordé 240 millions $ pour l'achat du terrain, qui reste en garantie, en plus de 270 millions $ investis dans le financement de la maison-mère en Suède, et des 200 millions $ de la Caisse de dépôt et placement (CDPQ). En outre, un autre montant de 300 millions $ devrait être versé en débentures, c'est-à-dire un prêt à long terme non garanti, mais sous certaines conditions.
«Le choix d'utiliser une débenture convertible, c'est prudent», a plaidé la ministre.
«Advenant un scénario catastrophe où Northvolt ferait défaut, notre débenture nous placerait à un rang privilégié par rapport aux actionnaires, pour récupérer les actifs de l'entreprise avec les autres créanciers de même rang. On serait donc à la table advenant une telle situation.»
Le député péquiste Pascal Paradis, qui réclame qu'on rende publics les détails de la débenture, soutient pour sa part que cela ne fait pas du Québec un créancier prioritaire.
«Ce n'est pas dans les loges, c’est très loin dans les balcons», a-t-il imagé, comme dans une salle de spectacle.
«C'est vraiment de mauvais augure», a pour sa part déploré le porte-parole libéral en matière de finances, Frédéric Beauchemin.
Selon lui, la restructuration en cours chez Northvolt est en train d'alarmer les prêteurs qui commencent à surveiller de plus près ce qui se passe.
En cas de défaut, le groupe qui contrôle le financement de l'entreprise «va se payer en premier, et les "juniors" comme le Québec seront subordonnés», s'inquiète-t-il.
Quant à la débenture, «c'est le dernier des morceaux de papier d'emprunt de Northvolt qui va être remboursé: si jamais un jour il fallait passer par cette procédure, c'est certain que le capital sera disparu».
À la période de questions, M. Beauchemin a questionné à plusieurs reprises le ministre des Finances, Eric Girard, pour savoir quelle est la valeur de l'investissement du Québec dans Northvolt actuellement.
«Dans le décret, il a lui-même endossé l'investissement de 270 millions $, il l'a recommandé, et maintenant, on devrait leur faire confiance, alors qu'ils ne sont pas capables de nous dire combien ça vaut et aveuglément investir un autre 300 millions $?»
C'est la ministre de l'Économie, Christine Fréchette, qui a répondu, mais sans lui de donner d'estimations précises.
Elle a reconnu qu'«il y a un ralentissement» dans le secteur des véhicules électriques, mais a assuré que sa démarche était «prudente (...), raisonnable et sophistiquée».
«On veut voir cette débenture, on veut de la transparence», a réclamé Pascal Paradis.
«Ce n'est pas un investissement contrôlé, a-t-il poursuivi. Non, l'argent des Québécois n'est pas garanti.»
Il a cité les propos de la présidente d'Investissement Québec, Bicha Ngo, qui a laissé entendre que le Québec ne serait pas un créancier prioritaire.
M. Paradis a rappelé que pas moins de 18 investisseurs étaient sur les rangs, dont Volkswagen, Goldman Sachs et une banque suédoise, au moment où le Québec a annoncé sa débenture.
«On prétend qu'on est prioritaire alors que la pdg d'Investissement Québec dit le contraire. On n'y croit pas.»
Rappelons qu'au total, Québec et Ottawa doivent chacun investir 1,37 milliard $ sur le projet de 7 milliards $. Le fédéral n'a pas encore versé un sou, alors que Québec et la Caisse ont déjà décaissé 700 millions $.