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Le différend entre les pays les plus riches et les pays en développement pour financer le prix annuel estimé à 700 milliards $ US pour conserver la nature pourrait être le gouffre le plus difficile à combler.
Alors qu'il ne reste que quatre jours pour parvenir à un nouvel accord global pour conserver et restaurer la nature, les objectifs phares en cours de négociation à la COP15 de Montréal semblent difficiles à atteindre.
Plus de 100 ministres se sont joints aux pourparlers jeudi et vendredi _ plusieurs assurant leur détermination à parvenir à un nouvel accord pour protéger les paysages naturels et les espèces sauvages. Mais au-delà du fait que l'on s'entend sur la nécessité d'agir, l'atteinte d'un accord global se heurte à de profonds désaccords sur la manière d'atteindre ces buts.
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Le fossé le plus profond semble être entre les pays en développement, qui souhaitent créer un nouveau fonds mondial pour la biodiversité, et les pays développés, qui pensent que le financement essentiel peut être acheminé par le biais du Fonds mondial pour l'environnement, créé il y a 30 ans.
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Cette impasse s'est aggravée mercredi, lorsque des dizaines de représentants de pays en développement se sont retirés des pourparlers afin de protester contre ce qu'ils croyaient être des engagements faibles de la part des pays les plus riches.
Après une séance de négociation d'urgence, ils sont revenus à la table mercredi soir. Mais jeudi, les pays développés, dirigés par l'Union européenne, ont clairement indiqué que la création d'un nouveau fonds n'était pas dans les cartons.
«Ce qui est extrêmement important, c'est qu'il n'y ait pas de nouveau fonds», a déclaré Virginijus Sinkevicus, commissaire à l'environnement à la Commission européenne.
«Il a fallu sept à huit ans, a-t-il dit, pour négocier le Fonds pour l'environnement mondial. La création d'un nouveau fonds retarderait la mise en ?uvre du nouveau cadre global plutôt que de se concentrer sur l'amélioration de l'efficience et de l'efficacité du fonds existant, selon lui.
«Donc, ces discussions sur le nouveau fonds, je pense qu'elles ne mènent nulle part, elles n'apportent aucune valeur jusqu'à présent», a estimé M. Sinkevicus.
Les médias européens ont également rapporté jeudi que le président français, Emmanuel Macron, avait écrit à l'Union européenne pour dire qu'un nouveau fonds était pour la France la «ligne rouge» qu'il ne fallait pas franchir.
Flora Mokgohloa, directrice générale adjointe pour la biodiversité et la conservation en Afrique du Sud, a déclaré que le fonds existant «ne sera pas suffisant, ses provisions et ses demandes augmentent».
Selon Mme Mokgohloa, il n'y a pas eu de réel changement dans l'impasse sur cette question à Montréal. «Nous n'entendons pas vraiment ce que l'autre côté propose, a-t-elle dit. Ce que l'autre côté nous propose, c'est ce qui a toujours été là _ et ça n'a pas fonctionné, nous n'avons pas atteint les bons objectifs.»
Le projet de cadre global sur la biodiversité comprend quatre grands objectifs, autour de la protection de la nature et du partage de ses avantages, ainsi que 22 cibles, allant de l'utilisation et de la gestion durables des espèces sauvages à la restauration des habitats détruits, en passant par la réduction des plastiques et des pesticides et l'élargissement des espaces verts urbains.
Mais les objectifs les plus importants et les plus controversés demeurent la demande phare du Canada de protéger 30 % des zones terrestres et marines du monde d'ici 2030, et le financement de toutes ces mesures de conservation.
L'objectif de 30 % est dérivé d'une analyse scientifique de 2019 qui suggérait qu'il s'agissait du strict minimum de ce qui devait être protégé. En 2020, un groupe de pays développés connu sous le nom de «coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples», dont le Canada est membre, a lancé l'objectif «30 d'ici 30» comme cible du prochain cadre global pour la biodiversité.
Mais selon Mme Mokgohloa, cet objectif n'est pas assez clair sur la qualité de la conservation qui qualifiera une zone de «protégée», quelles activités peuvent se produire dans ces zones et qui aura le contrôle.
«Il ne s'agit donc pas de pousser les chiffres jusqu'à 30 %: il s'agit également de s'assurer que ces zones de conservation existantes et les nouvelles zones de conservation sont capables d'arrêter et d'inverser la perte de biodiversité. C'est donc pour nous très, très critique», a-t-elle expliqué.
Fiore Longo, une militante de l'organisation de défense des droits de la personne «Survival International», s'inquiète, elle, de ce qu'on appelle la «conservation-forteresse» _ où l'on crée des zones protégées, comme des parcs nationaux, en chassant des gens de leur territoire. «Nous faisons campagne depuis longtemps contre cette forme dominante de conservation», a affirmé Mme Longo.
Elle a expliqué que les tout premiers parcs nationaux aux États-Unis, Yellowstone et Yosemite, étaient «basés sur l'idée que la nature était belle, qu'elle était sauvage et que les populations autochtones la détruisaient» _ et ces Autochtones ont été de fait chassés de leur territoire ancestral.
Ce concept a ensuite été importé en Afrique et en Asie, où des parcs, comme le parc national Kruger en Afrique du Sud, ont été créés en expulsant également des populations autochtones. «Tout le concept d'aires protégées repose sur l'idée que les populations locales ne savent pas ce qu'elles font. C'est une idée raciste et colonialiste», a dénoncé Mme Longo.
«Alors que les Autochtones sont expulsés, les touristes sont les bienvenus: nous avons donc des hôtels de luxe, toutes sortes de chasses aux trophées autorisées dans les zones protégées, y compris les industries d'extraction (des ressources), car une fois que la population locale, qui se soucie vraiment de cette terre, est expulsée, tous les autres types d'industries destructrices sont les bienvenus.»
Il n'y a pas d'accord dans le texte sur la manière et l'opportunité d'inclure dans l'objectif «30 d'ici 30» une définition des «territoires autochtones».
La conférence COP15 de Montréal, amorcée le 6 décembre, doit se terminer lundi.