Passer au contenu principal
À voir:

Début du contenu principal.

Environnement

Un projet de loi ferait épargner 100 millions $ à un dépotoir de déchets dangereux

Les consultations sur le projet de loi 93 qui autorise l'expropriation ont commencé mardi.

La ministre des Ressources naturelles et des Forêts du Québec, Maïté Blanchette Vézina, répond à l'opposition à l'Assemblée nationale du Québec, le mardi 4 février 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts du Québec, Maïté Blanchette Vézina, répond à l'opposition à l'Assemblée nationale du Québec, le mardi 4 février 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot
Patrice Bergeron
Patrice Bergeron / La Presse canadienne

Un projet de loi du gouvernement caquiste ferait économiser 100 millions $ à la filiale d'une entreprise américaine de traitement des déchets dangereux.

L'entreprise Stablex a admis mardi que son projet d'agrandissement lui coûterait 150 millions $ plutôt que 250 millions $, si le gouvernement exproprie la Ville de Blainville pour un terrain qu'elle convoite pour son expansion.

 

Le gouvernement Legault a déposé le projet de loi 93 pour exproprier la Ville au coût de 17 millions $ et son étude en commission parlementaire commençait mardi.

La Ville était d'abord favorable au projet, mais elle a retiré son appui à la suite d'un avis défavorable du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), en 2023.

Tous les partis d'opposition soutiennent Blainville, qui propose plutôt un autre terrain adjacent, plus petit, déjà propriété du gouvernement, mais Stablex s'y oppose. 

L'entreprise y a entreposé des tonnes d'argile et son projet coûterait donc 100 millions $ de plus pour convoyer cette matière ailleurs.

Le directeur général de Stablex, Michel Perron, en a fait l'aveu à la commission parlementaire.

La mairesse Liza Poulin a déjà fait savoir que la Ville avait l'intention de contester la loi si elle est adoptée.

«Le projet de loi fait l'unanimité contre lui», a-t-elle dénoncé, en raison notamment de son «impact important» sur les écosystèmes et parce qu'il fragmenterait la grande tourbière de Blainville, des zones qu'elle veut protéger à perpétuité.

La ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, l'a accusée en Chambre de dire des «faussetés».  

Le terrain convoité par Stablex compte 9 hectares de milieux humides et 58 hectares de boisés.

«Le terrain qui est choisi est à 1 kilomètre des maisons, le terrain qui est proposé par Québec solidaire est à 300 mètres des maisons: je pense que la solution à choisir est assez facile», a justifié François Legault à la période de questions. 

«Au Québec, on produit des déchets qui sont dangereux et qui, actuellement, ne peuvent être enfouis qu'à un seul endroit, à Blainville.»

Pas moins de 17 % des matières traitées en 2024 venaient des États-Unis et le permis autorise jusqu'à 45 %.

Le terrain choisi permettrait à l'entreprise de construire une sixième cellule d'enfouissement et de poursuivre ses activités pour une quarantaine d'années, plutôt que 24 ans sur l'autre terrain plus petit.

Mme Blanchette Vézina adhère aux conclusions de l'entreprise. Elle a plaidé l'urgence d'agir et d'adopter son projet de loi. 

Il ne reste que deux ans de capacité de stockage à Stablex, soit 400 000 mètres cubes jusqu'en 2027, fait valoir la direction, tandis qu'il faut deux ans de travaux préparatoires du terrain, et il reste jusqu'au 15 avril pour couper les arbres, a-t-on expliqué.

«Si l'entreprise ne peut pas commencer ses travaux quelques jours avant le 15 avril, nous ferons face à une crise de gestion des matières dangereuses dans deux ans», a déclaré Mme Blanchette Vézina. 

«La situation est inquiétante et bien réelle et je ne voudrais pas être la personne qui nous mène à cette crise.»

Elle a été qualifiée de «lobbyiste en chef de Stablex» par la députée Alejandra Zaga Mendez, de Québec solidaire.  

Pas moins de 600 entreprises, soit pratiquement toutes les entreprises manufacturières du Québec, et des «milliers de clients indirects», en plus des municipalités, comptent sur Stablex pour traiter leurs déchets dangereux. 

L'expropriation du terrain visé est «la seule solution qui permet d'éviter un bris de service», a argué M. Perron.

Sinon, «on aurait un enjeu de société», parce que les ressources manqueraient pour traiter les matières dangereuses, dit-il.  

«Comme dans les années 70, on mettrait les déchets dans le fond du terrain ou dans l'environnement.» 

En outre, si le terrain du gouvernement était finalement retenu, il serait à 300 m d'une zone résidentielle, plutôt qu'à 1 kilomètre, et l'entreprise devrait faire face à des poursuites des voisins. 

«On n'investira pas 250 millions $ pour avoir un risque financier, parce que Stablex émet malheureusement des odeurs», a indiqué M. Perron. En plus, 40 000 camions par an circuleraient dans les parages, selon ses chiffres. 

«Il faut demander pourquoi en 2016 ils ont décidé de construire des maisons à 300 m, a-t-il poursuivi. C'était hors de question qu'on aille s'installer à 300 m.» 

«Le risque de poursuite n'est pas moindre sur un terrain ou sur l'autre», a riposté la mairesse. 

Elle a vanté la qualité écologique du territoire que Stablex veut détruire. Un règlement de contrôle intérimaire (RCI) est d’ailleurs en vigueur sur ce terrain, c’est donc un territoire protégé par la Communauté métropolitaine de Montréal, qui s'oppose aussi au projet. 

L'entreprise fait plutôt valoir que «ce sont des milieux humides dénaturés, ça n'ajoute en rien de la valeur écologique, c'est un mauvais drainage qui a pris de la progression».

«On n'a pas de solution, sinon des mesures extrêmes», a dénoncé le directeur du Front commun québécois pour la gestion écologique des déchets, Karel Ménard, qui voit dans le projet actuel un «risque pour la santé humaine».

Le centre de traitement de déchets industriels de Stablex comprend actuellement une usine de traitement et cinq cellules d’enfouissement.

Les déchets traités sont des matières dangereuses résiduelles, des sols contaminés et des matières non dangereuses ayant des propriétés préoccupantes pour l’environnement.

Ces déchets proviennent par exemple de l’industrie minière ou encore de l’industrie pharmaceutique.

Ils sont en partie importés des États-Unis et des autres provinces canadiennes.

Patrice Bergeron
Patrice Bergeron / La Presse canadienne