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Environnement

La taxe carbone n’est pas un prérequis pour exporter en Europe

Un tel système permettrait néanmoins aux entreprises de réduire les taxes payées à l’Union européenne dès l’an prochain.

La présence d’un système canadien de tarification du carbone n’est pas une exigence pour pouvoir exporter en Europe. Le drapeau de l'Union européenne à Bruxelles le jeudi 27 juin 2024. (AP Photo/Geert Vanden Wijngaert)
La présence d’un système canadien de tarification du carbone n’est pas une exigence pour pouvoir exporter en Europe. Le drapeau de l'Union européenne à Bruxelles le jeudi 27 juin 2024. (AP Photo/Geert Vanden Wijngaert)
Stéphane Rolland
Stéphane Rolland / La Presse canadienne

La présence d’un système canadien de tarification du carbone n’est pas une exigence pour pouvoir exporter en Europe, mais un tel système permettrait aux entreprises de réduire les taxes payées à l’Union européenne dès l’an prochain. 

Dans un contexte de relation commerciale tendue avec les États-Unis, le premier ministre du Canada, Mark Carney, a plaidé, lundi, qu’un système de tarification du carbone pour les industries était nécessaire pour diversifier les marchés d’exportation vers l’Union européenne, le Royaume-Uni et l’Asie, lors d’une conférence de presse à Londres. 

«Devinez quelle est l'une des exigences pour diversifier les échanges commerciaux avec l'Union européenne, a dit M. Carney. Devinez quelle est l'une des exigences pour diversifier les échanges commerciaux avec le Royaume-Uni. Devinez quelle sera l'une des exigences pour diversifier les échanges commerciaux avec les pays émergents d'Asie. Il s'agit d'instaurer une forme de tarification du carbone.»

Les entreprises canadiennes pourraient exporter leurs produits en Europe, même si le Canada n’avait pas de système de tarification du carbone. Elles seraient toutefois visées par des droits de douane plus élevés dans le cadre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne. 

L’objectif du mécanisme est d’éviter que des entreprises délocalisent des activités vers des juridictions où les lois environnementales sont moins contraignantes pour ensuite importer les produits en Europe à moindre coût. L’Union européenne veut mettre ses entreprises sur un pied d’égalité dans son propre marché.

«Si le règlement européen sur le mécanisme d'ajustement carbone entre pleinement en vigueur, les exportateurs de produits canadiens concernés (acier, ciment, fer, engrais, etc.), comme les produits de tout autre État qui ne dispose pas d'une tarification carbone, devront obtenir des certificats dont le prix sera similaire au prix des quotas du système européen d'échange de quotas d'émission», résume Alice Pirlot, professeure adjointe au Geneva Graduate Institute, en Suisse. 

L’Union européenne est toutefois en train de revoir ses conditions afin de viser seulement les plus gros émetteurs. 

Dans une récente mise à jour en février, la Commission européenne propose que les entreprises dont les émissions sont inférieures à 50 tonnes soient exemptées. «Ça nous permettra de garder 99 % des émissions dans le giron du MACF, tout en exemptant 90 % des importateurs», précise-t-on sur le site de la Commission. 

Conserver les revenus au Canada

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a qualifié «d’absurdité» le fait de présenter la tarification du carbone comme étant nécessaire aux exportations. Il a répété sa promesse d’abolir toute forme de taxation du carbone. «Taxer notre énergie va simplement punir les entreprises et envoyer nos emplois à l’étranger», a-t-il réagi dans une publication sur les médias sociaux.

Pour le Canada, il y a toutefois des avantages à avoir un système de tarification du carbone, nuance Mme Pirlot. Il permet de conserver les revenus de cette taxe au pays plutôt que de les verser à l’Union européenne. «Les revenus générés par cette taxe bénéficieront aux contribuables canadiens», souligne la professeure qui décrit son expertise comme étant à l’intersection des lois fiscales, du commerce international et de l’environnement. 

Même avec le système de tarification du carbone actuel, les grands émetteurs canadiens seront assujettis à des droits de douane supplémentaires à l’Union européenne. Lorsque les exportateurs prouvent qu’ils ont payé un prix sur le carbone dans leur pays, celui-ci est déduit des droits de douane exigés. 

Comme le prix du carbone au Canada est inférieur à celui en Europe, les entreprises canadiennes devront tout de même payer la différence, souligne Dave Sawyer, économiste principal de l’Institut climatique du Canada. 

Dans une récente analyse, il estime que les droits de douane amèneraient une augmentation du prix des produits canadiens de 1,6 % sur le marché européen, ce qui pourrait entraîner une baisse de 78 millions $ des exportations canadiennes. La baisse serait un peu plus importante, à 100 millions $, sans système de tarification du carbone. 

M. Sawyer croit, lui aussi, qu’il vaut mieux payer le prix du carbone au Canada qu’en Europe. La tarification inciterait ainsi les entreprises à réduire leur empreinte carbone. «Vous pouvez espérer en revoir une partie sous forme de subvention pour être plus efficace.»

Même s’il existe un écart entre le prix en Europe et au Canada, l’économiste juge qu’il ne serait pas nécessaire d’augmenter le prix du carbone au Canada et que le prix actuel est suffisant à titre d’incitatif.

L’Union européenne a le mécanisme le plus avancé de taxation du carbone, mais d’autres juridictions pourraient lui emboîter le pas, souligne M. Sawyer. Le Royaume-Uni devrait suivre en 2027. Des pays asiatiques envisagent aussi d’appliquer un tel mécanisme. 

Même si l’administration Trump est moins favorable aux mesures environnementales, il n’est pas impossible que les États-Unis, qui ont pris un virage protectionniste, suivent. 

M. Sawyer donne en exemple le projet de loi «Prove it » (prouvez-le). Le projet de loi, qui a reçu un appui bipartisan en 2024, ne proposait pas une tarification du carbone, mais demandait certaines informations au sujet des émissions engendrées par la fabrication d’un produit. «C’est une tendance, je pense que ce n’est pas seulement l’Europe», souligne l’économiste.

Stéphane Rolland
Stéphane Rolland / La Presse canadienne