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Le projet de loi étendrait aussi l’obligation pour les employés des écoles francophones à ne parler qu’en français avec les élèves et le personnel.
Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a déposé jeudi un vaste projet de loi pour renforcer la laïcité dans les écoles québécoises qui prévoit notamment l'élargissement de l'interdiction du port de signes religieux et l'obligation pour les élèves d'avoir le visage découvert.
Voyez le compte-rendu de Jean-François Poudrier dans la vidéo.
«Face aux dérives rapportées dans plusieurs écoles, (...) j'ai déposé un projet de loi qui vise à s'assurer que les écoles restent des lieux d'apprentissage sains, sécuritaires et laïques pour nos élèves», a-t-il déclaré en conférence de presse à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi 94 ratisse très large: il prévoit d'étendre l'interdiction du port de signes religieux à l'ensemble du personnel des écoles publiques, ainsi qu'aux personnes travaillant dans le cadre d'ententes avec les établissements scolaires.
Pensons à l'éducatrice en service de garde, au conseiller pédagogique, au psychologue, au bénévole à la bibliothèque, au concierge, au personnel de la cafétéria, à l'entraîneur de hockey dans le cadre d'un projet particulier, etc.
Une clause de droits acquis est néanmoins prévue pour tous ceux qui sont déjà en fonction.
Dans un deuxième temps, le projet de loi propose d'élargir l'obligation d'avoir le visage découvert en tout temps à toutes les écoles publiques et privées (subventionnées ou non), et ce, tant pour les élèves que pour le personnel.
Cette obligation s'appliquerait même au parent qui vient chercher son enfant au service de garde, au chauffeur d'autobus, au professeur de karaté lors d'activités parascolaires et à l'élève qui visite un musée dans le cadre de son cours d'histoire.
Le gouvernement propose aussi d'enchâsser dans la loi sa directive interdisant la prière et autres pratiques religieuses dans les écoles.
Ensuite, les accommodements pour motifs religieux seraient resserrés: les écoles n'auraient plus la possibilité d'adapter leurs méthodes d'enseignement, leur matériel pédagogique ou leurs programmes pour des raisons religieuses.
Les absences pour des motifs religieux seraient également encadrées plus strictement. Les demandes pour de la nourriture kasher ou halal, par exemple, ne seraient plus acceptées.
Autre nouveauté: les membres des conseils d'établissement seraient soumis à un code d'éthique; on s'attend à ce que leur conduite soit exempte de considérations religieuses et guidée par les valeurs démocratiques et laïques.
La pièce législative prévoit en outre la création d'un comité sur la qualité des services éducatifs dans chaque centre de services scolaire (CSS).
Si le projet de loi est adopté, les enseignants devront soumettre leur planification annuelle à l'école, qui s'assurera qu'elle respecte le régime pédagogique. Une évaluation annuelle des enseignants est également prévue.
Les membres du personnel d'un CSS francophone devront par ailleurs utiliser exclusivement le français pour communiquer oralement ou par écrit avec un élève ou un autre membre du personnel.
Le projet de loi 94 a recours à la clause dérogatoire qui le met à l'abri des contestations judiciaires.
«Je suis conscient que ce projet de loi va déranger, mais honnêtement, on ne peut pas rester les bras croisés. Il est inconcevable qu'on ne fasse rien. (...) Nos écoles doivent être laïques», a soutenu Bernard Drainville.
Le ministre s'est dit «ébranlé» par le cas de l'école Bedford, dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, où il a été découvert l'automne dernier qu'une clique d'enseignants maghrébins faisaient régner un climat toxique.
Des filles se sont vu interdire de jouer au soccer, des enfants sur le spectre de l'autisme n'ont pas reçu de services spécialisés, tandis que les sciences et l'éducation à la sexualité étaient peu ou pas enseignées.
Onze professeurs de l’école Bedford ont été suspendus depuis.
À la suite des événements à Bedford, M. Drainville a dépêché des enquêteurs dans 17 écoles où des manquements à la loi sur la laïcité étaient signalés. Le rapport mentionne que dans une école, des élèves portaient un signe religieux couvrant tout le visage.
«Le voile intégral dans nos classes au Québec? Non», s'est insurgé jeudi M. Drainville, concédant toutefois que la mesure du visage découvert était surtout «préventive». «On ne souhaite pas que cette pratique du voile intégral s'étende à d'autres écoles», a-t-il dit.
Réagissant au projet de loi 94, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a tenu à rappeler que «les situations problématiques rapportées récemment touchaient 17 écoles sur les quelque 3000 établissements scolaires du Québec».
«Les situations rapportées dans les médias à la fin de 2024 sont loin de refléter ce qui se passe dans l’ensemble du Québec», a déclaré dans un communiqué le président de la CSQ, Éric Gingras.
«Le gouvernement est dans une mauvaise passe actuellement, et il ne faudrait pas qu'il se serve de ce dossier polarisant pour faire des gains au détriment du réseau de l'éducation», a-t-il ajouté.
Le député Sol Zanetti, de Québec solidaire, a dit s'inquiéter de «l'utilisation de la clause dérogatoire pour se soustraire aux tribunaux, alors que ce projet de loi vient potentiellement brimer les libertés individuelles, particulièrement des femmes qui travaillent dans nos écoles».
De son côté, le député péquiste Pascal Bérubé s'est réjoui de l'«avancement» que représente le projet de loi 94.
«On parle des vraies choses: du religieux, de la spiritualité, de l'entrisme, du prosélytisme, et, nous, on tient le cap sur ces valeurs, évidemment. On va collaborer à ce projet de loi», a-t-il indiqué.