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«Les gens qui ont conçu cette tactique devraient avoir honte.»
Le Complexe Desjardins, au centre-ville de Montréal, est critiqué pour avoir utilisé la populaire chanson pour enfants Baby Shark afin de décourager les personnes en situation d'itinérance de flâner dans les escaliers de sortie de secours.
Jeudi matin, au centre commercial, la chanson entraînante pour enfants — dont des versions ont été visionnées et diffusées en continu des centaines de millions de fois en ligne — était jouée par des haut-parleurs dans au moins une des cages d'escalier, en boucle et à différentes vitesses.
Le Complexe Desjardins, du nom de la société de services financiers Desjardins, propriétaire du centre commercial et des trois tours de bureaux qui le surplombent, diffuse la musique depuis un an dans les cages d'escalier pour répondre aux «problèmes de sécurité» impliquant des personnes en situation d'itinérance, a indiqué jeudi son porte-parole Jean-Benoît Turcotti.
Depuis ce temps, l'entreprise a «remarqué une amélioration», a-t-il mentionné par courriel.
Selon Sam Watts, cette tactique du centre commercial déplace le problème de l'itinérance au lieu de le résoudre.
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Si M. Watts reconnaît que les commerçants sont préoccupés par la visibilité croissante de l'itinérance, il insiste sur le fait que cela «va prendre tous les paliers du gouvernement, le réseau de la santé, les commerçants, le grand public et les organismes communautaires (...) afin d'apporter vraiment des solutions».
M. Turcotti a expliqué que Desjardins est sensible aux problèmes des sans-abri et a embauché deux travailleurs sociaux pour «assurer un dialogue» avec les personnes vulnérables qui fréquentent le centre commercial. «Notre objectif n'est pas de contraindre, mais de soutenir ces personnes», a-t-il ajouté.
David Chapman, directeur général de l’organisme Resilience Montréal, désapprouve également cette pratique, estimant qu’il est inhumain d’irriter des personnes vulnérables jusqu’à ce qu’elles s’en aillent. Il soupçonne le centre commercial de s’être exaspéré, car la présence de sans-abri a sensiblement augmenté dans le centre-ville au cours des dernières années.
Le problème vient en fin de compte du manque de refuges pour les personnes sans-abri dans la métropole, a avancé M. Chapman. «Au cours des 10 dernières années au Canada, il y a eu un mouvement d’abandon du financement des refuges de jour et de nuit pour les sans-abri et nous commençons à en voir les conséquences», a-t-il mentionné.
Montréal n’est pas la seule ville à utiliser «Baby Shark» pour expulser des personnes de leur propriété. En 2023, le propriétaire d’un magasin de vêtements à Nanaimo, en Colombie-Britannique, a diffusé la chanson pour dissuader les gens de dormir devant sa boutique, d'après les médias. En 2019, les autorités de West Palm Beach, en Floride, ont aussi commencé à diffuser la chanson en boucle tout au long de la nuit afin d'empêcher les gens de dormir sur la terrasse d'une salle de banquet en location appartenant à la ville.
Ces dernières années, Montréal, Toronto et d'autres villes canadiennes ont installé des bancs de parc avec plusieurs accoudoirs, ce qui rend plus difficile pour les gens de s'allonger dans les espaces publics — un exemple de ce que l'on appelle parfois la «conception anti-sans-abri». En 2013, la Ville d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, a déversé du fumier de poulet sur un site où des sans-abri se rassemblaient et dormaient, dans le but de les éloigner.
— Avec des informations d'Associated Press