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Sport

Découvrir de futures vedettes de la LNH grâce à la psychologie

Voici une méthode qui pourrait permettre de découvrir le prochain Jonathan Marchessault.

Jonathan Marchessault soulève la Coupe Stanley avec les Golden Knights de Vegas, en juin 2023.
Jonathan Marchessault soulève la Coupe Stanley avec les Golden Knights de Vegas, en juin 2023.
/ Noovo Info

La sélection des derniers joueurs par des équipes de la Ligue nationale de hockey (LNH) ou de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) au repêchage est souvent considérée par plusieurs experts comme une science inexacte, voire une pure loterie ou un simple coup de dés.

Difficile de savoir quel joueur parviendra à éclore quelques années plus tard et de s’établir comme l’un des meilleurs joueurs du circuit.

Il existerait toutefois une manière de prédire des «vols» au repêchage – ces joueurs qui, contre toute attente et malgré une sélection tardive, finissent par devenir des joueurs de premier plan. Une étude publiée dans le Journal of Sports Science et menée par un chercheur de l'Université Laval pourrait montrer aux recruteurs comment réduire le risque d’échapper la prochaine pépite. La clé: repérer les «espoirs latents» grâce à leurs capacités psychologiques.

Le groupe d’étude mené par le postdoctorant en science du sport Daniel Fortin-Guichard tente de démontrer qu’il est possible de mesurer le potentiel des jeunes joueurs de hockey.

«On parle souvent de hockey sense ou de hockey IQ. J’ai proposé une façon de le mesurer.»
- Daniel Fortin-Guichard, chercheur à l'Université Laval

En collaboration avec les Remparts de Québec, M. Fortin-Guichard a publié des résultats d’une série de tests réalisés auprès de 95 joueurs âgés de 15 à 16 ans en 2019, à quelques semaines du repêchage de la LHJMQ. Un total de 70 d’entre eux ont été choisis après le deuxième tour du repêchage. Ils n’étaient donc pas considérés parmi l’élite de leur cohorte. L’étude s’est donc concentrée sur ces 70 jeunes.

«C’est assez connu que les joueurs qui sont censés être repêchés tard sont très homogènes», c'est-à-dire qu'ils «se ressemblent beaucoup en terme de physique, de vitesse, de maniement de bâton», explique M. Fortin-Guichard.

«Mais, y aurait-il quelque chose de psychologique qui pourrait distinguer ceux qui vont se rendre (dans les grandes ligues) et ceux qui ne s’y rendront pas?» s’est-il questionné. C’est ce qui a motivé l’étude.

Les tests avaient pour objectif de calculer ce qu'on appelle l’autorégulation des apprentissages chez les jeunes joueurs par le biais d’un questionnaire. L’autorégulation est «la capacité à tirer le maximum des enseignements qui nous sont offerts en exerçant un contrôle sur nos propres apprentissages», définit M. Fortin-Guichard. D’autres tests ont permis d’analyser d’autres caractéristiques psychologiques comme les pensées, les émotions et les comportements.

Afin de mesurer le fameux hockey IQ – le QI hockey, traduction libre –, le postdoctorant relate avoir montré aux hockeyeurs des séquences vidéo qui figent à un moment-clé de l’action. «En bas de l'écran, on avait un appareil qui permettait de suivre les mouvements des yeux. J’avais donc des mesures [du niveau d'attention]; donc, ce sur quoi les athlètes portent leur attention de manière instinctive.» Il était donc possible de savoir quelle décision le joueur prendrait dans le feu de l’action.

15 «espoirs latents» détectés

Trois ans plus tard, le groupe d’étude a de nouveau rencontré les recruteurs des Remparts pour déterminer lesquels des 70 joueurs ils sélectionneraient dans leur équipe en rétrospective, en connaissant leur niveau de performance réel.

Les recruteurs ont jeté leur dévolu sur 15 de ces joueurs... et, selon l’étude, ces 15 joueurs avaient un pointage d’autorégulation plus élevé que les autres. Leur stratégie de balayage visuel des images vidéo était plus dynamique. «Ils allaient chercher de l’information dans plus de parties de l’image en arrêtant leur regard moins souvent, c’est-à-dire qu’ils faisaient une seule prise d’information par élément important tout en regardant chaque élément important», statue Daniel Fortin-Guichard. 

«Quand ces joueurs avaient 15 ou 16 ans, les recruteurs de toutes les équipes n’avaient pas été en mesure de les prioriser au repêchage en se fiant à leurs performances sur la glace. Leur talent était latent», conclut-il.

Jonathan Marchessault, un bon exemple?

Cette méthode d'évaluation psychologique pourrait-elle faire son chemin jusqu'à la LNH? Il est difficile de savoir si les résultats seront les mêmes chez des joueurs de 17-18 ans, répond le postdoctorant, qui avait précédemment demandé aux Remparts de contacter les Canadiens de Montréal afin de réaliser la même étude.

Bien qu’il n’a pas révélé les noms des cobayes de son étude, M. Fortin-Guichard affirme que plusieurs joueurs ont connu de grandes carrières dans la LNH grâce à leurs capacités psychologiques, et ce, même s’ils ont été boudés au repêchage. Ces sleepers - des joueurs qui sont passés sous le radar des recruteurs, mais qui connaissant du succès malgré tout – déploient parfois de meilleures performances que des hockeyeurs qui ont entendu leur nom au premier tour du repêchage.

L’un des meilleurs exemples est le Québécois Jonathan Marchessault, évalue le chercheur. L’ancien attaquant des Remparts n’a jamais été repêché par une formation du circuit Bettman. Mais après quelques saisons dans les rangs mineurs, l’attaquant a connu une prolifique saison de 30 buts avec les Panthers de la Floride en 2016-2017. Puis, à 32 ans, le natif de Cap-Rouge a remporté le trophée Conn-Smythe, remis au joueur par excellence des séries éliminatoires, lors de la conquête de la Coupe Stanley des Golden Knights de Vegas en 2023. Selon M. Fortin-Guichard, le vétéran des Golden Knights enregistrerait probablement un score très élevé dans un test d’autorégulation.

Ceci dit, il n'y a pas que le talent ou la psychologie dans la vie. Marchessault «n’avait besoin de personne pour lui dire d’aller s’entraîner et pour s’appliquer dans ce qu’il faisait», prévient M. Fortin-Guichard.

Les données recueillies dans cette étude ne peuvent donc pas se transformer en gabarit. Et elles ne concernent que le hockey. Elles ne peuvent pas s'appliquer à d'autres sports pour le moment.

«Dans la science du sport, peu de choses se généralisent», élabore le chercheur, philosophe.